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29/11/2018 | FRANCE | N°16LY01348

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2018, 16LY01348


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, dans le dernier état de ses écritures le 10 avril 2015 :

1°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 7 août 2014 autorisant son licenciement ;

2°) de mettre à la charge de l'association " Institut de formation professionnelle permanente d'Aurillac " la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un

jugement n° 1401476 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, dans le dernier état de ses écritures le 10 avril 2015 :

1°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 7 août 2014 autorisant son licenciement ;

2°) de mettre à la charge de l'association " Institut de formation professionnelle permanente d'Aurillac " la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1401476 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la cour :

.Par une requête enregistrée le 18 avril 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1401476 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 18 février 2016 ;

2°) d'annuler la décision autorisant son licenciement prise par le ministre chargé du travail le 7 août 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'association " l'Institut de Formation Professionnelle et Permanente " la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée doit être annulée au regard de la lettre de licenciement qui lui est postérieure car elle retient un motif de licenciement différent dès lors que n'est mentionné qu'un licenciement pour cause réelle et sérieuse et non un licenciement pour faute lourde ou grave ;

- la lettre de licenciement méconnaît le principe d'estoppel qui interdit de se contredire dès lors que l'employeur a renoncé à évoquer la gravité des fautes commises ;

- le statut du personnel des chambres de métiers lui est applicable ; il est, selon la note de synthèse du 8 juillet 2010, enseignant titulaire ;

- il existe un lien entre son mandat de délégué du personnel et son licenciement.

Par un mémoire enregistré le 6 juin 2016, l'association " Institut de formation professionnelle et permanente " (IFPP), représentée par Me Riquelme, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement de première instance, et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge administratif n'est pas compétent pour apprécier la procédure de licenciement postérieure à la notification de l'autorisation de licenciement accordée par le ministre chargé du travail ; l'éventuelle irrégularité de la lettre de licenciement est sans incidence sur la légalité de cette autorisation de licenciement ;

- les faits mentionnés par le ministre chargé du travail à l'appui de la décision attaquée sont identiques à ceux invoqués par l'employeur dans la demande d'autorisation de licenciement;

- les conditions d'application du principe d'estoppel ne sont pas réunies ;

- M. B...ne conteste ni la matérialité des faits fautifs ni leur caractère suffisamment grave ; le jugement du 8 août 2014 est devenu définitif et est revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée ;

- le statut de la chambre de métiers n'est plus applicable au requérant depuis l'entrée en vigueur du protocole d'accord du 18 juin 2006 ; il y a autorité de la chose jugée revêtue par des jugements antérieures du 5 juin 2012 et du 18 février 2016 lesquels ont répondu à cette argumentation sur l'applicabilité d'un tel statut ;

- la décision attaquée ne présente pas de lien avec le mandat de délégué du personnel de M. B...auparavant détenu lequel a pris fin le 2 mars 2012 ; M. B...se borne à une allégation sur un tel lien et n'apporte aucun commencement de preuve ; au 7 août 2014, date de l'autorisation de licenciement, M. B...était seulement conseiller prud'homme ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me D...substituant Me Riquelme, avocat, pour l'institut de formation professionnelle et permanente

1. Considérant que, par une décision du 16 avril 2010, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation sollicitée par l'association " institut de formation professionnelle et permanente (IFPP) " en vue de procéder au licenciement de M.B..., enseignant en cuisine et titulaire des mandats de délégué du personnel, délégué syndical et conseiller prud'homme ; qu'à la suite du recours hiérarchique formé par l'IFPP, le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, le 26 août 2010, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail, a également refusé l'autorisation sollicitée ; que, par jugement du 5 juin 2012, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ce refus et a enjoint au ministre de procéder au réexamen de la demande présentée par l'IFPP ; que, par décision du 10 août 2012, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, a de nouveau refusé l'autorisation sollicitée ; que, par un jugement du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette nouvelle décision et a enjoint au ministre de procéder au réexamen de la demande présentée par l'association IFPP ; que, par une décision du 7 août 2014, le ministre en charge du travail a retiré la décision implicite de rejet née le 10 juin 2014, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 16 avril 2010 et accordé l'autorisation de licencier M. B...; que, le 14 août 2014, M. B...a demandé au tribunal de Clermont-Ferrand l'annulation de la décision du ministre chargé du travail en date du 7 août 2014 ; que, le 20 août 2014, l'association IFFP a adressé une lettre de licenciement à M.B... ; que, par un jugement du 18 février 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 7 août 2014 autorisant son licenciement ; que M. B... fait appel de ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 7 août 2014 :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives ou de conseiller prud'homme bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

3. Considérant, en premier lieu, que le moyen invoqué par M. B...et tiré de ce que le motif énoncé dans la lettre de licenciement relatif à un licenciement pour cause réelle et sérieuse qui lui a été envoyée par son employeur le 20 août 2014 diffèrerait de celui sur lequel se fondent la demande d'autorisation de licenciement et la décision ministérielle d'autorisation de son licenciement du 7 août 2014 faisant état de fautes commises par l'intéressé est en tout état de cause inopérant à l'encontre de la décision portant autorisation de licenciement, le contentieux afférent à la lettre de licenciement du 20 août 2014 relevant, comme l'oppose en défense l'association IFPP, de la seule compétence de la juridiction des prud'hommes ; qu'en outre, ce moyen manque en fait, dès lors que l'autorisation de licenciement et la lettre de licenciement sont fondés sur les mêmes faits fautifs justifiant ce licenciement ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...se prévaut du principe de l'estoppel qui interdirait que l'association requérante puisse invoquer dans la lettre de licenciement un motif contredisant l'argumentation qu'elle avait antérieurement développée devant l'administration et dans le cadre des instances juridictionnelles précédentes ; que, toutefois, il n'existe pas, dans le contentieux de la légalité, de principe général dit d'estoppel en vertu duquel une partie ne saurait se contredire dans la procédure contentieuse au détriment d'une autre partie ; que, dès lors, ce moyen est inopérant ;

5. Considérant, en troisième lieu, que le requérant soutient que c'est à tort que son employeur, l'association IFPP, a cherché à le licencier en 2010 pour faute dès lors qu'en application du protocole d'accord signé le 18 janvier 2006, il relève des dispositions du statut des chambres des métiers et de l'artisanat, lesquelles ne prévoient pas la possibilité de licenciement pour les enseignants titulaires ; qu'il indique au soutien de ce moyen qu'une note de la direction régionale de l'emploi du 8 juillet 2010 mentionne qu'il est enseignant titulaire et que seuls les agents contractuels peuvent faire l'objet d'un licenciement disciplinaire pour faute ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'en vertu de l'article 3 du protocole d'accord du 18 janvier 2006, dont le requérant ne conteste pas qu'il lui soit applicable, signé par le préfet du Cantal, l'association IFPP et les organisations syndicales représentatives, M. B...a perdu sa qualité d'enseignant titulaire au sein de la chambre des métiers du Cantal et est devenu agent contractuel de l'association IFPP ; que, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, si ce protocole d'accord prévoit qu'à titre dérogatoire le statut du personnel des chambres des métiers s'applique à M.B..., ledit statut autorise le licenciement des agents contractuels pour motif disciplinaire ; que, par suite, M.B..., devenu agent contractuel de l'IFPP, pouvait faire l'objet en 2010 d'une procédure de licenciement pour faute et d'une demande d'autorisation de licenciement pour ce motif, du fait de sa qualité de salarié protégé, auprès de l'inspecteur du travail par son employeur, l'association IFPP;

6. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que M. B...se prévaut de sa qualité de délégué du personnel et d'un lien entre ce mandat et son licenciement en 2014 ; que, toutefois, en 2014, à la date de la décision du ministre autorisant son licenciement, M. B...avait perdu ses fonctions de délégué du personnel depuis le 2 mars 2012 et conservait seulement une protection attachée à sa fonction de conseiller prud'homme ; qu'à supposer que M. B...invoque un lien entre le mandat de délégué du personnel exercé au moment de la demande d'autorisation de licenciement et cette demande de licenciement, il ne ressort pas des pièces du dossier un quelconque lien entre ce mandat et son licenciement en 2014 ; que, dès lors, le moyen tiré de l'existence d'un lien entre son licenciement et l'exercice de son mandat de délégué du personnel doit être écarté ; que M. B...n'allègue pas qu'existerait un lien entre son mandat de conseiller prud'homme et son licenciement ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Sur les frais lié au litige :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'IFPP, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés à l'occasion du litige par le requérant ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions formulées à l'encontre de M.B... par l'association IFPP au titre du même article ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'association IFPP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre du travail et à l'association " institut de formation professionnelle et permanente IFPP ".

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller

Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.

2

N° 16LY01348


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01348
Date de la décision : 29/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Absence de faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : VERDIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-29;16ly01348 ?
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