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04/10/2018 | FRANCE | N°17LY02372

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2018, 17LY02372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon, devant lequel l'instance a été reprise par ses ayants-droit après son décès, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme totale de 938 610 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C et de lui rembourser intégralement les frais médicaux restant à sa charge ainsi que l'ensemble des

frais futurs nécessaires à son état.

La caisse primaire d'assurance maladi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon, devant lequel l'instance a été reprise par ses ayants-droit après son décès, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme totale de 938 610 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C et de lui rembourser intégralement les frais médicaux restant à sa charge ainsi que l'ensemble des frais futurs nécessaires à son état.

La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, ayant versé des prestations à M. B..., est intervenue à l'instance pour former un recours subrogatoire contre l'ONIAM, avant de se désister de ses premières conclusions et de diriger son recours subrogatoire contre l'Etablissement français du sang (EFS).

Par un jugement n° 1104076 du 22 octobre 2013, le tribunal administratif de Lyon a donné acte du désistement de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône de ses conclusions présentées à l'encontre de l'ONIAM, a rejeté les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône à l'encontre de l'EFS et a ordonné qu'il soit procédé à une expertise en vue d'évaluer les préjudices subis par M.B....

Par un arrêt n° 14LY00001 du 5 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Rhône.

Par une décision n° 395915 du 24 mai 2017, le Conseil d'Etat, sur la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, a, d'une part, annulé l'arrêt du 5 novembre 2015 de la cour administrative d'appel de Lyon et, d'autre part, renvoyé à la cour le jugement de cette affaire.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 janvier 2014, et des mémoires complémentaires enregistrés le 10 juillet 2017 et le 28 août 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, représentée par Me C...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 octobre 2013 en tant que le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'établissement français du sang (EFS) soit condamné à lui verser une indemnité de 430 637,43 euros au titre des prestations servies à son assuré, M. E...B..., à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'EFS une indemnité forfaitaire de 1 066 euros et la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à se prévaloir, au soutien de ses conclusions dirigées contre l'EFS, de la présomption instituée par les dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, qui est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; en vertu de la loi du 21 janvier 1952, modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs de produits sanguins ;

- il résulte de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Lyon un faisceau d'indices démontrant l'origine transfusionnelle de la contamination de M.B..., en l'absence d'autres facteurs de risque de contamination et eu égard au génotype viral trouvé, qui présente une prévalence plus grande dans les contaminations par transfusion ; l'EFS n'a pas apporté la preuve contraire ;

- les dispositions des articles L. 1221-14 alinéa 7 et L. 3122-4 du code de la santé publique concernent le recours subrogatoire ouvert à l'ONIAM mais en aucun cas à celui de l'organisme social, prévu à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- elle est fondée à demander le remboursement des prestations versées à son assuré au titre des dépenses de santé, de la perte de gains professionnels et de l'incidence professionnelle ;

- il résulte de l'expertise que M. B...a fait l'objet de transfusions de plusieurs flacons de sang par le centre de transfusion sanguine d'Annecy ; il existe un faisceau d'indices démontrant l'origine transfusionnelle de la contamination ;

- aucune disposition ne subordonne l'exercice du recours subrogatoire à l'existence d'une faute du fournisseur de produits sanguins, la responsabilité du fournisseur étant engagée du seul fait que les produits transfusés étaient porteurs d'un agent infectieux ;

- l'EFS n'établit pas que le centre de transfusion d'Annecy ne serait pas assuré, que le plafond de garantie serait épuisé ou que le délai de validité du contrat serait expiré ;

Par des mémoires enregistrés le 17 mars 2014 et le 4 juillet 2017, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeD..., conclut à sa mise hors de cause, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de tout succombant la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucune demande n'étant formulée à son encontre par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, qui s'est désistée de sa demande formulée initialement contre l'office en première instance, il doit être mis hors de cause.

- la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, en sa qualité de tiers payeur, ne dispose d'aucun recours contre l'ONIAM, dont la mission d'indemnisation intervient au titre de la solidarité nationale, et qui n'est pas intervenu, en l'espèce, en substitution de l'EFS, dès lors que la procédure initiée par M. B...l'a été postérieurement au 1er juin 2010.

Par un mémoire enregistré le 15 octobre 2014, et un mémoire complémentaire enregistré le 6 août 2018, l'EFS, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le recours de la caisse primaire d'assure maladie du Rhône relève des dispositions législatives issues de la loi du 17 décembre 2012 qui ont modifié l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, dont il résulte que les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'EFS si l'établissement de transfusion n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré ; en l'espèce, au regard de l'ancienneté de la transfusion et de la date du premier recours, aucun recours contre l'assureur, contre lequel la victime n'a exercé aucune action directe, ne peut être espéré, et aucune faute n'a été mise à la charge de l'EFS ;

- l'enquête transfusionnelle s'est révélée impossible en raison de la destruction du dossier médical de M.B... ; il n'a pas été possible d'identifier le ou les centres de transfusion sanguine ayant fourni les produits sanguins administrés à M.B... ; il ne pourra pas solliciter de garantie assurantielle et cela fait obstacle au recours de la CPAM ;

- à titre subsidiaire, il n'est pas justifié de l'imputabilité des débours à la contamination de M. B...par le virus de l'hépatite C ; les opérations d'expertise n'ont pas été réalisées à son contradictoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Martinot-Lagarde, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

1. Considérant que M. E...B..., gravement blessé le 4 mai 1976 de quatre balles dans l'abdomen ayant entrainé des hémorragies abdomino-pleuro-pulmonaires, a été pris en charge par le centre hospitalier d'Annecy où il a bénéficié d'une transfusion de plusieurs flacons de sang ; qu'en 1991 sa contamination par le virus de l'hépatite C a été diagnostiquée ; que la maladie a évolué défavorablement, malgré les traitements, pour atteindre, en juin 2008, un stade de cirrhose non décompensée avec carcinome hépatocellulaire imposant une transplantation hépatique en août 2009 ; que M. B...est décédé le 21 février 2012 ; que son épouse et ses enfants ont, le 17 septembre 2012, repris l'instance qu'il avait engagée le 27 juin 2011 devant le tribunal administratif de Lyon, tendant à la condamnation de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices résultant de cette contamination ; que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône qui, dans le cadre de cette instance, a formé initialement des conclusions tendant à la condamnation de l'ONIAM dont elle s'est ultérieurement désistée, a ensuite conclu à la condamnation de l'EFS à lui rembourser les débours exposés pour le compte de son assuré en conséquence de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que la CPAM du Rhône fait appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 octobre 2013 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'EFS ;

Sur le recours de la CPAM du Rhône à l'encontre de l'établissement français du sang :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 312-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa. / (...) L'office et les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'Etablissement français du sang, venu aux droits et obligations des structures mentionnées à l'avant-dernier alinéa, si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré. (...) " ;

3. Considérant que s'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique que, même en l'absence de faute, les tiers payeurs sont en droit d'exercer à l'encontre de l'EFS une action subrogatoire à hauteur des sommes versées à la victime d'une contamination par le VHC, c'est seulement lorsque l'EFS peut lui-même bénéficier d'une garantie par les assureurs des structures qu'il a reprises ou par ses propres assureurs ; qu'une telle garantie n'est possible qu'à la condition que le ou les centres de transfusion sanguine fournisseurs du ou des produits effectivement administrés à la victime soient identifiés et qu'ils soient assurés, que leur couverture d'assurance ne soit pas épuisée et que le délai de validité de cette couverture ne soit pas expiré ;

4. Considérant que ni l'ONIAM ni l'EFS ne contestent l'origine transfusionnelle de la contamination de M. B... par le VHC ; que, par suite, la présomption d'origine transfusionnelle de la contamination de M. B...doit être retenue conformément au point 5 du jugement attaqué ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du docteur Rigal, que toutes les archives de l'ancien centre de transfusion d'Annecy ont été détruites, que le dossier médical complet de M. B...a été détruit compte tenu de l'écoulement du délai de conservation des dossiers médicaux et qu'en 1976 la traçabilité des produits sanguins labiles n'existait pas ; que, par suite, l'enquête transfusionnelle n'a pas pu aboutir ; que si l'ONIAM a toutefois estimé que M. B...avait apporté la preuve, par des indices concordants, qu'il avait reçu une transfusion dans les suites de son agression ayant entrainé des hémorragies abdomino-pleuro-pulmonaires, il n'est cependant pas possible, pour les raisons susmentionnées, d'identifier le centre de transfusion fournisseur des produits sanguins à l'intéressé alors qu'il n'est pas établi que le centre de transfusion sanguine d'Annecy était le seul distributeur de produits sanguins du centre hospitalier d'Annecy ; que, dans ces conditions, il n'est pas possible d'imputer la fourniture d'un produit contaminé à une structure aux droits et obligations de laquelle vient l'EFS ; qu'ainsi, la condition tenant à la couverture assurantielle des centres de transfusion sanguine ne peut être regardée comme remplie ; que, par suite, la CPAM du Rhône n'est pas fondée à solliciter de l'EFS le remboursement de ses débours ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CPAM du Rhône n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par la CPAM sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale doivent être rejetées ;

Sur les frais liés au litige :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EFS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la CPAM du Rhône demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CPAM du Rhône les sommes demandées par l'ONIAM et l'EFS au titre des frais exposés par eux sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la CPAM du Rhône est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'ONIAM et de l'EFS présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, à l'établissement français du sang et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 octobre 2018.

5

N° 17LY02372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02372
Date de la décision : 04/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BDL AVOCATS - ME BARIOZ ET ME PHILIP DE LABORIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-04;17ly02372 ?
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