Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par un jugement n° 1403860 du 27 novembre 2015, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Nevers à verser à Mme F...D...une provision de 2 500 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice résultant de sa prise en charge le 16 août 2014 et a ordonné une expertise médicale avant de statuer sur ses droits définitifs et ceux de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis.
Mme F...D...a demandé au tribunal administratif de Dijon :
1°) d'annuler la décision du 10 octobre 2014 du centre hospitalier de Nevers rejetant sa demande préalable d'indemnisation ;
2°) de constater la responsabilité pleine et entière du centre hospitalier de Nevers et de le condamner à lui verser la somme de 48 418,05 euros à parfaire en réparation des préjudices subis.
La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Nevers à lui verser la somme de 18 250,92 euros, avec intérêts de droit à compter du 16 octobre 2015, au titre de ses débours ainsi que le paiement de l'indemnité forfaitaire.
Par un jugement n° 1403860 du 24 avril 2017, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Nevers à verser à Mme F...D...la somme de 8 415 euros, sous déduction de la provision déjà versée de 2 500 euros, et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis la somme de 17 364,21 euros, assortie des intérêts à compter du 5 février 2015 ainsi que les frais futurs de santé de Mme F...D...sur présentation des justificatifs au fur et à mesure qu'ils seront exposés dans la limite d'un montant annuel de 886,72 euros.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2017, Mme F...D..., représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 avril 2017 en tant qu'il a limité ses prétentions indemnitaires à la somme de 5 915 euros ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Nevers à lui verser la somme de 49 236,65 euros à parfaire au titre des dommages subis lors de sa chute ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Nevers la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
Sur les préjudices patrimoniaux :
- sur le déficit fonctionnel temporaire : du 16 août 2014 au 26 octobre 2015, elle a subi un déficit évalué dégressivement d'une classe IV à une classe I ; elle a été hospitalisée à plusieurs reprises et a été séparée de son fils de 10 ans et de sa famille ; elle s'est retrouvée seule et privée de son activité professionnelle ; elle n'a pas pu s'occuper de son fils ; le tribunal a inclus le préjudice sexuel et a fixé l'indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur seulement de 1 500 euros ; le déficit est considéré comme total du 16 août au 19 août 2014 et du 27 octobre au 3 novembre 2015 et devra être indemnisé sur la base de 18 euros par jour soit une somme de 216 euros ; le déficit sera considéré comme partiel pour les périodes du 20 août au 20 novembre 2014 et du 4 novembre au 9 décembre 2015 (classe IV), du 21 novembre 2014 au 25 mars 2015 et du 10 décembre 2015 au 2 février 2016 (classe III) , du 3 février au 15 mars 2016 ( classe II), et du 24 mars 2015 au 26 octobre 2015 ( classe I) soit, sur la base de 18 euros par jour, la somme de 3 941,10 euros ; l'indemnisation de ce poste de préjudice, dans toutes ses composantes, sera évaluée à 8 941,10 euros ;
- sur le poste assistance par tierce personne : son époux a effectué cette assistance et le caractère familial de cette aide ne saurait conduire à minimiser son droit à indemnisation ; il sera retenu 4 heures par semaine sur une base de 11 euros jusqu'à la reprise à temps plein de son emploi, soit jusqu'au 5 février 2017 ; elle sollicite l'indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 5 676 euros ;
- sur la perte de gains professionnels actuels : la période concernée s'étend du 16 août 2014 au 31 décembre 2016 soit la somme de 6 369,39 euros ; les pertes de gains professionnels futurs seront réservées en raison d'une nouvelle intervention chirurgicale qui va engendrer un nouvel arrêt de travail d'un mois minimum ;
- sur les frais divers : elle a dû effectuer des aller-retour pour un montant de 1 034,60 euros et son mari a perdu trois journées de travail ;
- sur les dépenses de santé futures, les frais et préjudices résultant de l'hospitalisation pour ablation du matériel d'ostéosynthèse prévue le 23 octobre 2017 seront réservés ;
Sur les préjudices extra-patrimoniaux :
- sur les souffrances endurées : elle sollicite le versement d'une somme de 10 000 euros compte tenu du traumatisme subi, de la durée des souffrances et des complications ;
- sur le préjudice esthétique temporaire et définitif : elle présente trois cicatrices disgracieuses dont une de 20 cm ; elle sollicite le versement d'une somme de 4 000 euros ;
- sur le préjudice d'agrément : elle est dans l'impossibilité de pratiquer le tir à l'arc et la danse ; elle subit une grande fatigabilité lors de la pratique de loisirs ; elle a dû abandonner les compétitions de tir à l'arc ; elle sollicite le bénéfice d'une somme de 7 000 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent a été fixé par l'expert à 2 % ; ce taux ne correspond pas à son état séquellaire ; il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant la somme de 3 500 euros ;
- sur le préjudice d'impréparation résultant du défaut d'information : elle sollicite le bénéfice d'une somme de 3 500 euros ;
Par un mémoire enregistré le 20 juillet 2018, le centre hospitalier de Nevers, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- Mme F...D...n'est pas fondée à réclamer la révision du pourcentage de 50 % retenu par le tribunal au titre de la perte de chance ;
- la demande d'indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent à un taux de 18 euros par jour est excessive ; le tribunal a justement évalué ce poste de préjudice en allouant à l'intéressée la somme de 1 500 euros ;
- en ce qui concerne l'aide par une tierce personne, l'expert a retenu qu'elle a été apportée par la famille ; elle ne peut bénéficier à ce titre que d'une indemnité qui ne saurait être supérieure à 900 euros ;
- en ce qui concerne la perte de gains professionnels actuels, la requérante a perçu de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis des indemnités journalières à hauteur de 28 077,86 euros et elle a perçu de son employeur un salaire net de 14 515,42 euros ; la réalité de son préjudice n'est pas établie ;
- s'agissant des frais kilométriques, la requérante ne produit aucune pièce permettant d'en justifier ; s'agissant des frais de repas pour trois personnes, il n'est pas établi que ces frais soient imputables aux opérations d'expertise ; seul le repas de Mme F...D...sera mis à sa charge pour un montant de 21,20 euros ; s'agissant des frais de péage, seul est produit un ticket de 19 euros pour la date du 23 juin 2016 ; s'agissant des jours de congés de son époux, il n'est pas établi que ces jours aient été rendus nécessaires par les opérations d'expertise ;
- s'agissant des souffrances endurées et du préjudice esthétique, la demande est excessive ;
- s'agissant de son préjudice d'agrément, son déficit fonctionnel permanent est de 2 % et aucune pièce du dossier n'établit son incapacité à pratiquer le tir à l'arc ;
- s'agissant du déficit fonctionnel permanent évalué à 2 % par l'expert, les premiers juges ont justement évalué ce poste de préjudice en lui allouant la somme de 1 115 euros ;
- s'agissant du préjudice d'impréparation, aucun préjudice d'impréparation ne saurait être retenu dès lors que le rapport d'expertise a précisé qu'un malaise vagal peut survenir sans signe annonciateur et que cette chute aurait aussi bien pu se produire à domicile ; Mme F...D...n'établit pas en quoi les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante de ce préjudice ;
Par un mémoire enregistré le 12 septembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, représentée par MeA..., conclut à la confirmation du jugement et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Nevers en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me F...H..., représentant le centre hospitalier de Nevers.
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 août 2014, vers 14h00, Mme F...D...a été admise au service des urgences du centre hospitalier de Nevers par les pompiers après deux épisodes de malaise alors qu'elle se trouvait en famille. A l'issue des examens ayant permis de détecter une gastro-entérite, Mme F...D...a été autorisée à regagner son domicile. Alors qu'elle se trouvait dans les toilettes de l'établissement hospitalier, elle a été victime d'un troisième malaise et a violemment chuté au sol. Elle a été transférée au service de chirurgie orthopédique et traumatologique du centre hospitalier de Nevers pour une fracture comminutive du tibia associée à une fracture du tiers supérieur du péroné. Elle a sollicité l'organisation d'une expertise médicale. Par ordonnance du 15 janvier 2015, le président du tribunal administratif de Dijon a désigné le docteur C...en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 22 juin 2015 et a conclu que " les manquements constatés sont l'absence de mise en garde sur le risque de récidive, l'absence d'accompagnement et d'aide au rhabillage après le malaise ". Par un jugement du 27 novembre 2015, le tribunal administratif de Dijon, retenant une perte de chance d'éviter les dommages de 50 %, a condamné le centre hospitalier de Nevers à verser à Mme F...D...une provision de 2 500 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et a ordonné une expertise médicale avant de statuer sur ses droits définitifs et ceux de la caisse primaire d'assurance maladie. Le docteur C...a remis son second rapport d'expertise le 9 septembre 2016. Par un jugement du 24 avril 2017, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Nevers à verser à Mme F...D...la somme de 8 415 euros, sous déduction de la provision déjà versée de 2 500 euros, et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis la somme de 17 364,21 euros, assortie des intérêts à compter du 5 février 2015 ainsi que les frais futurs de santé de Mme F...D...sur présentation des justificatifs au fur et à mesure qu'ils seront exposés dans la limite d'un montant annuel de 886,72 euros. Mme F...D...relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité ses prétentions indemnitaires aux sommes susmentionnées et le centre hospitalier de Nevers, qui admet le principe de sa responsabilité dans la survenance des préjudices subis par Mme F...D..., conclut au rejet de la requête.
Sur l'évaluation des préjudices subis par Mme F...D... :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
S'agissant des dépenses de santé postérieures au jugement du tribunal administratif :
2. Si Mme F...D...demande que soient réservés les frais et préjudices résultant de son hospitalisation pour ablation du matériel d'ostéosynthèse programmée le 23 octobre 2017, elle n'établit pas que des dépenses concernant cette intervention seraient restées à sa charge. Par suite, la demande indemnitaire relative à ces dépenses de santé ne peut qu'être rejetée.
S'agissant de l'assistance par une tierce personne :
3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme F...D...a eu recours à l'aide de son entourage pour les actes de la vie courante. Elle a présenté un déficit fonctionnel temporaire de classe IV du 20 août au 20 novembre 2014 et du 4 novembre au 9 décembre 2015 soit 125 jours et de classe III du 21 novembre 2014 au 25 mars 2015 et du 10 décembre 2015 au 2 février 2016, soit 302 jours. Mme F...D...fait état d'un besoin en assistance par une tierce personne de 4 heures par semaine. Eu égard aux taux de déficit fonctionnel temporaire de classe IV et III soit respectivement 75 % et 50 %, il y a lieu de retenir pour la période rappelée ci-dessus un besoin d'assistance de 4 heures par semaine. Sur la base de 412 jours par an pour tenir compte des coûts liés aux congés payés et jours fériés et du coût horaire moyen du SMIC majoré des cotisations sociales évalué à 12,50 euros pour cette période, le coût d'une telle assistance peut ainsi être fixé à 1 100 euros compte tenu du taux de perte de chance fixé à 50 % par le tribunal administratif de Dijon dans son jugement du 27 novembre 2015.
S'agissant de la perte de revenus actuels et futurs :
4. Il résulte de l'instruction que Mme F...D...est employée sous contrat à durée indéterminée depuis le 19 février 2008 au sein de la société Manutan. Elle a été placée en arrêt de travail imputable à l'accident du 16 août 2014 au 15 mars 2016. Elle a repris son travail à mi-temps thérapeutique à compter du 2 août 2016. Son employeur indique avoir versé à Mme D..., durant la période d'août 2014 à août 2016, un salaire net de 14 515,42 euros alors qu'elle aurait dû percevoir la somme de 39 953 euros si elle avait été présente à temps complet durant cette période. Elle aurait également pu prétendre au titre de l'exercice 2014-2015 à une participation nette d'environ 2 284,48 euros au lieu de la somme de 270,55 euros versée et placée en janvier 2016. Si Mme F...D...fait également valoir qu'elle aurait dû bénéficier d'une participation au titre de l'année 2015-2016, elle ne l'établit pas par les seules pièces produites. Il résulte également de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis a versé des indemnités journalières d'un montant total de 28 077,86 euros du 18 août 2014 au 4 décembre 2016. Par suite, et compte tenu du versement de ces indemnités qui doivent être prises en compte, Mme F...D...n'établit pas la perte de revenus professionnels allégués.
5. Si Mme F...D...demande que les pertes de gains professionnels futurs soient réservées en raison d'une nouvelle intervention chirurgicale devant engendrer un nouvel arrêt de travail d'un mois minimum, elle n'établit pas que cette intervention qui était programmée pour l'année 2017 a été à l'origine d'une perte de gain professionnel.
S'agissant des frais divers :
6. Il résulte de l'instruction que Mme F...D..., résidant à Tremblay en France, s'est déplacée à Dijon le 25 mars 2015 à la demande de l'expert en vue de la première réunion d'expertise ainsi que le 23 juin 2016 en vue de la seconde expertise. Il sera fait une juste appréciation des frais liés à ces déplacements, qui comprennent des frais de repas pour elle-même et son époux qui l'accompagnait, en lien avec les préjudices subis en l'évaluant à la somme totale de 260 euros. Si Mme F...D...demande également une indemnisation complémentaire en raison du détour justifié par la nécessité de déposer son enfant de 10 ans chez ses parents, ces frais ne sont pas en lien direct avec les dommages subis. Il y a donc lieu de condamner le centre hospitalier de Nevers à verser à Mme F...D...la somme totale de 260 euros en réparation de ce chef de préjudice.
7. Mme F...D...demande également une indemnisation pour la perte de trois journées de travail de son mari qui l'a accompagnée à l'expertise. Toutefois, il n'est pas établi que son époux aurait perdu, à ce titre, une quelconque rémunération. Par suite, la demande d'indemnisation de ce chef de préjudice doit être rejetée.
En ce qui concerne les préjudices à caractère extrapatrimonial :
Sur le déficit fonctionnel temporaire :
8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteurC..., que Mme F...D...a présenté un déficit fonctionnel temporaire total du 16 août au 19 août 2014 et du 27 octobre au 3 novembre 2015, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe IV (75 %) du 20 août au 20 novembre 2014, du 4 novembre au 9 décembre 2015, de classe III (50 %) du 21 novembre 2014 au 25 mars 2015 et du 10 décembre 2015 au 2 février 2016, de classe II (25 %) du 3 février au 15 mars 2016, et de classe I (10 %) du 24 mars au 26 octobre 2015. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, qui comprend le préjudice sexuel temporaire, en l'évaluant à la somme de 2 250 euros, compte tenu du taux de perte de chance de 50 % retenu par le tribunal administratif.
Sur le déficit fonctionnel permanent :
9. La requérante, qui était âgée de 39 ans à la date de consolidation de son état de santé fixée au 15 mars 2016, reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 2 % par l'expert compte tenu du discret raccourcissement du membre inférieur droit et des douleurs résiduelles. En se bornant à faire valoir que ce taux de déficit fonctionnel permanent doit être réévalué compte tenu de son état séquellaire, Mme F...D...n'établit pas que l'expert aurait sous-évalué ce taux. Par suite, il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel permanent dont est atteinte Mme F...D...en l'évaluant à la somme de 1 450 euros compte tenu du taux de perte de chance de 50 % retenu.
Sur les souffrances endurées :
10. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'expert a estimé à 4 sur une échelle de 7 les souffrances endurées par Mme F...D...et a retenu un préjudice psychologique de 2 sur 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 4 000 euros après application du taux de perte de chance de 50 %.
Sur le préjudice esthétique temporaire et permanent :
11. Le préjudice esthétique temporaire a été évalué par l'expert à 2 sur une échelle de 7 et le préjudice esthétique permanent à 1 sur une échelle de 7 pour les cicatrices opératoires et l'inégalité minime des membres inférieurs mesurée à " à peine 1 cm de moins au niveau du membre inférieur droit ". Compte tenu de l'existence d'une cicatrice d'une longueur de 20 cm et de l'inégalité des membres inférieurs, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 900 euros après application du taux de perte de chance de 50 %.
Sur le préjudice d'agrément :
12. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice d'agrément subi par Mme F...D...en l'évaluant à la somme de 115 euros après application du taux de perte de chance de 50 % dès lors que si elle n'est plus en mesure de tenir en station debout de façon prolongée, elle continue de pratiquer le tir à l'arc et la danse après la chute dont elle a été victime.
Sur le préjudice d'impréparation résultant du défaut d'information :
13. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ".
14. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.
15. Mme F...D...fait valoir un préjudice d'impréparation résultant du défaut d'information quant au risque de malaise vagal et de chute. Toutefois, l'obligation d'information du patient résultant des dispositions mentionnées ci-dessus ne se rapporte qu'aux risques connus de décès ou d'invalidité résultant d'un acte médical. Si le tribunal administratif de Dijon a retenu une absence de mise en garde sur le risque de récidive de malaise, le préjudice allégué n'est toutefois pas en lien avec l'obligation d'information devant permettre au médecin de recueillir le consentement éclairé du patient quant aux conséquences d'un acte médical. Par suite, cette demande d'indemnisation ne peut qu'être rejetée.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F...D...est seulement fondée à demander que l'indemnité de 8 415 euros que le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Nevers à lui verser soit portée à la somme de 10 075 euros sous déduction de la provision de 2 500 euros déjà versée.
Sur les frais liés au litige :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Nevers, partie principalement perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par Mme F...D...et non compris dans les dépens.
18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Nevers la somme demandée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 8 415 euros que le centre hospitalier de Nevers a été condamné à verser à Mme F...D...par le jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 avril 2017 est portée à 10 075 euros sous déduction de la provision déjà versée de 2 500 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier de Nevers versera à Mme F...D...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...D..., au centre hospitalier de Nevers et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis. Copie en sera adressée au DocteurC....
Délibéré après l'audience du 14 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 mars 2019.
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N° 17LY02754