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22/11/2018 | FRANCE | N°17LY03816

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 22 novembre 2018, 17LY03816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions, en date du 3 juillet 2017, par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, lui a interdit le retour sur le territoire français durant une période de 6 mois, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée

et familiale " dans un délai d'un mois, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions, en date du 3 juillet 2017, par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, lui a interdit le retour sur le territoire français durant une période de 6 mois, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, d'annuler la décision de refus de délai de départ volontaire et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement n°1703871 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 novembre 2017, M. A...B..., représenté par la SELARL Aboudahab, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 octobre 2017 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant du refus de délivrance de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :

- ces décisions, en ne prenant pas en compte la situation particulière du couple, notamment la situation matrimoniale particulière de sa compagne au regard du droit pénal algérien, portent une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale, elles violent donc l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- cette décision n'a pas fait l'objet d'un examen particulier et est insuffisamment motivée ;

- le préfet s'est cru en situation de compétence liée ;

- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'interdiction du retour sur le territoire français :

- cette décision est de nature à compromettre ces intérêts économiques, ainsi que ceux de son foyer car sa compagne est dépourvue de revenus ;

- la séparation d'avec ses enfants induite par cette décision contrevient à l'intérêt supérieur de l'enfant consacré par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Par ordonnance du 27 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 22 août 2018.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pommier, président.

1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien né le 23 novembre 1966, est entré en France pour la première fois en décembre 2003 selon ses déclarations ; que, par un arrêté du 20 octobre 2004, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que, par un arrêté du 29 décembre 2011 dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 janvier 2012, le préfet de l'Ardèche a de nouveau refusé de lui accorder un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. B...a exécuté cette mesure ; que, le 27 mars 2013, il s'est vu délivrer par les autorités espagnoles un visa de court séjour ; qu'étant entré sur le territoire français, il a sollicité le 3 octobre 2013 la délivrance d'un titre de séjour ; que, par un arrêté du 19 juin 2014 dont la légalité a été confirmée par un jugement du 1er décembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble puis par une ordonnance du 4 juin 2015 du président de la cour administrative d'appel de Lyon, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. B...a sollicité une nouvelle fois le 26 avril 2016 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles 5 et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par un arrêté du 3 juillet 2017, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois à compter de la notification de l'arrêté ; que, par un jugement rendu le 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ; que M. B...relève appel de ce jugement ;

Sur le refus de délivrance de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant, d'une part, qu'au soutien de son moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. B... se prévaut de ce qu'en vertu de l'article 339 du code pénal algérien les relations hors mariage et les relations adultérines sont passibles d'une peine d'emprisonnement d'un à deux ans ; qu'il indique que le mariage que sa compagne avait contracté en Algérie n'est pas dissous et fait valoir qu'ils seraient en conséquence tous deux exposés à des poursuites pénales en cas de retour dans leur pays d'origine ; que, toutefois, il n'apporte à l'appui de ses dires aucun élément de nature à établir que telle est bien la situation matrimoniale de sa compagne ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'ils ne pourraient mener une vie familiale normale en Algérie ;

4. Considérant, d'autre part, qu'à supposer même établie la circonstance que M. B...a résidé plusieurs années en France avec sa compagne, la cellule familiale peut se reconstituer en Algérie, pays dont ils ont tous deux la nationalité, et où leurs enfants pourront poursuivre leur scolarité ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait, en édictant l'arrêté contesté, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel il a été pris et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. B...;

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

6. Considérant qu'aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II.- Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible./(...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) ; 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;/(...). " ;

7. Considérant que M. B... soutient que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale en l'absence d'un risque avéré de fuite, dès lors qu'il disposait d'un domicile connu de l'administration et d'un passeport en cours de validité, qu'il avait formulé une nouvelle demande de titre de séjour basée sur de nouveaux motifs, qu'il s'était présenté spontanément à la préfecture à la suite de la précédente mesure d'éloignement, qu'il est père de deux enfants et que sa compagne est titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, et qu'il est l'associé d'une société immatriculée au registre du commerce et des sociétés ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B...a fait l'objet, le 19 juin 2014, d'une décision du préfet de l'Isère lui faisant obligation de quitter le territoire français, notifiée le même jour et à l'exécution de laquelle il s'est soustrait ; que l'intéressé présentait ainsi un risque de fuite au sens du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, justifiant, en l'absence de circonstances particulières, que lui fût refusé un délai de départ volontaire ; que les garanties de représentation dont il pouvait justifier sont à cet égard sans influence dès lors que le préfet ne s'est pas fondé sur le f) mais sur le d) du II de l'article L. 511-1 ; que les autres éléments dont se prévaut le requérant ne suffisent pas à caractériser des circonstances particulières ; que, par suite, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, le préfet n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de sa situation au regard des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant que M. B...n'apporte aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Grenoble sur son argumentation de première instance tirée de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, du défaut d'examen particulier de sa situation, et de ce que le préfet se serait cru à tort en situation de compétence liée ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

9. Considérant que M. B...ne fait état d'aucune circonstance particulière de nature à faire regarder la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire comme susceptible de méconnaître l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. (...) " ;

11. Considérant qu'il ressort des termes mêmes du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 précité que le préfet est, en principe, tenu d'assortir l'obligation de quitter le territoire français qu'il prononce d'une interdiction de retour sur le territoire français lorsqu'il a décidé de ne pas accorder un délai de départ volontaire à l'étranger ; que le fait que M. B... est associé dans une société commerciale qu'il dirige avec un coassocié et qu'une interdiction de retour sur le territoire français durant une période de six mois préjudicierait à ses intérêts économiques et commerciaux ne saurait être qualifié de circonstance humanitaire ; que l'absence de revenus personnels de sa compagne et la présence en France de leurs enfants ne suffisent pas à caractériser des circonstances humanitaires pouvant justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, le préfet a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, interdire à M. B... de revenir sur le territoire français pendant une durée de 6 mois, ce dernier ne justifiant d'aucune circonstance humanitaire s'opposant à ce qu'une telle décision soit prononcée par l'autorité administrative ;

12. Considérant qu'eu égard à sa durée limitée et en l'absence de circonstance particulière invoquée par le requérant, cette mesure d'interdiction de retour sur le territoire français ne peut être regardée comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.

2

N° 17LY03816


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03816
Date de la décision : 22/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : ABOUDAHAB

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-22;17ly03816 ?
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