Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. L...F...a demandé au tribunal administratif de Lyon, devant lequel l'instance a été reprise par ses ayants-droit après son décès, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme totale de 938 610 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C et de lui rembourser intégralement les frais médicaux restant à sa charge ainsi que l'ensemble des frais futurs nécessaires à son état.
La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, ayant versé des prestations à M. F..., est intervenue à l'instance pour former un recours subrogatoire contre l'ONIAM, avant de se désister de ses premières conclusions et de diriger son recours subrogatoire contre l'Etablissement français du sang (EFS).
Par un jugement du 22 octobre 2013, le tribunal administratif de Lyon a retenu l'origine transfusionnelle de la contamination par le virus de l'hépatite C de M. L...F..., a pris acte du désistement de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône de ses conclusions dirigées contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), a rejeté les conclusions de la caisse dirigées contre l'établissement français du sang (EFS) et a ordonné une expertise avant dire droit aux fins d'établir l'étendue et la nature des préjudices de M. F...ainsi que de ceux de ses ayants-droit imputables à cette contamination.
Par une ordonnance du 4 novembre 2013, M. D...a été désigné en qualité d'expert. Le rapport d'expertise a été déposé le 17 novembre 2014.
L'ONIAM a conclu à la réduction des prétentions indemnitaires des requérants.
Mme K...B..., veuveF..., Mme C...F..., épouseG..., et Mme E... F...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'ONIAM à leur verser les sommes de 736 277, 04 euros au titre des préjudices de M. L...F...entrés dans leur succession et, au titre de leurs préjudices propres, 55 000 euros à Mme K...F...et 20 000 euros chacune à Mme G...et Mme E...F....
Par un jugement n° 1104076 du 23 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser aux consorts F...la somme de 179 000 euros au titre des préjudices de M. F...entrés dans leur succession imputables à sa contamination par le virus de l'hépatite C dont il sera déduit le montant de 50 000 euros déjà alloué à titre provisionnel par ordonnance du juge des référés du 12 septembre 2011, l'a condamné à verser à Mme K...F...la somme de 50 000 euros au titre de ses préjudices propres et à Mme C...G..., néeF..., et Mme E...F...la somme de 7 000 euros chacune au titre de leurs préjudices respectifs.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 août 2015, et des mémoires complémentaires enregistrés le 31 octobre et le 15 décembre 2017, l'ONIAM, représenté par MeJ..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 23 juin 2015 en tant qu'il a alloué aux consorts F...une indemnisation surévaluée ;
2°) de ramener les prétentions indemnitaires des consorts F...à de plus justes proportions ;
Il soutient que :
- il ne conteste pas la matérialité des transfusions invoquées et l'imputabilité de la contamination par le virus de l'hépatite C à ces transfusions ;
- l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux peut être déterminée poste par poste ou par référence aux troubles de toute nature dans les conditions d'existence ; le tribunal a dans le même temps déterminé l'indemnisation par référence aux troubles de toute nature dans les conditions d'existence et a procédé à l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux poste par poste ; par suite, le tribunal a procédé à une double indemnisation ;
- l'indemnisation globale des troubles dans les conditions d'existence ne se conçoit que s'il y a reconnaissance préalable du caractère évolutif de la pathologie hépatique ; M. F...est décédé le 21 février 2012 et le caractère évolutif de la pathologie ne peut être retenu ; le décès constitue la consolidation de l'état de M.F... ;
la cour confirmera le jugement en tant qu'il a rejeté les demandes de M. F...au titre de la perte de gains professionnels actuels et au titre du préjudice professionnel ; en tant qu'il a indemnisé Mme F...à hauteur de 25 000 euros et chacun des deux enfants à hauteur de 7 000 euros ;
- les consorts F...sollicitent pour la première fois en appel l'indemnisation de l'incapacité permanente partielle ; M. F...est décédé et ne justifie pas d'un déficit fonctionnel permanent à défaut de consolidation de son état de santé ;
- le poste déficit fonctionnel temporaire sera réévalué dès lors que le tribunal a commis une erreur de calcul ; ce poste de préjudice sera évalué à 11 820 euros ;
- le poste préjudice esthétique temporaire sera réévalué à 2 500 euros ;
- le poste souffrances endurées seront réévalué à 22 000 euros ;
- le poste préjudice lié à la pathologie évolutive sera réévalué à 25 000 euros ;
- le poste préjudice d'agrément ne fera pas l'objet d'une indemnisation dès lors que le sentiment éprouvé par M. F...et son épouse ne constitue pas une impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ; ce préjudice constitue un préjudice permanent et a donc vocation à indemniser la cessation des activités d'agrément après la consolidation de l'état de santé de la victime ; avant consolidation, ce préjudice est indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
- s'agissant du préjudice d'agrément de MmeF..., seule la période ayant justifié un accompagnement effectif, soit durant les deux dernières années de vie de M.F..., peut justifier une indemnisation ; ce préjudice sera fixé à la somme de 6 600 euros ;
- la demande de versement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative apparaît excessive dès lors que les consorts F...n'ont jamais saisi l'ONIAM d'une demande d'indemnisation amiable ;
Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 21 novembre 2017, Mme K...B...veuveF..., Mme C...F..., épouseG..., et Mme E...F..., représentés par MeA..., concluent, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 23 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a limité à la somme de 243 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'ONIAM et de porter à la somme de 860 000 euros le montant de l'indemnité due par l'ONIAM, sous déduction de la provision de 50 000 euros allouée à titre provisionnel par ordonnance du juge des référés du 12 septembre 2011 et de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- l'ONIAM sollicite l'évaluation des préjudices poste par poste ; il y a lieu de reprendre les demandes formulées dans la requête introductive concernant le quantum des préjudices ;
- sur le pretium doloris : l'expert a fixé le pretium doloris à 6,5 sur une échelle de 7 ; le préjudice sera évalué à 35 000 euros ;
- sur le préjudice esthétique résultant des cicatrices en lien avec la chirurgie aortique et la cicatrice de laparotomie pour la greffe hépatique et avec son état physique : l'expert a évalué ce préjudice à 3, 5 sur une échelle de 7 qui sera indemnisé à hauteur de 4 000 euros ;
- sur l'incapacité permanente partielle liée à l'infection évaluée par l'expert à 75 % : elle donnera lieu à une indemnisation à hauteur de 247 000 euros ;
- sur l'incapacité temporaire de travail liée à l'infection : selon l'expert, cette incapacité est totale et définitive depuis le 22 décembre 2003 ; M. F...était officiellement à la retraite le 1er juillet 2007, il a été contraint d'occuper les emplois de gardien de parking et d'agent de surveillance compte tenu de son état de santé alors qu'auparavant il était chef cuisinier dans une cuisine au sein d'une collectivité, il a connu une perte de salaire de 450 euros par mois pendant 14 ans représentant une indemnité de 75 600 euros ; durant cette période du 1er juillet 1991 à décembre 2003, il a subi un préjudice dans sa vie quotidienne évalué à 75 000 euros dès lors qu'il ne peut plus voyager avec son épouse et qu'il a dû renoncer à un emploi dans le secteur de la restauration ;
- sur le préjudice professionnel : M. F...a subi une baisse du montant de sa retraite ; s'il avait pu poursuivre son activité professionnelle en tant que chef cuisinier en collectivité, il aurait perçu une retraite supérieure de 750 euros par mois ; il a été placé à la retraite le 1er juillet 2007 à 60 ans et il est décédé le 21 février 2012 ; la perte de retraite est évaluée à 42 000 euros ;
- sur le préjudice extra-patrimonial évolutif hors consolidation : il sera évalué à 200 000 euros ;
- sur le préjudice d'agrément : l'expert a reconnu que M. F...n'avait plus une vie normale compte tenu de la fatigue importante générée par l'infection ; la vie du couple a été gâchée à compter de 1991, date de l'annonce de l'infection ; son épouse a consacré tout son temps à aider son mari ; ce préjudice sera évalué à 100 000 euros ;
- sur le préjudice personnel de Mme K...F..., son préjudice d'affection sera estimé à 30 000 euros et son préjudice d'accompagnement sera estimé à 25 000 euros ;
- sur le préjudice d'affection des enfants, chacun des deux enfants de M. F...peut prétendre à obtenir une indemnisation à hauteur de 15 000 euros ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme I...-arrière, rapporteur public,
- et les observations de MeH..., représentant les consortsF....
1. Considérant que, le 4 mai 1976, M. L...F...a subi une intervention chirurgicale à l'hôpital d'Annecy à la suite d'une agression par balle alors qu'il tentait de ceinturer l'auteur d'un hold-up ; qu'il a fait l'objet de transfusion de produits sanguins compte tenu des hémorragies abdomino-pleuro-pulmonaires dont il a souffert ; que, lors d'analyses réalisées le 1er juillet 1991, une contamination par le virus de l'hépatite C a été diagnostiquée ; que M. F...a imputé cette contamination aux transfusions sanguines pratiquées lors de l'intervention subie en 1976 ; que, le 26 octobre 2007, M. F...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble en vue de la désignation d'un expert ; que, par ordonnance du 9 janvier 2008, le docteur Rigal a été désigné en qualité d'expert ; qu'il a déposé son rapport le 10 octobre 2008 ; que le 12 mai 2011, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a proposé une offre d'indemnisation partielle à hauteur de 50 000 euros au titre des troubles de toute nature comprenant les souffrances endurées, le déficit fonctionnel temporaire et le préjudice lié à une pathologie évolutive, en plus d'une offre devant intervenir concernant le déficit fonctionnel permanent et le préjudice économique ; que M. F...a rejeté cette offre et a saisi le tribunal administratif de Lyon d'un recours indemnitaire dirigé contre l'ONIAM ; que, par ordonnance du 12 septembre 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser à M. F...une indemnité provisionnelle de 50 000 euros ; que, le 21 février 2012, M F...est décédé des suites d'une cirrhose post-hépatique avec complication liée à l'apparition d'un carcinome hépatocellulaire qui a nécessité une transplantation hépatique réalisée le 25 août 2009 ; que son épouse et ses enfants ont, le 17 septembre 2012, repris l'instance qu'il avait engagée le 27 juin 2011, tendant à la condamnation de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices résultant de cette contamination ; que, par jugement du 22 octobre 2013, le tribunal administratif de Lyon a retenu le principe de l'origine transfusionnelle de la contamination de M. F...par le virus de l'hépatite C et a ordonné une mesure d'expertise complémentaire ; que, par ordonnance du 4 novembre 2013, le docteur D...a été désigné en qualité d'expert et a déposé son rapport le 13 février 2014 ;,que par un jugement du 23 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser aux consorts F...la somme de 179 000 euros au titre des préjudices de M. L... F...entrés dans leur succession imputables à sa contamination par le virus de l'hépatite C sous déduction de la somme de 50 000 euros déjà allouée à titre provisionnel par ordonnance du juge des référés du 12 septembre 2011 et à verser à Mme K...F...la somme de 50 000 euros au titre de ses préjudices propres, ainsi que la somme de 7 000 euros à chacun de leurs deux enfants ; que l'ONIAM, qui admet le principe d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale des préjudices subis par M. F...et ses proches en conséquence de sa contamination par le virus de l'hépatite C du fait d'une transfusion de produits sanguins, conteste le montant des indemnités mises à sa charge par ce jugement dont il relève appel ; que, par la voie de l'appel incident, les consorts F...concluent à la réformation du jugement entrepris en ce qu'il aurait insuffisamment indemnisé leurs préjudices respectifs ;
Sur l'évaluation des préjudices subis par M.F... :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux de M.F... :
Quant aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle :
2. Considérant que les consorts F...font valoir que M. L...F...était chef cuisinier au sein d'une cuisine collective pour la ville d'Annecy et qu'il n'a pu continuer à exercer cette activité professionnelle en raison des nausées et des vertiges provoqués par les odeurs de cuisine et a ainsi subi une perte de rémunération de 450 euros par mois ; qu'ils soutiennent encore, au titre du préjudice professionnel, que M. F...a subi une perte sur le montant de sa retraite dès lors que s'il avait pu poursuivre son activité professionnelle comme chef cuisinier au sein de la collectivité, il aurait perçu une retraite supérieure de 750 euros mensuels à celle résultant de son activité d'agent de sécurité ; qu'il résulte cependant de l'instruction que l'intéressé a quitté son emploi de cuisinier en collectivité à compter de l'année 1983 pour s'orienter vers le métier d'agent de sécurité sans qu'il ne soit établi par les pièces versées au débat, ainsi que l'a retenu à juste titre le tribunal administratif, que cette réorientation serait en lien avec le développement du virus de l'hépatite C ; que, pour les mêmes motifs, les défendeurs n'établissent pas l'incidence professionnelle de la contamination de M. L...F...en se prévalant seulement de ce que sa réorientation professionnelle a entraîné une perte sur le montant de sa pension de retraite ;
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux de M.F... :
3. Considérant que, s'agissant d'une pathologie évolutive et insusceptible d'amélioration, l'absence de consolidation, impliquant notamment l'impossibilité de fixer définitivement un taux d'incapacité permanente, ne fait pas obstacle à ce que soient mises à la charge de l'ONIAM l'ensemble des conséquences déjà acquises de la détérioration de l'état de santé de l'intéressé ;
Quant aux préjudices temporaires :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur D...du 7 juin 2014, que de 1991 à 2002, M. F...a subi trois ponctions-biopsies hépatiques en 1991, 1997 et 2001, responsables d'un déficit fonctionnel total de 6 jours à 100 % et a été hospitalisé à trois reprises en hôpital de jour entraînant également un déficit fonctionnel total temporaire de 100 % ; qu'en 2003, il a été hospitalisé pour la poursuite de son bilan hépatite C du 7 au 17 mars, le 31 mars et le 16 décembre, soit un déficit fonctionnel temporaire total de 14 jours ; qu'il a également été hospitalisé du 9 octobre au 22 décembre en psychiatrie, soit un déficit fonctionnel temporaire total de 74 jours ; qu'en 2004, il a été hospitalisé du 14 au 18 octobre pour une coelioscopie exploratrice entrainant un déficit fonctionnel temporaire total suivi d'un déficit fonctionnel partiel de 50 % pendant cinq jours ; qu'il a été à nouveau hospitalisé du 28 novembre au 3 décembre pour une destruction par radiofréquence sous thoracoscopie de son hépatocarcinome avec un déficit fonctionnel temporaire total suivi d'une période de quatorze jours de déficit partiel de 50 % ; qu'en 2005, il a été hospitalisé en psychiatrie du 17 février au 25 mars, représentant quarante jours avec un déficit fonctionnel temporaire total ; qu'en 2007, M. F...a été hospitalisé du 12 au 19 juin pour un rétrécissement aortique en rapport avec l'hépatite C suivi d'une convalescence du 19 juin au 12 juillet, cette période correspondant à un déficit fonctionnel temporaire total ; qu'en 2008, il a été hospitalisé du 26 au 29 septembre pour une chémo-embolisation représentant un déficit fonctionnel temporaire total suivi d'une période de 7 jours avec un déficit fonctionnel temporaire de 50% ; qu'en 2009, il a été hospitalisé le 12 juin pour un bilan pré-greffe, du 25 août au 7 octobre pour une greffe hépatique soit un déficit fonctionnel temporaire total et du 21 au 23 octobre en hôpital de jour représentant un déficit fonctionnel temporaire de 75 %, du 4 au 9 novembre pour cimentoplastie avec un déficit fonctionnel temporaire total, et du 11 décembre au 28 janvier 2010 pour 27 séances de radiothérapie représentant un déficit fonctionnel temporaire total ; qu'en 2010 son état de santé s'est nettement aggravé, avec 25 jours de déficit fonctionnel temporaire total en rapport avec des hospitalisations en hôpital de jour, 60 jours de déficit fonctionnel temporaire de 75 % et, pour le reste de l'année, un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % a été retenu par l'expert compte tenu de l'état de santé de M. F...(douleurs, anorexie, perte de dix kilos et une mobilité réduite) ; qu'en 2011, son état de santé a été estimé comme médiocre avec un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué à 50 % ; qu'en 2012, son état général s'est fortement dégradé avec apparition d'oedèmes des membres inférieurs, un état dépressif et une somnolence importante ; qu'il a été réhospitalisé le 4 janvier et est décédé le 21 février ; que l'expert retient pour cette période un déficit fonctionnel temporaire partiel total ; qu'au total, et comme le relève l'ONIAM, M. F...a connu une période de déficit fonctionnel temporaire total de 356 jours, une période de déficit fonctionnel partiel évalué à 75 % par l'expert de 63 jours et une période de déficit fonctionnel temporaire de 50 % de 671 jours ; qu'il convient également de prendre en compte les deux périodes de traitement de six mois chacune réalisées entre 1991 et 2002 et pour lesquelles l'expert indique que les deux traitements ont été très mal supportés et ont été responsables de troubles fonctionnels importants avec un état dépressif ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce déficit fonctionnel temporaire, comprenant notamment le préjudice d'agrément, en le fixant à la somme de 25 000 euros ;
S'agissant des souffrances endurées :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que l'intensité des souffrances endurées a été évaluée par l'expert à 6,5 sur une échelle de 7 en raison de l'aggravation constante de l'état de santé de M. F...avec l'attente de la greffe, la nécessité du traitement cardiologique chirurgical, l'annonce des métastases osseuses et enfin la chimiothérapie auxquelles se sont ajoutées des douleurs osseuses importantes ; qu'en fixant à 25 000 euros le montant du préjudice subi de ce fait par M.F..., le tribunal administratif en a fait une évaluation qui n'est ni excessive ni insuffisante ;
S'agissant du préjudice esthétique :
6. Considérant, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, qu'il résulte de l'instruction que M. F...a présenté des séquelles cutanées en rapport d'une part avec la chirurgie aortique et la cicatrice de laparotomie pour la greffe hépatique et des oedèmes des membres inférieurs majeurs ainsi qu'un amaigrissement considérable ; que ce préjudice a été évalué par l'expert à 3, 5 sur une échelle de 7 ; qu'en fixant à 4 000 euros le montant de ce préjudice, le tribunal administratif en a fait une évaluation qui n'est ni excessive ni insuffisante ;
S'agissant du préjudice spécifique de contamination :
7. Considérant que M. F...faisait valoir que depuis la découverte de sa contamination par le virus de l'hépatite C en 1991 sa vie et celle de son épouse ont été " gâchées " ; qu'il a subi de nombreuses hospitalisations, examens et traitements marqués par les échecs des différentes thérapeutiques mises en oeuvre pour traiter l'infection initiale par l'hépatite C et son aggravation ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 80 000 euros ;
Quant au déficit fonctionnel permanent partiel :
8. Considérant que les consorts F...sollicitent une indemnisation au titre de l'incapacité permanente partielle ; qu'il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. F...n'a pas été consolidé avant son décès ; qu'ainsi aucune indemnité ne peut être sollicitée au titre du préjudice fonctionnel permanent ; que cette demande doit donc être écartée ;
Sur l'évaluation des préjudices subis par Mme F...et ses filles :
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. F...a nécessité " l'aide permanente de son épouse qui a été un soutien psychologique constant du fait de la succession des problèmes hépatiques, puis découverte et traitement des métastases osseuses et que son état physique à partir de 2009, et surtout à partir de 2010 jusqu'en 2012, a nécessité la présence quotidienne et permanente de son épouse pour tous les gestes de la vie quotidienne du fait de la baisse de l'état général, du problème de dyspnée, des conséquences de la chimiothérapie et enfin de la cachexie néoplastique avec anorexie et oedèmes " ; que le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice d'accompagnement de Mme F...en le fixant à 25 000 euros ;
10. Considérant que le tribunal administratif a fait une juste appréciation du préjudice d'affection de Mme F...en le fixant à 25 000 euros et une juste appréciation du préjudice d'affection des enfants en le fixant à 7 000 euros pour chacun d'eux ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM est seulement fondé à soutenir que l'indemnité de 179 000 euros qu'il a été condamné à verser aux consorts F...au titre des préjudices de M. F...entrés dans leur succession soit ramenée à la somme de 134 000 euros sous déduction de la provision de 50 000 euros déjà allouée par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 12 septembre 2011 ; que les consorts F...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon n'a fait que partiellement droit à leurs demandes ;
Sur les dépens :
12. Considérant qu'il y a lieu de maintenir à la charge de l'ONIAM les frais des expertises liquidés et taxés aux sommes respectives de 1 177,04 euros et de 1 306,90 euros par ordonnances en date du 16 octobre 2008 du président du tribunal administratif de Grenoble et du 23 juin 2014 par le président du tribunal administratif de Lyon ;
Sur les frais liés au litige :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les consorts F...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La somme de 179 000 euros que l'ONIAM a été condamné, par l'article 1er du jugement attaqué, à verser aux consorts F...au titre des préjudices de M. L...F...entrés dans leur succession est ramenée à la somme de 134 000 euros, sous déduction de la provision de 50 000 euros déjà allouée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 juin 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ONIAM et les conclusions d'appel incident présentées par les consorts F...sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'ONIAM, à Mme B... veuveF..., à Mme F..., épouseG..., à Mme F....
Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 octobre 2018.
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N° 15LY02895