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10/01/2019 | FRANCE | N°17LY03720

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 10 janvier 2019, 17LY03720


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 26 juin 2017 du préfet de l'Ain portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1704864 du 25 septembre 2017, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistr

ée les 25 octobre 2017, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 26 juin 2017 du préfet de l'Ain portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1704864 du 25 septembre 2017, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée les 25 octobre 2017, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon du 25 septembre 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Ain du 26 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi que de mettre en oeuvre la procédure d'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3 de cette même convention ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation en droit ;

- cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'une erreur de droit dans l'application du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'ayant pas tenu compte de l'ensemble des critères cumulatifs définis à cet article ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2018, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 18 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 23 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lesieux.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité camerounaise, né le 24 décembre 1967, est entré en France en novembre 2014 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour, et s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans solliciter la délivrance d'un premier titre de séjour. A la suite de son interpellation par les services de police alors qu'il se rendait à Annemasse, le préfet de l'Ain a pris à son encontre, le 26 juin 2017, une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 25 septembre 2017 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ".

3. M. C... soutient, en premier lieu, qu'il a été privé de son droit d'être entendu avant l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour ou la perspective d'un éloignement.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été entendu, le 26 juin 2017, par les services de police aux frontières de Prévessin-Moëns (01) et qu'au cours de cet entretien, il a pu faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle et, en particulier l'homosexualité qu'il allègue. Il ne fait état d'aucun autre élément pertinent qui n'aurait pas été porté à la connaissance de l'administration et qui aurait été susceptible d'influer sur le prononcé de la mesure prise à son encontre. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être entendu avant l'édiction de la décision en litige.

5. M. C... soutient, en deuxième lieu, que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il entretient depuis son arrivée en France une relation de concubinage avec un compatriote en situation régulière sur le territoire. Toutefois, si l'intéressé produit des pièces de nature à établir qu'il est hébergé chez M. D... à Ermont (95) depuis novembre 2014, il n'apporte aucun élément susceptible d'établir la nature des relations qu'ils entretiennent. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France en novembre 2014, après avoir vécu jusqu'à l'âge de 47 ans dans son pays d'origine où résident, selon ses déclarations, les membres de sa famille. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. En dernier lieu, M. C... ne saurait utilement se prévaloir d'un moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'a pas par elle-même pour objet de fixer le pays à destination duquel il pourra être renvoyé.

Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :

7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".

8. En premier lieu, les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

9. En deuxième lieu, contrairement aux affirmations de l'appelant, la décision contestée vise expressément le b) du 3° du II de l'article L. 511-1 précité sur laquelle elle se fonde. Le moyen tiré du défaut de motivation en droit ne peut donc qu'être écarté.

10. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être, en tout état de cause, écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 6.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination en cas d'exécution forcée est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. M. C... fait valoir qu'en raison de son orientation sexuelle, il ne peut être éloigné à destination du Cameroun, pays dans lequel l'homosexualité est un délit pénal. Cependant, à supposer son homosexualité avérée, en se bornant à faire état de rapports du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme des Nations Unies, de Human Rights Watch et d'Amnesty International, il n'établit pas plus en appel que devant le tribunal administratif, la réalité de risques personnellement et directement encourus en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

15. En premier lieu, les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ayant été écartés, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai.

16. En deuxième lieu, après avoir cité les dispositions pertinentes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Ain a, dans la mesure où M. C... n'avait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, examiné la situation de celui-ci au regard des deux premiers critères énoncés par ces dispositions. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu de prendre en compte la circonstance que M. C... ne constitue pas une menace pour l'ordre public et, dès lors qu'il n'a pas retenu cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, le préfet n'avait pas à le préciser expressément. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, de même que celui tiré de l'erreur de droit, doivent être écartés.

17. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, la décision contestée ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une appréciation erronée de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C....

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 25 septembre 2017, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions présentées aux fins d'injonctions sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., au préfet de l'Ain et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.

6

N° 17LY03720


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03720
Date de la décision : 10/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : LAGRUE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-10;17ly03720 ?
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