La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2019 | FRANCE | N°17LY00334

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 17LY00334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Poisy a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société Arch'ingénierie Spelta-Laurent à lui verser la somme de 50 221,71 euros HT assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation des désordres ayant affecté l'installation d'eau chaude sanitaire d'un bâtiment technique attenant aux terrains de football communaux.

Par un jugement n° 1300257 du 22 novembre 2016, le tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant la société Ar

ch'ingénierie Spelta-Laurent à lui verser la somme de 45 560 euros HT assortie des i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Poisy a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société Arch'ingénierie Spelta-Laurent à lui verser la somme de 50 221,71 euros HT assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation des désordres ayant affecté l'installation d'eau chaude sanitaire d'un bâtiment technique attenant aux terrains de football communaux.

Par un jugement n° 1300257 du 22 novembre 2016, le tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant la société Arch'ingénierie Spelta-Laurent à lui verser la somme de 45 560 euros HT assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 janvier 2017, la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) subsidiairement, de condamner M. A...E..., la société Michel Barbalat et la société bureau Alpes Contrôles à la relever et garantir de la condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Poisy le versement de la somme de 3 500 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- le tribunal a jugé que l'ouvrage était impropre à sa destination alors qu'il était conforme aux normes sanitaires applicables lors de la réception ;

- il a également jugé que la commune apportait la preuve des désordres allégués malgré l'absence de constat contradictoire ;

- la commune n'établit pas que la présence de légionelles à un taux élevé serait imputable à une erreur de conception de l'ouvrage ;

- elle est fondée à appeler en garantie le bureau d'études fluides et le contrôleur technique qui ne l'ont pas informée d'un défaut de conception ou de réalisation de l'ouvrage ainsi que le titulaire du lot " chauffage, plomberie, sanitaire ".

Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2017, la société bureau Alpes Contrôles, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, à ce que soit mise à la charge de la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent la somme de 3 500 euros au titre des frais du litige et, subsidiairement, à être relevée et garantie par la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent, M. A... E...et la société Michel Barbalat de toutes condamnations prononcées à son encontre.

Elle fait valoir que :

- les conclusions d'appel en garantie de la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent dirigées contre elle sont irrecevables comme nouvelles en appel et atteintes par la prescription ;

- elle n'a commis aucune faute à son égard dans l'exécution de sa mission contractuelle de contrôle technique qui ne portait pas sur le réseau d'eau chaude sanitaire ;

- les désordres n'ont pas été constatés contradictoirement ;

- l'arrêté du 1er février 2010 qui fixe les seuils admissibles de légionelles sur lequel s'est fondé le tribunal pour retenir le caractère décennal des désordres est postérieur à la réception de l'ouvrage.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2017, la commune de Poisy, représentée par MeH..., conclut au rejet de la requête, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent au titre des frais du litige et, par la voie de l'appel incident, à ce que la condamnation prononcée soit portée à 50 221,71 euros HT.

Elle fait valoir que :

- comme il a été jugé dans le jugement attaqué qui devra être confirmé sur ce point, l'infection bactérienne rendait l'ouvrage impropre à sa destination en tant qu'elle représentait un danger certain pour la santé des utilisateurs ;

- les désordres, imputables à un défaut de conception du réseau d'eau chaude sanitaire, relèvent de la seule responsabilité de la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent qui en outre a méconnu les normes en vigueur lors de la réalisation du bâtiment ainsi que son obligation de conseil ;

- elle est fondée à demander l'indemnisation du coût d'installation d'un adoucisseur qui n'est pas un ajout de confort dans la mesure où les légionelles ont une prédominance au développement dans le tartre ou la corrosion déposés sur les parois des tuyauteries.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2017 et régularisé par télérecours le 24 avril 2017, la société Michel Barbalat, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et des conclusions d'appel en garantie dirigées contre elle et à ce que soit mise à la charge de la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent ou de qui mieux le devra la somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- les conclusions d'appel en garantie de la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent dirigées contre elle sont irrecevables comme nouvelles en appel et atteintes par la forclusion ;

- les désordres n'ont pas été constatés contradictoirement ;

- subsidiairement, la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent n'est pas fondée à demander à être garantie par elle de la condamnation mise à sa charge car elle n'a commis aucune faute contractuelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2017, M. A...E..., représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête et des conclusions d'appel en garantie dirigées contre lui, à ce que soit mise à la charge de la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent la somme de 2 500 euros au titre des frais du litige et, subsidiairement, à être relevé et garanti par la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent et la société Michel Barbelat de toutes condamnations prononcées à son encontre.

Il fait valoir que :

- les conclusions d'appel en garantie de la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent dirigées contre lui sont irrecevables comme nouvelles en appel et atteintes par la forclusion ;

- les désordres n'ont pas été constatés contradictoirement ;

- subsidiairement, la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent n'est pas fondée à demander à être garantie par lui de la condamnation mise à sa charge car il n'a commis aucune faute contractuelle ;

- il est fondé à appeler en garantie la société Michel Barbalat, qui a exécuté les ouvrages alors qu'ils n'étaient pas conformes à la réglementation, et la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent, qui n'a pas émis de remarques sur les documents qu'il avait établis lors de l'élaboration du projet.

Un mémoire enregistré le 1er février 2019 présenté par la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 1er février 2010 relatif à la surveillance des légionelles dans les installations de production, de stockage et de distribution d'eau chaude sanitaire ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- les conclusions de MmeJ...,

- et les observations de MeK..., représentant la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent, celles de MeF..., représentant M. E...et celles de Me I...représentant la société Bureau Alpes Contrôles.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Poisy (Haute-Savoie) a fait construire en 2005, sur un site accueillant des terrains de football, un bâtiment technique et administratif destiné à abriter des vestiaires avec douches, des services administratifs, un " club-house/kitchenette " et une réserve de matériel. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement solidaire composé notamment de la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent, mandataire. Le lot n° 14 " chauffage-plomberie-sanitaire-ventilation mécanique contrôlée " a été attribué à la société Emile Debernardi. La mission d'études techniques pour ce lot a été confiée aux bureaux d'études des fluides AndréE..., exerçant en son nom propre, et ACE Fluides. La commune a recouru pour les prestations de contrôles à la société bureau Alpes Contrôles. La réception du lot n° 14 a été prononcée sans réserve le 28 février 2006. Une prolifération de légionelles ayant été constatée courant 2012 dans les sanitaires des vestiaires devenus de ce fait inutilisables, la commune a été contrainte de faire réaliser des travaux de réfection de l'installation de distribution d'eau chaude. En l'absence de remboursement par la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent des travaux engagés, la commune a saisi le tribunal administratif de Grenoble qui, par un jugement du 22 novembre 2016, a condamné cette société sur le fondement de la garantie décennale à lui verser la somme de 45 560 euros HT. La société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, la commune de Poisy demande que la condamnation prononcée soit portée à 50 221,71 euros HT.

Sur l'engagement de la responsabilité décennale :

2. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

3. Il résulte de l'instruction que la colonisation du réseau d'eau chaude sanitaire des vestiaires des terrains de football, révélée aux mois de mars et mai 2012 par les contrôles bactériologiques pratiqués par un laboratoire accrédité, compte tenu du risque pour les utilisateurs, rendait l'ouvrage impropre à sa destination. Plusieurs traitements curatifs thermiques et chlorés n'ont pu empêcher durablement le développement des bactéries, une recolonisation étant observée après chaque traitement. Il résulte tant des constats de l'agence régionale de santé Rhône-Alpes que du cabinet d'études thermiques Fradet, dont la commune de Poisy peut se prévaloir dès lors qu'ils ont été soumis au contradictoire et que leur teneur a pu être débattue par les parties, que la prolifération de légionelles dans le système de distribution d'eau chaude sanitaire est due au mauvais emplacement du mitigeur thermostatique dans la chaufferie des sanitaires empêchant le maintien en tous points du réseau de distribution d'une température supérieure à 50° C. Cette prolifération et la fermeture consécutive des sanitaires sont imputables à la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent à laquelle la commune de Poisy avait confié, dans le cadre de sa mission d'assistance pour la passation des contrats de travaux, la conception du système de distribution d'eau chaude. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a retenu la responsabilité décennale de la société requérante, indépendamment de la question de savoir si l'ouvrage était conforme à la réglementation, notamment aux normes techniques opposables.

Sur le montant de la réparation :

4. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le tribunal a condamné la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent à verser à la commune de Poisy la somme de 45 560 euros HT correspondant au coût de la désinfection du système d'eau chaude sanitaire à laquelle elle a été contrainte de procéder pour rechercher une solution au désordre, au coût d'une étude technique et, à hauteur de 42 184 euros HT, au coût des travaux de reprise de ce système. C'est à bon droit que le tribunal, pour limiter la condamnation prononcée à ce montant, a jugé que l'installation d'un adoucisseur procurait une plus-value à l'ouvrage en cause. Par suite, il n'y a pas lieu de réformer le jugement sur ce point et de faire droit aux conclusions incidentes de la commune de Poisy.

Sur les appels en garantie :

5. La société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent demande à être garantie par M.E..., la société Michel Barbalat, venue aux droits de la société Emile Debernardi, et la société bureau Alpes Contrôles des condamnations prononcées à son encontre. Toutefois, la demande présentée par la commune de Poisy devant le tribunal administratif de Grenoble, qui lui a été régulièrement communiquée le 19 février 2013, comportait des conclusions indemnitaires dirigées contre elle la mettant ainsi en mesure, si elle l'estimait utile, de présenter dès cette instance des conclusions d'appel en garantie. Par suite, les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent pour la première fois en appel sont, ainsi que le relèvent les sociétés bureau Alpes Contrôles et Michel Barbalat et M.E..., irrecevables.

6. Les sociétés bureau Alpes Contrôles et Michel Barbalat et M. E...ne font l'objet d'aucune condamnation par le présent arrêt. Par suite, leurs conclusions d'appel en garantie réciproques et dirigées contre la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais du litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les parties au litige sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à société Arch'Ingénierie Spelta-Laurent, à la commune de Poisy, à la société bureau Alpes Contrôles, à la société Michel Barbalat et à M. A...E....

Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président assesseur,

M. Chassagne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 mars 2019.

6

N° 17LY00334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00334
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-03-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Aléas du contrat. Imprévision.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SELAS LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-21;17ly00334 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award