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27/12/2018 | FRANCE | N°17LY00600

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 27 décembre 2018, 17LY00600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier d'Ambert à lui payer une indemnité totale de 16 931,99 euros en réparation des conséquences dommageables de sa prise en charge dans cet établissement public de santé en juillet et août 2010 et de mettre à la charge du centre hospitalier les dépens ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500453 du 6 décembre 2016, le

tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, en son article 1er, condamné le ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier d'Ambert à lui payer une indemnité totale de 16 931,99 euros en réparation des conséquences dommageables de sa prise en charge dans cet établissement public de santé en juillet et août 2010 et de mettre à la charge du centre hospitalier les dépens ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500453 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, en son article 1er, condamné le centre hospitalier d'Ambert à payer à M. B... une indemnité de 3 158,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2014, en son article 2, mis à la charge du même centre hospitalier une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en son article 3, mis à la charge dudit centre hospitalier les dépens comprenant les frais de l'expertise ordonnée le 22 novembre 2012 par le juge des référés du tribunal administratif et, en son article 4, rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2017, M. A... B..., représenté par la SCP Vial - Pech de Laclause - Escale - Knoepffler, avocat, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1500453 du 6 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité à la somme de 3 158,40 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier d'Ambert en réparation du préjudice qu'il a subi ;

2°) de porter à la somme, à titre principal, de 15 100,48 euros, à titre subsidiaire, de 80 % de15 100,48 euros, le montant de l'indemnité due à son profit par le centre hospitalier d'Ambert, avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2014 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ambert les dépens comprenant les frais de l'expertise ordonnée le 22 novembre 2012 par le juge des référés du tribunal administratif ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il doit être indemnisé intégralement des conséquences dommageables de sa prise en charge au centre hospitalier d'Ambert en juillet et août 2010, dès lors que si le centre hospitalier n'avait pas commis de faute, il n'est pas certain qu'une arthrodèse aurait dû être réalisée ;

- il a droit à une somme de 42,32 euros en remboursement de dépenses de santé qu'il a supportées et qui n'ont pas été prises en charge par l'assurance maladie ;

- il a droit à une somme de 916,18 euros en remboursement de frais de transport pour se rendre depuis son domicile à des consultations et examens médicaux ;

- il a droit à la somme de 6 600 euros en remboursement de dépenses d'assistance à domicile par une tierce personne qu'il a engagée pendant son immobilisation à raison d'une demi-heure par jour ;

- il a droit à la somme de 549 euros en remboursement du coût de l'achat d'un ordinateur qu'il a supporté pour effecteur depuis son domicile des tâches urgentes dans le cadre de son activité professionnelle ;

- il a droit à la somme de 916,18 euros en réparation d'une perte de revenus qu'il subira en cas d'éventuelle maladie future, ayant cumulé cent vingt-et-un jours d'arrêt pour maladie lors de sa convalescence consécutive à sa prise en charge fautive par le centre hospitalier d'Ambert ;

- il a droit à la somme de 1 600 euros en réparation des souffrances endurées ;

- il a droit à la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice esthétique ;

- il a droit à la somme de 1 516,80 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire total de deux jours et du déficit fonctionnel temporaire de 25 % pendant deux cent deux jours et de 10 % pendant cent-sept jours, et à raison d'un indemnisation journalière de 30 euros de ces déficits fonctionnels temporaires.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2018, le centre hospitalier d'Ambert, représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant qu'en raison d'un traumatisme au pied droit causé par un accident sportif, M. B... s'est rendu aux urgences du centre hospitalier d'Ambert le 20 juillet 2010 et y a bénéficié de soins les 15 et 16 août 2010 ; qu'il relève appel du jugement n° 1401070 du 22 décembre 2016 en ce que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, en son article 1er, limité à la somme de 3 158,40 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier d'Ambert en réparation des conséquences dommageables de sa prise en charge au sein de cet établissement public de santé en juillet et août 2010 ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'évaluation de la perte de chance :

2. Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du 10 octobre 2013 de l'expertise prescrite par l'ordonnance n° 1201833 du 2 novembre 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et réalisée par le professeur Herbaux, professeur des universités et praticien hospitalier au centre hospitalier universitaire de Lille, que les fautes retenues par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand à l'encontre du centre hospitalier d'Ambert, non contestées par ce dernier en appel et qui ont consisté en une erreur d'interprétation du bilan radiographique réalisé le 20 juillet 2010 faisant suspecter une lésion plus complexe que le diagnostic, posé le même jour, de fracture sans déplacement du gros orteil droit, alors que le patient présentait en réalité une fracture-luxation P1 P2 de cet orteil, et en une absence de bilan radiographique de face et de profil le 16 août 2010, ont fait perdre à l'intéressé 80 % de chance d'échapper au dommage corporel constaté qui a nécessité la réalisation ultérieure, le 8 octobre 2010, d'une arthrodèse inter phalangienne, l'expert relevant, en cas de traitement approprié dès le 20 juillet 2010, l'absence de certitude sur le caractère non nécessaire de l'arthrodèse et le risque peu négligeable de recourir à terme à cette intervention chirurgicale et estimant à 20 % la part imputable au traumatisme articulaire présenté par M. B... avant sa prise en charge par le centre hospitalier d'Ambert à compter du 20 juillet 2010 ; que, dans ces conditions, et alors que ces conclusions expertales ne sont pas sérieusement remises en cause par le rapport du 30 août 2013 du médecin mandaté par l'assureur de M. B..., ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la réparation qui incombe au centre hospitalier d'Ambert doit être évaluée à une fraction du dommage corporel supérieure au taux de 80 % retenu par les juges de première instance ;

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

4. Considérant, en premier lieu, que M. B... soutient, en produisant pour la première fois en appel un décompte de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, qu'il a supporté des dépenses de santé d'un montant de 42,32 euros qui n'ont pas été prises en charge par l'assurance maladie ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas de ce décompte, que les actes de consultation médicale, d'imagerie et de soins infirmiers, réalisés le 20 juillet 2010 au centre hospitalier d'Ambert et non pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme à hauteur de 35,42 euros, constituent des conséquences dommageables des fautes retenues par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand à l'encontre dudit centre hospitalier ; que si la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas pris en charge, à hauteur de 6,90 euros, le montant de 23 euros de la consultation de chirurgie réalisée le 16 août 2010 au même centre hospitalier, il ne résulte pas de l'instruction que cette somme soit restée à la charge de M. B..., alors que le centre hospitalier d'Ambert fait valoir en appel que l'intéressé n'établit pas qu'il n'aurait pas été indemnisé par une mutuelle ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à solliciter le paiement de la somme totale précitée de 42,32 euros ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'en se bornant à produire, tant en première instance qu'en appel, un relevé de frais de transport établi par ses soins, M. B... n'établit pas avoir supporté de tels frais pour se rendre à des consultations et examens médicaux ; que, par suite, il n'a pas droit à la somme de 916,18 euros qu'il demande au titre de ces frais ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand mentionne dans le paragraphe intitulé " Doléances " de son rapport que " M. B... signale également qu'il a eu besoin d'une tierce personne pendant l'immobilisation d'1/2 h par jour ", il ne relève pas lui-même la nécessité d'une assistance par une tierce personne ; que cette nécessité n'est pas davantage établie par les pièces produites par l'intéressé, et notamment pas par les attestations fiscales relatives à des chèques-services ; que, dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à solliciter une indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que si le requérant soutient qu'il a dû acheter un ordinateur pour effectuer à domicile les tâches que son employeur lui a demandé de faire malgré ses arrêts de travail, cette dépense est sans lien de causalité direct avec les fautes du centre hospitalier d'Ambert ; que, par suite, aucune indemnisation ne peut lui être allouée de ce chef ;

8. Considérant, en dernier lieu, que si M. B... fait valoir qu'il subira une perte de revenus en cas d'éventuelle maladie future, ayant cumulé cent vingt-et-un jours d'arrêt de maladie lors de sa convalescence consécutive à sa prise en charge fautive par le centre hospitalier d'Ambert, le caractère certain de cette perte de revenus n'est pas établi ; que, par suite, le requérant ne saurait solliciter une indemnité de ce chef ;

S'agissant des préjudices à caractère extrapatrimonial :

9. Considérant, en premier lieu, que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif a évalué à 2,5 sur 7 les souffrances endurées du fait de l'intervention chirurgicale d'arthrodèse inter phalangienne réalisée le 8 octobre 2010 et en relation avec les fautes commises par le centre hospitalier d'Ambert ; que, dans ces conditions et compte tenu du taux de 80 % de perte de chance retenu, M. B... n'est pas fondé à demander de ce chef une indemnité supérieure à celle de 1 600 euros que lui a accordée le tribunal ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que M. B... a subi une incapacité temporaire totale de deux jours, une incapacité temporaire partielle de 25 % pendant deux cent deux jours et une incapacité temporaire partielle de 10 % pendant cent sept jours ; que, dans ces conditions et compte tenu du taux de perte de chance retenu, M. B... n'est pas fondé à demander en réparation de son déficit fonctionnel temporaire une indemnité supérieure à celle de 758,40 euros allouée de ce chef par le tribunal ;

11. Considérant, en dernier lieu, que l'expert a évalué à 1 sur 7 le préjudice esthétique permanent subi du fait des cicatrices générées par l'intervention chirurgicale d'arthrodèse inter phalangienne réalisée le 8 octobre 2010 et en relation avec les fautes commises par le centre hospitalier d'Ambert ; que, dans ces conditions et compte tenu du taux de perte de chance, M. B... n'est pas fondé à demander de ce chef une indemnité supérieure à celle de 800 euros que lui a accordée le tribunal ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité à la somme de 3 158,40 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier d'Ambert en réparation des conséquences dommageables de sa prise en charge au sein de cet établissement public de santé en juillet et août 2010 ;

Sur les dépens :

13. Considérant que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a mis à la charge du centre hospitalier d'Ambert au titre des dépens de première instance les frais, liquidés et taxés à la somme de 648 euros, de l'expertise prescrite par ordonnance n° 1201833 du 2 novembre 2012 du juge des référés du même tribunal ; que, dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des dépens auraient été exposés devant la cour, les conclusions de M. B... tendant à ce que la cour mette à la charge du centre hospitalier d'Ambert les frais de l'expertise précitée ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais liés au litige :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier d'Ambert, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à M. B... une somme au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et au centre hospitalier d'Ambert.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 27 décembre 2018.

2

N° 17LY00600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00600
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP VIAL-PECH DE LA CLAUSE-ESCALE-KNOEPFFLER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-27;17ly00600 ?
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