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06/12/2018 | FRANCE | N°15LY04026

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2018, 15LY04026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Pro Contain a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Villieu-Loyes-Mollon à lui verser une somme de 222 056,29 euros toutes taxes comprises, et ce, avec les intérêts au taux légal sur la somme de 212 817,18 euros toutes taxes comprises à compter du 19 janvier 2012 au titre des dépenses supplémentaires supportées en raison des retards subis dans l'exécution d'un marché de conception-réalisation.

Par un jugement n° 1203785 du 22 octobre 2015, le tribunal admini

stratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Pro Contain a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Villieu-Loyes-Mollon à lui verser une somme de 222 056,29 euros toutes taxes comprises, et ce, avec les intérêts au taux légal sur la somme de 212 817,18 euros toutes taxes comprises à compter du 19 janvier 2012 au titre des dépenses supplémentaires supportées en raison des retards subis dans l'exécution d'un marché de conception-réalisation.

Par un jugement n° 1203785 du 22 octobre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2015 et le 22 septembre 2016, la SAS Pro Contain, représentée par son directeur général en exercice, et en la présente instance par la SELAS Fidal, MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1203785 du 22 octobre2015 ;

2°) de condamner la commune de Villieu-Loyes-Mollon à lui verser une somme de 222 056,29 euros toutes taxes comprises, et ce, avec les intérêts au taux légal sur la somme de 212 817,18 euros toutes taxes comprises à compter du 19 janvier 2012 pour réparer les conséquences des retards subis dans l'exécution de son marché de conception réalisation d'un ensemble scolaire ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villieu-Loyes-Mollon une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n° 1203785 rendu par le tribunal administratif de Lyon le 22 octobre 2015 est irrégulier, dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen qu'elle avait soulevé tiré de ce que si une étude de sol aurait été impérativement nécessaire, la commune de Villieu-Loyes-Mollon aurait dû écarter son offre ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a considéré qu'elle ne pouvait rechercher la responsabilité contractuelle de la commune de Villieu-Loyes-Mollon afin d'obtenir la réparation du préjudice lié aux coûts de stockage qu'elle a dû exposer, au motif qu'elle aurait dû procéder, en sa qualité de concepteur-réalisateur, à une étude complémentaire qui aurait pu lui permettre de découvrir le caractère pollué du site d'implantation des bâtiments modulaires qu'elle devait réaliser, l'opportunité de cette étude étant évoquée dans les documents de la consultation, dès lors que la nécessité d'une telle étude ne pouvait se déduire des documents du marché et que les candidats n'ont pas été invités à la mener ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a considéré qu'elle ne pouvait rechercher la responsabilité contractuelle de la commune de Villieu-Loyes-Mollon afin d'obtenir la réparation du préjudice lié aux coûts de stockage qu'elle a dû exposer, au motif qu'elle ne démontrait pas en quoi le stockage des modules en cause présentait un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, dès lors qu'au contraire, il lui incombait, compte tenu des délais d'exécution du marché et du temps nécessaire à fabriquer ces modules, de les réaliser dès les mois de février et mars de l'année 2010, raison pour laquelle elle a dû ensuite procéder au stockage de ces modules à proximité du lieu du chantier, qui auraient, à défaut, dû être détruits ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a considéré qu'elle ne pouvait rechercher la responsabilité contractuelle de la commune de Villieu-Loyes-Mollon afin d'obtenir la réparation du préjudice lié aux coûts de stockage qu'elle a dû exposer, au motif que les coûts liés au stockage des modules en cause n'avaient pas, en raison de leur montant, bouleversé l'économie générale du marché en litige, dès lors que le caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art du stockage de ces modules rendait inopposable un tel motif ;

- qu'elle est fondée à obtenir l'indemnisation qu'elle sollicite, soit dans sa totalité, dès lors qu'elle démontre la réalité et l'étendue du préjudice qu'elle invoque lié aux coûts de stockage qu'elle a dû exposer, sans qu'une partie de ces coûts puisse être appréciée comme étant en lien avec les difficultés qu'elle a rencontrées lorsqu'elle a réalisé les fondations des bâtiments modulaires, soit au moins en partie, dès lors qu'elle ne saurait supporter seule ces coûts de stockage, le comportement de la commune, mais également celui du maître d'ouvrage délégué, la société Novade, n'ayant pas été de nature à lui permettre de présumer de la nécessité de procéder à une étude préalable de l'état des terrains, alors que n'ayant pas de compétence en la matière, elle a dû faire appel à une société spécialisée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2016, la commune de Villieu-Loyes-Mollon, représentée par son maire en exercice, et par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Pro Contain en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la SAS Pro Contain, relatifs au bien-fondé du jugement n° 1203785 rendu par le tribunal administratif de Lyon le 22 octobre 2015, tirés de ce que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a considéré qu'elle ne pouvait rechercher la responsabilité contractuelle de la commune de Villieu-Loyes-Mollon afin d'obtenir la réparation du préjudice lié aux coûts de stockage qu'elle a dû exposer, pour trois motifs, ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 29 octobre 2016.

Un mémoire présenté pour la SAS Pro Contain a été enregistré le 28 octobre 2016 et n'a pas été communiqué.

Un mémoire présenté pour la commune de Villieu-Loyes-Mollon a été enregistré le 26 octobre 2016 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 modifiée ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la SAS Pro Contain, et de MeA..., représentant la commune de Villieu-Loyes-Mollon.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Villieu-Loyes-Mollon a, par acte d'engagement signé le 14 décembre 2009, confié à un groupement conjoint constitué de la société Alho, aux droits de laquelle est venue la SAS Pro Contain, fabricant de dispositifs modulaires, et de la société Archiconcept, architecte, un marché de conception-réalisation ayant pour objet l'élaboration du projet, la réalisation puis la fourniture et la pose de 45 bâtiments modulaires industrialisés, pour l'accueil d'une école maternelle et d'un restaurant scolaire, au sein de la zone géographique dite de Villieu. Ce marché a été conclu pour un montant global et forfaitaire de 2 033 200 euros toutes taxes comprises. Dans le cadre de son offre, la SAS Pro Contain avait prévu la pose des premiers modules au mois d'avril 2010, et avait déjà réalisé les éléments modulaires destinés à être livrés et assemblés, mais, peu après le démarrage des travaux destinés à la réalisation des fondations des bâtiments modulaires, soit au mois de mars 2010, une pollution aux hydrocarbures du sous-sol d'une partie du terrain d'assiette devant accueillir ces bâtiments a été découverte, sur une zone de 150 mètres carrés. La SAS Pro Contain a dû alors procéder au stockage de ces modules pendant la réalisation des travaux de dépollution. Après ces derniers travaux, de nouvelles études liées à la nécessité de déplacer l'implantation des constructions pour tenir compte de la nature des remblais, concernant tant ceux déjà présents sur le site que ceux utilisés dans la zone dépolluée, ont dû ensuite être conduites, un avenant au marché initial ayant ainsi été signé le 24 octobre 2011 avec pour objet " la modification du principe des fondations suite aux travaux de dépollution ". Les modules n'ont donc été livrés et posés qu'aux mois de septembre et d'octobre 2011. Par un courrier du 17 janvier 2012, reçu le 19 janvier 2012, la SAS Pro Contain a sollicité de la commune de Villieu-Loyes-Mollon le paiement d'une somme de 213 049,49 euros toutes taxes comprises correspondant aux coûts de stockage des modules, de chargement et de déchargement, de déplacement et d'hébergement de ses personnels sur le lieu de stockage, d'huissier de justice, de remise en état de ces modules, de clôture de chantier, liés à l'édicule ascenseur et à la surélévation de la toiture ainsi que d'honoraires d'avocats. Par un courrier du 30 mars 2012, reçu le 3 avril 2012, la SAS Novade, a, en qualité de mandataire du pouvoir adjudicateur, rejeté cette demande. Par un jugement n° 1203785 du 22 octobre 2015, dont il est relevé appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la SAS Pro Contain tendant à la condamnation de la commune de Villieu-Loyes-Mollon à lui verser une somme de 222 056,29 euros toutes taxes comprises.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. Le juge n'est pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties. Si la SAS Pro Contain soutient que les premiers juges n'ont pas répondu à un moyen tiré de ce que la commune de Villieu-Loyes-Mollon aurait dû écarter son offre si une étude de sol avait été impérativement nécessaire, cette affirmation constitue un argument au soutien du moyen relatif à l'absence d'obligation de mener une étude complémentaire, auquel le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à peine d'irrégularité de son jugement.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

3. Le titulaire d'un contrat de conception-réalisation est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et seule une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le pouvoir adjudicateur peut donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. Ainsi, la prolongation de sa mission n'est de nature à justifier une rémunération supplémentaire que si elle a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par ce pouvoir adjudicateur. En outre, le titulaire ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de conception-réalisation et qui n'ont pas été décidées par le pouvoir adjudicateur a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché, si elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si le concepteur-réalisateur a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat. Pour apprécier si des sujétions imprévues apparues pendant l'exécution d'un marché ont entraîné un bouleversement de l'économie générale de ce marché, il convient de comparer le montant des dépenses en résultant au montant total du marché.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que tant le programme technique détaillé que l'étude géotechnique du site figurant au dossier de consultation des candidats, dont la SAS Pro Contain avait nécessairement pris connaissance pour établir son offre, faisaient clairement référence, à plusieurs reprises, à la pertinence de la réalisation d'une étude complémentaire. Sur ce point, le programme technique détaillé insistait notamment sur l'opportunité de procéder à des investigations supplémentaires pour justifier du mode de fondation des bâtiments à réaliser et implanter, et l'étude géotechnique soulignait en particulier la nature du site d'implantation de ces bâtiments. Elle précisait ainsi que le site était celui d'une ancienne fonderie, que le sol comprenait un remblai composé de mâchefer et d'éléments en béton et de déchets anthropiques de divers ordres, dont la qualité et la résistance étaient médiocres. Ainsi, au regard de tels éléments, et compte tenu des prestations que la SAS Pro Contain devait réaliser, soit, ainsi que le prévoyait notamment l'article 1.1 du cahier des clauses administratives particulières, la fabrication, la fourniture et l'installation des bâtiments de type modulaire industrialisés sur le site, ainsi que les fondations de ces bâtiments, la pertinence d'une étude complémentaire destinée à vérifier la faisabilité de l'installation de ces mêmes bâtiments ne pouvait raisonnablement lui échapper. D'ailleurs, si l'appelante se prévaut notamment de ce qu'une simple étude géologique n'aurait pas permis de détecter la pollution aux hydrocarbures d'une partie du site, toutefois, à supposer cette circonstance avérée, il résulte de l'instruction que la composition du sol de l'intégralité de ce site, telle que décrite ci-dessus, était telle qu'elle a conduit la SAS Pro Contain à modifier au cours du chantier, la nature et le type des fondations qu'elle avait la charge de réaliser. Ainsi, la découverte d'une pollution partielle du terrain d'assiette du projet ne présente donc pas en l'espèce un caractère déterminant dans la survenance des charges supplémentaires supportées par l'appelante. Dès lors, la SAS Pro Contain n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la commune de Villieu-Loyes-Mollon au motif qu'elle aurait supporté des coûts de stockage, en dehors de toute demande de cette commune, qui auraient été nécessaires à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction que les dépenses supplémentaires dont la SAS Pro Contain demande la prise en charge, pour un montant de 222 056,29 euros toutes taxes comprises, qui ne représente que 10,9 % du montant total du marché en litige passé pour un montant global et forfaitaire de 2 033 200 euros toutes taxes comprises, n'ont pas bouleversé l'économie du contrat. Ainsi, la SAS Pro Contain n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de cette commune au motif qu'elle aurait dû supporter, durant l'exécution du marché dont elle était titulaire, des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause était extérieure aux parties et qui auraient eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat.

6. Ainsi, il résulte de ce tout ce qui précède que la SAS Pro Contain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Dès lors, Les conclusions présentées par la SAS Pro Contain dirigées contre ce jugement et tendant à la condamnation de la commune de Villieu-Loyes-Mollon doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées par la SAS Pro Contain doivent donc être rejetées.

8. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge la SAS Pro Contain une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par la commune de Villieu-Loyes-Mollon.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la SAS Pro Contain est rejetée.

Articles 2 : La SAS Pro Contain versera une somme de 1 500 euros à la commune de Villieu-Loyes-Mollon en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Pro Contain et à la commune de Villieu-Loyes-Mollon.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. Chassagne, premier conseiller,

Lu en audience publique le 6 décembre 2018.

6

N° 15LY04026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY04026
Date de la décision : 06/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Prix.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Prix - Rémunération des architectes et des hommes de l'art.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : ARNOULD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-06;15ly04026 ?
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