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06/12/2018 | FRANCE | N°16LY03354

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2018, 16LY03354


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'enjoindre à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) de déposer la ligne électrique installée en surplomb de son immeuble et de mettre en conformité et sécurité la ligne électrique souterraine située sous sa propriété, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et, d'autre part, de condamner la société ERDF à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et int

rêts.

Par un jugement n° 1503165 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'enjoindre à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) de déposer la ligne électrique installée en surplomb de son immeuble et de mettre en conformité et sécurité la ligne électrique souterraine située sous sa propriété, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et, d'autre part, de condamner la société ERDF à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1503165 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon, après lui avoir donné acte du désistement de ses conclusions indemnitaires, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement les 10 et 13 octobre 2016, le 8 décembre 2016 et le 4 janvier 2017, M.D..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 septembre 2016 ;

2°) d'ordonner une expertise afin de déterminer la dangerosité et les conditions de régularisation des deux lignes électriques en litige ;

3°) d'enjoindre à la société Enedis de supprimer la ligne électrique aérienne surplombant son habitation et de régulariser la présence de la ligne électrique souterraine, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner la société Enedis à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

5°) de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 2000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les lignes électriques, aérienne et souterraine, implantées irrégulièrement et qui traversent sa propriété, présentent un caractère de dangerosité en raison de leur accessibilité, due à leur faible hauteur et profondeur et de leur absence de protection particulière, alors que le terrain est situé en zone de montagne, mais également un risque en matière de santé publique du fait de leur proximité avec son habituation, alors qu'une partie du terrain est devenu constructible en 2005, postérieurement à leur implantation ;

- leur implantation sans autorisation sur un terrain privé clos constitue une voie de fait ;

- il appartient à Enedis de déplacer ces lignes électriques à ses frais en application de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 ;

- le déplacement des ouvrages est techniquement possible. S'agissant de lignes secondaires, leur coupure durant une demi-journée pour les travaux de déplacement aurait un impact limité et ERDF ne justifie pas du coût des travaux avancé, au demeurant non exorbitant au regard de l'avantage engendré en terme de sécurité.

Par des mémoires, enregistrés les 5 et 22 décembre 2016 et le 21 avril 2017, la société Enedis, anciennement dénommée ERDF, représentée par la SCP Maurice, Riva et Vacheron, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. D...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- implantées en 1987, les lignes électriques n'ont jamais fait l'objet de contestations avant celle de M. D...en 2014 ;

- les lignes électriques, qui sont conformes aux règles techniques applicables et dont M. D... ne démontre pas le caractère de dangerosité, alors en tout état de cause que la commune de Chazezy-Bons ne se situe pas en zone de montagne, n'ont pas dissuadé M. D..., qui avait connaissance de leur existence, de construire une maison habitation et ne contrarient aucun nouveau projet précis de construction. L'intérêt général exige leur maintien en l'état dès lors que le déplacement de la ligne électrique aérienne nécessiterait le dépôt de 212 mètres de réseau HTA aérien posé en 1971, l'abandon de 156 mètres de réseau HTAS240 posé récemment en 2010 et la création d'environ 185 mètres de réseau HTAS150 sur le domaine public et que si ces travaux seraient réalisables sur 3 à 5 jours, ils exigeraient une coupure de réseau d'une demi-journée sur trois postes de distribution publique, pour un coût d'environ 56 000 euros.

Par une ordonnance du 20 avril 2017, l'instruction a été close au 22 mai 2017.

Un mémoire enregistré le 14 février 2018, présenté pour M.D..., n'a pas été communiqué.

Par lettre du 12 novembre 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R.611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité, du fait du désistement de première instance, des conclusions indemnitaires de M.D....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Hervé, président-rapporteur,

- les conclusions de Mme Gondouin , rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Enedis ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D...est devenu propriétaire, le 27 janvier 2012, d'une parcelle de terrain non bâtie, cadastrée C1 458 sur le territoire de la commune de Chazey Bons (Ain), traversée par deux lignes électriques, l'une aérienne et l'autre enterrée. La même année, il a fait bâtir sur cette parcelle une maison d'habitation. Par courrier des 6 février et 23 avril 2014, son conseil a demandé à Electricité Réseau Distribution France (ERDF) de déplacer ou d'enfouir la ligne électrique aérienne et de mettre en sécurité la ligne électrique enterrée, ce qu'ERDF a refusé, arguant dans un premier temps d'une convention de servitude, conclue avec des propriétaires antérieurs de la parcelle avant de proposer à M. D...de régulariser une convention de servitude, après avoir reconnu l'inopposabilité de celle précédemment invoquée, dont les signataires n'étaient pas les propriétaires du terrain. Le 30 octobre 2014, M. D...a saisi le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse aux fins de suppression de la ligne aérienne et de sécurisation de la ligne enfouie, réalisées sans autorisation ni convention de servitude. Par ordonnance du 26 février 2015, le juge de la mise en état de ce tribunal a déclaré le juge judiciaire incompétent. M. D...a alors porté le litige devant le tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande par jugement du 20 septembre 2016, dont M. D...interjette appel.

Sur l'existence d'une emprise irrégulière

2. Il ressort des pièces du dossier qu'en 1993, Electricité de France (EDF) a signé une convention de servitude avec les époux B...aux fins de faire traverser la parcelle référencée C1 458 dans la commune de Chazey Bons par une ligne électrique aérienne et une ligne souterraine.

3. Ce n'est qu'en 2014 qu'Electricité Réseau Distribution de France (ERDF), saisi d'une demande de suppression et de déplacement de ces lignes électriques par M.D..., a constaté, après démarches faites auprès des services de la publicité foncière, que les époux B...n'étaient pas propriétaires de cette parcelle de terrain lorsqu'ils avaient signé la convention de servitude et que cette dernière, irrégulière, était donc inopposable. Toutefois, en raison de la révélation tardive de l'irrégularité entachant la convention au vu de laquelle l'implantation des lignes, qui n'est en outre pas étrangère aux prérogatives de l'opérateur, a été réalisée, cette dernière ne revêt pas dans de telles circonstances le caractère d'une voie de fait.

4. En revanche, en l'absence de convention de servitude régulièrement établie, d'accord amiable passé avec les propriétaires de la parcelle ou de titre qui, en l'absence d'accord avec ces derniers, aurait été délivré à cette fin à l'opérateur par l'autorité administrative, l'emprise des lignes électriques aérienne et souterraine sur la propriété de M. D... est irrégulière, sans que la société Enedis ne puisse utilement se prévaloir de la circonstance que les précédents propriétaires de la parcelle n'avaient pas protesté contre l'existence de ces lignes électriques et que M. D...en avait connaissance lors de l'acquisition de cette parcelle en 2012.

Sur les conclusions aux fins d'injonction de suppression ou de déplacement des lignes électriques

5. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à l'annulation d'une décision rejetant une demande de suppression ou de déplacement d'un ouvrage public édifié irrégulièrement et à ce que cette suppression ou ce déplacement soit ordonné, il appartient au juge de déterminer si, eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible. Dans la négative, il lui revient de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la suppression ou du déplacement pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 323-4 du code de l'énergie relatif à la traversée des propriétés privées par les ouvrages de transport et de distribution : " (...) La déclaration d'utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit : / 1° D'établir à demeure des supports et ancrages pour conducteurs aériens d'électricité, soit à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments, à la condition qu'on y puisse accéder par l'extérieur, étant spécifié que ce droit ne pourra être exercé que sous les conditions prescrites, tant au point de vue de la sécurité qu'au point de vue de la commodité des habitants, par les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11. Ces décrets doivent limiter l'exercice de ce droit au cas de courants électriques tels que la présence de ces conducteurs d'électricité à proximité des bâtiments ne soient pas de nature à présenter, nonobstant les précautions prises conformément aux décrets des dangers graves pour les personnes ou les bâtiments ; / 2° De faire passer les conducteurs d'électricité au-dessus des propriétés privées, sous les mêmes conditions et réserves que celles spécifiques au 1° ci-dessus ; / 3° D'établir à demeure des canalisations souterraines, ou des supports pour conducteurs aériens, sur des terrains privés non bâtis, qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes ; (...) ".

7. En l'espèce, le terrain litigieux de M.D..., où est implantée une maison d'habitation, a le caractère d'un terrain bâti pour l'application des dispositions précitées. Ainsi, ni la ligne électrique enterrée, ni la ligne électrique aérienne, dont il ressort du courrier de M. D... du 12 mars 2012 produit au dossier qu'elle est solidaire de deux supports pour conducteurs aériens implantés sur sa propriété, ne peut faire l'objet d'une régularisation appropriée. Dès lors, aucune régularisation n'est possible, en l'absence d'accord du propriétaire, et ce alors que M. D...a refusé de conclure la convention de servitude proposée par la société Enedis venant aux droits d'ERDF.

8. En second lieu, M. D...affirme que la ligne aérienne surplombe à faible hauteur le toit de son habitation, soit un mètre seulement au-dessus du faîtage en cas d'enneigement, et que la ligne électrique souterraine n'est située qu'à environ 80 cm du niveau du sol, sans protection particulière. Il allègue que ces ouvrages présentent un caractère de dangerosité du fait de leur accessibilité mais font également courir un risque en matière de santé publique et que leur présence fait obstacle à ce qu'il puisse vendre une partie de son terrain à un tiers aux fins de construction. Toutefois, en l'absence notamment de défaut avéré de conformité avec les règles techniques applicables, la dangerosité des lignes électriques, qui étaient préexistantes à l'acquisition de la parcelle en cause par M. D... et à la construction à laquelle ce dernier a fait procéder, n'est pas établie par les simples allégations de M. D.... En outre, la société Enedis affirme, sans être sérieusement contredite par les éléments avancés et pièces produites par M. D..., qui s'appuie sur des attestations non circonstanciées d'électriciens, qu'au vu de l'étude chiffrée réalisée, les travaux de déplacement de la ligne aérienne nécessiteraient le dépôt de 212 mètres de réseau HTA aérien posé en 1971, l'abandon de 156 mètres de réseau HTAS240, récemment posé en 2010 et la création d'environ 185 mètres de réseau HTAS150 sur le domaine public. Elle précise que si ces travaux seraient réalisables en trois sinon cinq jours, ils exigeraient une coupure de réseau d'une demi-journée sur trois postes de distribution publique et coûteraient environ 56 000 euros. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard aux inconvénients limités pour M. D... inhérents à la présence des lignes électriques sur la parcelle dont il est propriétaire et aux conséquences de la suppression ou du déplacement de ces lignes pour l'intérêt général, cette suppression ou ce déplacement porterait une atteinte excessive à l'intérêt général.

Sur les conclusions indemnitaires

9. Considérant que M. D...reprend à l'identique devant la cour les conclusions indemnitaires qu'il avait présentées devant le tribunal administratif de Lyon pour être indemnisé notamment des conséquences de l'emprise irrégulière qu'il dénonce. Toutefois, ces conclusions, dont il s'est désisté purement et simplement en première instance doivent être écartées comme nouvelles en appel et par suite irrecevables.

10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Enedis, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. D..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D...quelque somme que ce soit au titre de ces dispositions, au profit de la société Enedis.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Enedis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et à la société Enedis.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président rapporteur,

Mme Michel, président assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2018

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N° 16LY03354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03354
Date de la décision : 06/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-04 Energie. Lignes électriques.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Jean-Louis d'HERVE
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS JURISTHEM

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-06;16ly03354 ?
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