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17/01/2019 | FRANCE | N°17LY02767

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 17 janvier 2019, 17LY02767


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de déclarer la commune de Saint-Etienne responsable des préjudices subis du fait de sa chute survenue le 27 juillet 2013 à la sortie du parking souterrain de l'hôtel de ville et de la condamner à lui verser la somme de 59 044,38 euros en réparation des préjudices subis et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale pour évaluer son préjudice corporel et de lui allouer la somme de 13 000 euros à valoir sur la réparat

ion de ses préjudices.

Par un jugement n° 1510815 du 30 mai 2017, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de déclarer la commune de Saint-Etienne responsable des préjudices subis du fait de sa chute survenue le 27 juillet 2013 à la sortie du parking souterrain de l'hôtel de ville et de la condamner à lui verser la somme de 59 044,38 euros en réparation des préjudices subis et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale pour évaluer son préjudice corporel et de lui allouer la somme de 13 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1510815 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a déclaré la commune de Saint-Etienne responsable à hauteur des deux tiers des conséquences dommageables de l'accident subi par Mme D...le 27 juillet 2013, a ordonné une expertise afin de déterminer les préjudices subis du fait de cette chute et a réservé, jusqu'en fin d'instance, tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2017, la commune de Saint-Etienne, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2017 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Lyon ;

3°) à titre subsidiaire, et en cas de confirmation du jugement, d'enjoindre à Mme D...de communiquer à la cour, dans un délai de deux mois, tout document concernant les sommes perçues de son assureur pour l'indemnisation de son préjudice ainsi que la copie de son contrat d'assurance et de désigner un expert aux fins d'évaluer les conséquences médico-légales de la chute de MmeD... ;

4°) de mettre à la charge de Mme D...la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a entrepris, à partir de l'année 2010, une vaste opération de travaux ; à partir de juillet 2013, a débuté la campagne de travaux prévue place de l'hôtel de ville sous la maîtrise d'oeuvre du cabinet OBRAS ; les travaux ont été confiés à l'entreprise SOLS ; cette entreprise a installé une passerelle sous forme de plaque métallique fixée sur la dernière marche des escaliers de l'accès piéton pour permettre la circulation des piétons à l'entrée et au sortir du parking ; la victime n'établit pas l'existence d'un défaut d'entretien de l'ouvrage ; s'agissant des photographies produites, elles ne sont pas datées et rien ne permet d'affirmer que le jour de la chute, la plaque mise en cause aurait occupé la position ressortant des photographies ; s'agissant des témoins, la première attestation a été rédigée par le mari de la victime ; les autres témoignages n'apportent aucune précision ; les affirmations de Mme D...sont contradictoires ;

- Mme D...ne pouvait ignorer la zone de travaux parfaitement visible ; la couleur de la passerelle était différente du reste du sol ;

- la plaque sur laquelle Mme D...affirme avoir buté était située en haut d'un escalier afin de servir de passerelle pour passer au-dessus de la zone des travaux ; par suite, cette plaque ne constituait pas un obstacle imprévisible dès lors que la place était en travaux ;

- la faute de la victime est de nature à l'exonérer de toute responsabilité ; la montée d'un escalier suppose qu'un piéton prête une attention particulière à la hauteur des marches pour s'y positionner correctement ; les travaux réalisés étaient connus de la victime ;

- il sera tiré toutes les conséquences de l'absence de production de tout élément permettant de s'assurer de l'absence d'indemnisation de Mme D...par son assureur ; il n'est pas établi que son contrat d'assurance ne comporte pas de clause de subrogation ;

Par un mémoire enregistré le 25 octobre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, représentée par Me A...E..., conclut à la condamnation de la commune de Saint-Etienne à lui verser la somme de 13 784 euros en remboursement de ses débours, de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Etienne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les éléments produits par Mme D...établissent les circonstances de sa chute et le lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage résultant de l'accident ; la plaque posée sur la dernière marche n'était pas correctement positionnée et représentait un obstacle imprévisible pour les personnes empruntant l'escalier ;

- la commune de Saint-Etienne n'a pas apporté la preuve que le franchissement de la dernière marche pouvait être effectué sans danger ni que le risque inhérent à la présence de cette passerelle aurait été signalé ;

Par un mémoire enregistré le 2 novembre 2017, MmeD..., représentée par Me B..., conclut à la confirmation du jugement en tant qu'il a retenu le principe de responsabilité de la commune de Saint-Etienne et a ordonné une mesure d'expertise, à la réformation du jugement en tant qu'il a retenu une part de responsabilité à sa charge, à titre subsidiaire, à la condamnation de la commune de Saint-Etienne à lui verser la somme totale de 81 777,32 euros et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Etienne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a chuté en sortant du parking souterrain de l'hôtel de ville en trébuchant sur la dernière marche en raison de la présence d'une plaque métallique non fixée et mal positionnée par rapport à la marche ; ces faits sont corroborés par les photographies et les témoignages de son mari et de son fils et de deux témoins ; la capture d'écran du site Mapy de juin 2015 et la photographie datée d'août 2013 produites par la commune ne sont pas de nature à contredire les faits objectifs rapportés ; les travaux en cours n'étaient pas signalés ; le lien de causalité entre l'ouvrage public et l'accident est établi ;

- elle ne réside pas à Saint-Etienne et il ne peut lui être reproché de ne pas avoir focalisé son attention sur les travaux en cours ; les travaux n'étaient pas signalés ;

- si la cour procède à son indemnisation, il y a lieu de retenir des frais d'assistance par tierce personne, un déficit fonctionnel temporaire total et partiel, des souffrances évaluées à 3,5 sur une échelle de 7, des troubles dans les conditions d'existence, un préjudice esthétique et un préjudice d'agrément ;

- si elle a perçu une somme de 1 920 euros en application du contrat d'assurance souscrit, les prestations de son contrat sont forfaitaires et non indemnitaires et n'ont pas vocation à s'imputer sur les sommes qui seront allouées dans le cadre de la procédure engagée ;

Par lettre du 3 décembre 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a expressément réservé jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas statué par le jugement attaqué, incluant l'ensemble des conclusions relatives à l'indemnisation des préjudices des différentes parties au litige ; qu'il ne peut, en conséquence, être directement statué en appel sur ces conclusions ; que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône tendant à la condamnation de la commune de Saint-Etienne à lui verser une somme au titre des débours exposés en faveur de Mme D...et au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion sont, dès lors, irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la commune de Saint-Etienne et de MeB..., représentant MmeD....

1. Considérant qu'en 2010, la commune de Saint-Etienne a réalisé une opération de travaux, dénommée " Coeur de ville ", en vue d'améliorer la circulation piétonne et de favoriser les transports en commun et à vélo dans le centre ville ; que, pour l'exécution de ces travaux, la société SOLS, maître d'oeuvre des travaux, a mis en place une passerelle à l'entrée et au sortir du parking souterrain de l'hôtel de ville ; que, le 27 juillet 2013, vers 10h00, Mme D...a chuté à la sortie du parking souterrain de l'hôtel de ville alors qu'elle s'apprêtait à franchir la passerelle constituée d'une plaque métallique ; que cette chute lui a occasionné une fracture de l'humérus gauche qui a nécessité, le 28 juillet 2013, une ostéosynthèse chirurgicale au centre hospitalier Lyon sud ; qu'imputant sa chute à un défaut d'entretien de l'ouvrage public dont la commune de Saint-Etienne est le propriétaire, Mme D...a saisi celle-ci d'une réclamation indemnitaire qui a été rejetée le 2 novembre 2015 ; que la commune de Saint-Etienne relève appel du jugement du 30 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon l'a déclarée responsable à hauteur des deux tiers des conséquences dommageables de l'accident subi par Mme D...le 27 juillet 2013, a ordonné une expertise afin de déterminer les préjudices subis du fait de cette chute et a réservé, jusqu'en fin d'instance, tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué ; que Mme D...demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu une part de responsabilité à sa charge ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a expressément réservé jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas statué par le jugement attaqué, incluant l'ensemble des conclusions relatives à l'indemnisation des préjudices des différentes parties au litige ; qu'il ne peut, en conséquence, être statué sur ces conclusions dans le cadre de la présente instance d'appel qui ne porte que sur le principe de la responsabilité, seul point sur lequel le jugement avant dire droit a statué ; que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône tendant à la condamnation de la commune de Saint-Etienne à lui verser une somme au titre des débours exposés en faveur de Mme D...et au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion sont, dès lors, irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la responsabilité de la commune de Saint-Etienne :

3. Considérant qu'il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur un ouvrage public, de rapporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint ; que la collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des attestations établies par deux témoins de la chute ainsi que par le récit de son mari, que Mme D...est tombée au niveau de la dernière marche de l'escalier permettant la sortie du parking souterrain de l'hôtel de ville ; que, toutefois, ces attestations, dans les termes où elles sont rédigées, ne permettent pas de déterminer les circonstances exactes ni la cause précise de cet accident ; que si Mme D...fait valoir qu'elle a buté contre la plaque métallique, non fixée et instable, permettant le franchissement d'une tranchée au sortir de l'escalier du parking souterrain, cette plaque, dont il n'est pas établi qu'elle aurait présenté une instabilité telle qu'elle aurait été susceptible de déstabiliser un usager normalement attentif, ne présentait pas une surélévation supérieure à 5 cm selon les photographies qu'elle a versées au débat ; que cette plaque, à l'heure où la chute s'est produite, en pleine journée, était visible et n'excédait pas, par sa nature et son importance, les caractéristiques de défectuosités ou d'obstacles que les usagers doivent s'attendre à rencontrer sur la voie publique sans qu'une signalisation particulière soit nécessaire ; que si Mme D... fait valoir qu'habitant Villeurbanne, elle ignorait l'existence des travaux en cours, il résulte de l'instruction que la zone en travaux était visible pour tout usager du parking faisant preuve de la prudence nécessaire en montant les marches de l'escalier, compte tenu de ce que l'emplacement de ces travaux était matérialisé par des barrières de couleur rouge de part et d'autre de la plaque métallique, communément utilisée pendant de tels travaux ; que, par suite, la légère surélévation formée par la plaque métallique par rapport à la dernière marche sur laquelle elle était posée ne saurait être regardée comme constitutive d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public engageant la responsabilité de la commune de Saint-Etienne ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Etienne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a retenu sa responsabilité à hauteur de deux tiers des dommages ; que Mme D...n'est pas fondée à demander la réformation du jugement ;

Sur les frais liés au litige :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Saint-Etienne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme D...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, de même, doivent être rejetées les conclusions présentées à ce titre par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme D...la somme demandée par la commune de Saint-Etienne au même titre ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 30 mai 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Etienne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Etienne, à Mme F... D...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 janvier 2019.

2

N° 17LY02767


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02767
Date de la décision : 17/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Entretien normal.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BDL AVOCATS - ME BARIOZ ET ME PHILIP DE LABORIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-17;17ly02767 ?
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