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21/03/2019 | FRANCE | N°17LY00489

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 17LY00489


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté n° 146/2014 du 3 juin 2014 du maire de Saint-Julien-en-Genevois portant permission de voirie, ensemble le rejet implicite de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1407187 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'article 5 de l'arrêté du 3 juin 2014 et, dans cette mesure, la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par M. et MmeD..., en tant que cet article leur impose de ma

intenir, sur son tracé projeté, la voie utilisable par les engins de services d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté n° 146/2014 du 3 juin 2014 du maire de Saint-Julien-en-Genevois portant permission de voirie, ensemble le rejet implicite de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1407187 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'article 5 de l'arrêté du 3 juin 2014 et, dans cette mesure, la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par M. et MmeD..., en tant que cet article leur impose de maintenir, sur son tracé projeté, la voie utilisable par les engins de services d'incendie et de secours et libre de tout obstacle.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 février 2017, la commune de Saint-Julien-en-Genevois, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 décembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. et MmeD... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme D...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'article 5 de l'arrêté contesté, en tant qu'il impose aux époux D...de maintenir l'accès par les engins de services d'incendie et de secours à l'impasse du Peutet, classée voie communale, constitue une mesure de police prise dans l'intérêt de la sécurité publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2017, M. et MmeD..., représentés par MeA..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Julien-en-Genevois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- la commune de Saint-Julien-en-Genevois ne dispose d'aucun droit, ni de propriété, ni au titre d'une quelconque servitude, sur la parcelle cadastrée section AD n° 28 leur appartenant ;

- la nouvelle pièce qu'elle produit en cause d'appel ne prouve pas, à elle seule, que l'impasse du Peutet serait classée dans son domaine public ; en tout état de cause, la parcelle cadastrée section AD n° 28 n'est pas comprise dans le domaine public routier de la commune ;

- le terrain reliant l'impasse du Peutet à la rue Louis Martel n'appartenant pas au domaine public routier de la commune, le maire ne pouvait légalement édicter une permission de voirie.

Un mémoire enregistré le 5 mars 2019 présenté pour la commune de Saint-Julien-en-Genevois n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la voirie routière ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Lesieux,

- les conclusions de Mme Geneviève Gondouin, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la commune de Saint-Julien-en-Genevois et de Me A... pour M. et MmeD... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 juin 2014, le maire de la commune de Saint-Julien-en-Genevois a autorisé M. et Mme D...à exécuter des travaux de modification d'accès au droit de leur propriété située dans le hameau de Thairy, sur des parcelles cadastrées section AD n°s 27, 28 et 47, débouchant sur les voies communales impasse du Peutet et rue Louis Martel. Par l'article 5 de cet arrêté, le maire, sur le fondement de ses pouvoirs de police, leur a imposé de maintenir, sur son tracé projeté, la voie utilisable par les engins des services d'incendie et de secours et libre de tout obstacle. Par un jugement du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a, à la demande des épouxD..., annulé cet arrêté en tant qu'il fixe cette prescription particulière ainsi que, dans cette mesure, la décision implicite du maire de la commune rejetant leur recours gracieux. La commune de Saint-Julien-en-Genevois relève appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :(...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ;(...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, " Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. / Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : / 1° La prévention et l'évaluation des risques de sécurité civile ; / 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ; / 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation. ". L'article L. 1424-3 du même code précise que " Les services d'incendie et de secours sont placés pour emploi sous l'autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police. (...) ". En vertu de l'article L. 1424-4 du même code : " Dans l'exercice de leurs pouvoirs de police, le maire et le préfet mettent en oeuvre les moyens relevant des services d'incendie et de secours dans les conditions prévues par un règlement opérationnel arrêté par le préfet après avis du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours. / L'organisation du commandement des opérations de secours est déterminée par ce règlement. Le commandant des opérations de secours désigné est chargé, sous l'autorité du directeur des opérations de secours, de la mise en oeuvre de tous les moyens publics et privés mobilisés pour l'accomplissement des opérations de secours. / En cas de péril imminent, le commandant des opérations de secours prend les mesures nécessaires à la protection de la population et à la sécurité des personnels engagés. Il en rend compte au directeur des opérations de secours (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions combinées que les services publics d'incendie et de secours sont, dans le cadre de leurs missions de protection et de secours, en droit d'intervenir sur tout le territoire de la commune, sans que puisse leur être opposé le caractère privé des voies qu'ils doivent emprunter et qu'un maire peut légalement sur le fondement du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales imposer des prescriptions particulières à des propriétaires privés afin de préserver les caractéristiques physiques d'une voie d'accès permettant l'intervention de leurs engins, sans que puisse lui être opposée la circonstance que cette voie ne serait pas ouverte à la circulation publique ou grevée d'une servitude de passage.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait une voie publique ou privée permettant l'accès par les services de secours et d'incendie aux habitations riveraines de l'impasse du Peutet, autre que la voie traversant la propriété des épouxD.... Par suite, eu égard à la situation d'enclavement de ces habitations, d'ailleurs reconnue par la cour d'appel de Chambéry dans son arrêt du 9 octobre 2014, ainsi qu'au but recherché de prévention, de protection des riverains de l'impasse du Peutet et de lutte contre les incendies, les sujétions résultant pour M. et Mme D...de la décision du maire de la commune de Saint-Julien-en-Genevois en tant qu'elle fait obstacle à leur droit de clore leurs parcelles cadastrées section AD n° 28, côté impasse du Peutet, et n°47 côté rue Louis Martel, n'excèdent ni par leur nature, ni par leur importance, celles que le maire pouvait légalement leur imposer en vertu des pouvoirs de police générale qu'il tient des dispositions précitées du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.

6. Par suite, la commune de Saint-Julien-en-Genevois est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le moyen tiré de ce que son maire ne pouvait légalement faire obstacle au droit de se clore des époux D...pour annuler, dans cette mesure, l'article 5 de l'arrêté du 3 juin 2014 et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

7. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme D...tant devant le tribunal que devant elle.

Sur les autres moyens et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'intérêt à agir de M. et Mme D...:

8. En premier lieu, le vice propre dont serait entachée la décision rejetant le recours gracieux de M. et Mme D...contre l'arrêté du 3 juin 2014 ne saurait être utilement invoqué à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation, à la fois, de cet arrêté et du refus du maire de faire droit au recours gracieux formé contre lui.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relatons avec les administrations, alors en vigueur : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D...ont déposé, le 7 avril 2014, une demande de permis modificatif pour des travaux sur leur immeuble, impliquant que leur soit délivrée une permission de voirie pour permettre, depuis la voie publique, l'accès au chantier afin de réaliser les travaux envisagés. L'arrêté contesté, qui vise cette demande de permis modificatif, les autorise à exécuter les travaux de modification d'accès à leur propriété dans les conditions qu'il définit et a donc été pris sur leur demande. M. et Mme D...ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le maire était tenu de les mettre à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant orales, avant de leur imposer les prescriptions particulières contestées, contenues dans l'article 5 de cet arrêté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 113-2 du code de la voirie routière : " En dehors des cas prévus aux articles L. 113-3 à L. 113-7 et de l'installation par l'Etat des équipements visant à améliorer la sécurité routière, l'occupation du domaine public routier n'est autorisée que si elle a fait l'objet, soit d'une permission de voirie dans le cas où elle donne lieu à emprise, soit d'un permis de stationnement dans les autres cas. Ces autorisations sont délivrées à titre précaire et révocable. ".

12. Il ressort des énonciations de l'arrêté du 3 juin 2014, et notamment de son article 2 et ainsi qu'il a été dit au point 10, que le maire de la commune de Saint-Julien-en-Genevois a accordé aux époux D...une permission de voirie pour permettre, depuis la voie publique, soit la rue Louis Martel, l'accès au chantier afin de réaliser les travaux envisagés sur leur propriété. Par suite, et en tout état de cause, M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que le maire aurait illégalement appliqué le régime de la permission de voirie en vue de l'occupation du terrain leur appartenant ni qu'il aurait entendu créer sur leur fond, à son profit, une servitude de passage qui serait constitutive d'une emprise irrégulière.

13. En quatrième lieu, M. et Mme D...n'établissent pas que la mesure contestée aurait pour conséquence de " priver d'effet le permis de construire " qui leur a été délivré, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'ils n'ont pas été privés de la possibilité de réaliser les travaux qu'ils projetaient. Ils n'établissent pas davantage que cette mesure serait contraire aux prescriptions du plan local d'urbanisme qui classe leur propriété dans un périmètre délimité au titre du h) de l'article R. 123-11 du code de l'urbanisme, compte tenu de sa valeur patrimoniale.

14. En dernier lieu, en imposant à M. et Mme D...de maintenir la voie utilisable, telle que projetée par les intéressés sur le plan joint au permis modificatif sollicité le 7 avril 2014, accessible aux engins des services d'incendie et de secours pour l'accès à l'impasse du Peutet, et libre de tout obstacle, le maire de la commune de Saint-Julien-en-Genevois n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation et ce, alors même que les habitations riveraines de l'impasse du Peutet seraient desservies par des bornes incendie ou qu'il serait possible d'y accéder à pied, y compris avec un brancard. Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que ces prescriptions seraient entachées d'un détournement de procédure en ce qu'elles auraient pour unique but de mettre un terme à la situation d'enclavement des riverains de l'impasse du Peutet.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Julien-en-Genevois est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'article 5 de l'arrêté du 3 juin 2014 en tant qu'il impose à M. et Mme D...de maintenir la voie utilisable par les engins des services d'incendie et de secours pour l'accès à l'impasse du Peutet et libre de tout obstacle ainsi que, dans cette mesure, la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour de rejeter les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1407187 du tribunal administratif de Grenoble du 6 décembre 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme D...devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que les conclusions présentées par les parties au titre des frais du litige sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Julien-en-Genevois et à M. et Mme C...et SylvieD....

Délibéré après l'audience du 14 mars 2019, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, président,

M. Chassagne, premier conseiller,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mars 2019.

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

6

N° 17LY00489


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00489
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-03-01 Police. Étendue des pouvoirs de police. Champ d'application des mesures de police.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : LIOCHON DURAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-21;17ly00489 ?
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