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28/02/2019 | FRANCE | N°18LY00878

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 février 2019, 18LY00878


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...C..., épouse B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône en date du 1er juin 2017, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1704413 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requ

ête enregistrée le 1er mars 2018, Mme B..., représentée par la SELARL Bescou et Sabatier avocats ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...C..., épouse B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône en date du 1er juin 2017, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1704413 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er mars 2018, Mme B..., représentée par la SELARL Bescou et Sabatier avocats associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 février 2018 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale faute de s'être prononcée sur sa demande de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 et de l'article 16 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pommier,

1. Considérant que Mme B..., ressortissante algérienne née le 1er avril 1973, est entrée en France le 12 septembre 2013, sous couvert d'un visa de court séjour, accompagnée de ses deux enfants mineurs ; qu'elle a sollicité la délivrance, à titre principal, d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " en faisant valoir l'état de santé de son fils D...ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ; que, par arrêté du 1er juin 2017, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que Mme B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

3. Considérant que pour rejeter la demande de certificat de résidence présentée par Mme B... pour demeurer en France avec son fils mineur atteint d'un trouble envahissant du développement, le préfet du Rhône s'est fondé sur la circonstance que le jeune D...peut bénéficier d'un traitement approprié en Algérie, où la majorité des maladies courantes peuvent être soignées ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le jeuneD..., âgé de douze ans, souffre d'autisme avec un retard de développement hétérogène, pathologie pour laquelle il bénéficie d'une prise en charge multidisciplinaire au sein d'un institut médico-éducatif depuis septembre 2015 ; que le médecin de l'agence régionale de santé, par un avis émis le 16 août 2016, a estimé que l'état de santé du jeune D...nécessite une prise en charge médicale d'une durée de douze mois, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existe pas en Algérie et que la présence de sa mère lui est nécessaire ; que si le préfet n'est pas lié par cet avis médical, les seuls documents qu'il produit, à savoir deux courriels du conseiller santé auprès du secrétariat général à l'immigration et à l'intégration en date du 14 juin 2013 et du consulat général de France à Alger en date du 21 octobre 2013 ainsi que le rapport en langue anglaise du 3 novembre 2011 de l'agence de gestion des frontières du ministère de l'intérieur britannique, ne se prononcent pas précisément sur la prise en charge en Algérie des enfants atteints d'autisme et ne permettent pas de tenir pour établi que D...pouvait avoir effectivement accès à un traitement approprié à sa pathologie à la date de l'arrêté en litige ; que Mme B... produit des documents qui attestent de l'insuffisance des structures spécialisées mises en place en Algérie pour prendre en charge les enfants autistes ; qu'ainsi, et eu égard aux progrès du jeune D...dans ses apprentissages et son développement depuis sa prise en charge spécialisée au sein d'un institut médico-éducatif, le préfet du Rhône, en rejetant la demande de certificat de résidence qui avait été présentée par Mme B... au regard de l'état de santé de son fils, doit être regardé, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme ayant méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que le refus de certificat de résidence doit par suite être annulé ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et la décision fixant le pays de renvoi ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que le juge de l'injonction, saisi de conclusions présentées au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, est tenu de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de son arrêt ;

6. Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre de séjour du 1er juin 2017 du préfet du Rhône et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, et en l'absence d'élément faisant apparaître une évolution dans la situation de droit ou de fait de Mme B...et de son fils, que le préfet du Rhône délivre le titre sollicité à la requérante ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer à Mme B... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;

Sur les frais liés au litige :

7. Considérant que Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocat de Mme B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de la SELARL Bescou et Sabatier avocats associés, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 février 2018 et l'arrêté du préfet du Rhône du 1er juin 2017 refusant la délivrance d'un titre de séjour à MmeB..., faisant obligation à cette dernière de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de renvoi, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme B... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SELARL Bescou et Sabatier avocats associés la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., épouseB..., à la SELARL Bescou et Sabatier avocats, et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative. Copie en sera également adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-rapporteur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 février 2019.

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N° 18LY00878


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00878
Date de la décision : 28/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-28;18ly00878 ?
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