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12/07/2018 | FRANCE | N°17LY02250

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2018, 17LY02250


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Mutuelle d'assurance du corps de santé français (MACSF) a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etablissement français du sang (EFS) à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour elle de la décision par laquelle le juge judiciaire a condamné son assuré, la clinique Kennedy de Nîmes, à indemniser Mme G...A...des conséquences dommageables de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1001040 du 23 février 2012, le tribunal admini

stratif de Nîmes a constaté que l'Office national d'indemnisation des accidents médica...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Mutuelle d'assurance du corps de santé français (MACSF) a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etablissement français du sang (EFS) à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour elle de la décision par laquelle le juge judiciaire a condamné son assuré, la clinique Kennedy de Nîmes, à indemniser Mme G...A...des conséquences dommageables de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1001040 du 23 février 2012, le tribunal administratif de Nîmes a constaté que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) se trouvait substitué par la loi à l'Etablissement français du sang (EFS) dans l'instance ouverte devant lui et condamné cet office à verser à la MACSF une somme de 43 770,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2010.

Par un arrêt n° 12LY21547 du 22 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur les requêtes de l'ONIAM et de la MACSF, a annulé le jugement du 23 février 2012 du tribunal administratif de Nîmes et condamné l'EFS à verser à la MACSF la somme de 47 555,87 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2010.

Par décision n° 395490 du 24 mai 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt, renvoyé l'affaire à la cour, au greffe duquel elle a été enregistrée sous le n° 17LY02250 et dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur le pourvoi provoqué de la MACSF.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 20 avril 2012, et un mémoire complémentaire enregistré le 26 novembre 2012, l'ONIAM, représenté par le cabinet d'avocats B...et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001040 du 23 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nîmes l'a condamné à verser à la MACSF une indemnité de 43 770,48 euros, outre intérêts au taux légal capitalisés ;

2°) de rejeter la demande de la MACSF ;

3°) de mettre à la charge de la MACSF la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont qualifié l'ONIAM de responsable de la contamination litigieuse, par une lecture erronée de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, alors qu'il résulte de ces dispositions, explicitées par le Conseil d'Etat dans son avis du 18 mai 2011, que l'office a la nature de représentant de la solidarité nationale, qui exclut tout recours de la MACSF à son encontre ;

- la MACSF, qui n'a pas la qualité de tiers payeur, n'a pas exercé son recours dans une instance en cours au 1er juin 2010 qui aurait été initiée par la victime contre l'EFS, et elle a exercé une action en remboursement d'une dette réglée au titre de la responsabilité de son assuré, reconnu comme l'auteur de la contamination de la victime, qui s'était elle-même expressément désistée de son recours engagé contre l'EFS devant le juge judiciaire ;

- à titre subsidiaire, c'est à tort que les premiers juges, pour conclure à l'existence d'une présomption de contamination post-transfusionnelle, se sont fondés sur une comparaison du risque nosocomial à celui inhérent à l'administration de produits sanguins, alors que la victime présentait un risque de contamination par le VHC supérieur au risque que le donneur non identifié ait été infecté ;

- la MACSF n'a pas la qualité de victime ni celle de tiers payeur, les préjudices de la victime ont fait l'objet d'une décision irrévocable d'indemnisation, et ainsi la MACSF ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 ;

Par un mémoire en défense enregistré le 11 juin 2012, la MACSF, représentée par Me E..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité à une somme de 43 770,48 euros l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM, et à la condamnation dudit office à lui verser une indemnité d'un montant total de 47 555,87 euros ;

3°) à titre subsidiaire, à la condamnation de l'EFS à lui verser l'indemnité réclamée ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'ONIAM ou de tout succombant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- dès lors qu'elle est subrogée dans les droits de la victime qu'elle a indemnisée, elle est fondée à invoquer la substitution de l'ONIAM à l'EFS dans un contentieux en cours à la date d'entrée en vigueur de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, en l'absence d'une décision irrévocable au 1er juin 2010 ;

- elle est fondée à réclamer le remboursement par l'ONIAM des frais et dépens des procédures de première instance et d'appel devant le juge judiciaire, qui ont été mis à la charge de son assurée ;

- si l'obligation de substitution de l'ONIAM à l'EFS devait être contestée, elle serait fondée à demander la prise en charge par l'EFS, responsable de la contamination de la victime, des sommes mises à sa charge par le juge judiciaire ;

Par un mémoire enregistré le 6 juillet 2017, la MACSF, représentée par MeD..., demande à la cour de :

- condamner l'ONIAM, à titre principal, à lui rembourser la totalité des sommes qu'elle a versées en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 2 juin 2009, à titre subsidiaire, à lui rembourser la somme de 30 692,66 euros au titre des indemnités qu'elle a versées à Mme A..., ladite somme devant être assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2010 ;

- enjoindre à l'EFS d'indiquer si le centre de transfusion sanguine de Nîmes était assuré en janvier 1991 et si sa couverture assurantielle n'est pas épuisée ;

- condamner l'EFS à lui rembourser la somme de 13 160,43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2010 ;

- condamner l'ONIAM ou l'EFS à lui rembourser la somme de 3 702,78 euros au titre des frais d'expertise exposés en première instance ;

- mettre à la charge de l'ONIAM ou de l'EFS la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- doit être confirmée la présomption de contamination de Mme A...par le virus de l'hépatite C lors de la transfusion de produits sanguins en 1991 ;

- il appartient à l'ONIAM de lui rembourser l'indemnité qu'elle a versée au titre du préjudice subi par Mme A...à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C dès lors que le litige est antérieur au 1er juin 2010 et qu'en vertu du IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, pour ces litiges, l'ONIAM est substitué à l'EFS ;

- il appartient à l'EFS d'établir si le centre de transfusion sanguine du Gard était assuré en 1991 et s'il dispose encore d'une couverture assurantielle afin de déterminer si l'ONIAM doit lui rembourser les sommes qu'elle a versées à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse ;

- en application des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, l'établissement français du sang peut le cas échéant être tenu de lui rembourser les sommes qu'elle a versées à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse ;

Par un mémoire enregistré le 21 décembre 2017, l'ONIAM, représenté par MeB..., demande à la cour :

- d'annuler le jugement n° 1001040 du tribunal administratif de Nîmes du 23 février 2012 ;

- de limiter l'indemnité accordée à la MASCF à la somme de 30 692,66 euros correspondant à l'indemnité qu'elle a versée à Mme A...en réparation de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

- de rejeter la demande de remboursement des dépens exposés devant le juge judiciaire ;

L'ONIAM soutient que :

- il ne peut être condamné à rembourser à la MASCF la somme que cette dernière a versée à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse, dès lors qu'en vertu de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012, les tiers payeurs ne peuvent obtenir le remboursement des débours qu'ils ont exposés en lien avec une contamination par le virus de l'hépatite C qu'à la condition que le centre de transfusion sanguine ayant fourni le sang contaminé bénéficie d'une couverture assurantielle ; or, en l'espèce, le Conseil d'Etat a constaté, dans son arrêt du 24 mai 2017, qu'il ne résultait pas de l'instruction que le centre de transfusion sanguine du Gard aurait été assuré ; l'instruction du dossier n'a pas permis d'établir l'existence d'une garantie assurantielle ;

- il ne peut être condamné à verser la somme de 3 702,78 euros correspondant aux dépens exposés dans le cadre de l'instance judiciaire et dont la MASCF demande le remboursement ; en effet, le Conseil d'Etat dans son arrêt du 24 mai 2017 ne fait pas mention de ces dépens et la cour sur renvoi n'est pas saisie de cette question ;

Par un mémoire enregistré le 22 décembre 2017, l'EFS, représenté par Me F...demande à la cour :

- de condamner la MACSF à lui rembourser la somme de 49 055,87 euros perçue en application de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 22 octobre 2015 annulé, ladite somme devant être assortie des intérêts capitalisés ;

- de rejeter les demandes indemnitaires présentées par l'ONIAM et la MACSF ;

- de mettre respectivement à la charge de l'ONIAM et de la MACSF la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'EFS soutient que :

- dès lors que le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour du 22 octobre 2015, il appartient à cette dernière, sur renvoi de condamner la MACSF a lui rembourser la somme de 49 055,87 euros qu'elle a perçue en exécution de l'arrêt annulé ;

- eu égard à ce qu'a jugé le Conseil d'Etat, par arrêt du 24 mai 2017, la MACSF ne peut demande la condamnation de l'EFS à lui rembourser les sommes qu'elle a versées en lien avec la contamination par le virus de l'hépatite C de MmeA... ;

- si le centre de transfusion sanguine du Gard disposait d'un contrat d'assurance pour ses activités de transfusion sanguine à la date à laquelle la transfusion de Mme A...a été réalisée, la garantie assurantielle en l'espèce est prescrite en application de l'article L. 114-1 du code des assurances ; en conséquence, la MACSF et l'ONIAM ne peuvent demander sa condamnation à verser les sommes en litige ;

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de l'EFS tendant à la condamnation de la MACSF à lui rembourser la somme de 49 055,87 euros que la cour l'avait condamné à verser à ladite mutuelle en application de son arrêt du 22 octobre 2015. En effet, il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires. Lorsque le juge de cassation casse une condamnation prononcée par une cour d'appel et renvoie à ladite cour, la décision du Conseil d'Etat, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même, d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

- la loi n° 23012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 ;

- le code civil ;

- le code des assurances ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Carrier,

- les conclusions de Mme Caraës, rapporteur public,

- et les observations de Me Perron, avocat de la mutuelle d'assurance du corps de santé français.

1. Considérant que Mme A...a subi le 11 janvier 1991 à la clinique Kennedy de Nîmes, établissement de soins privé assuré auprès de la Mutuelle d'assurance du corps de santé français (MACSF), une intervention chirurgicale d'arthrodèse du rachis lombaire L4-L5-S1, au cours de laquelle elle a fait l'objet d'une transfusion de produits sanguins fournis par le centre de transfusion sanguine de Nîmes (centre départemental de transfusion sanguine du Gard), service géré par le centre hospitalier universitaire de Nîmes ; que, lors d'analyses réalisées en 1999, sa contamination par le virus de l'hépatite C a été révélée ; que MmeA..., imputant sa contamination par le virus de l'hépatite C à la transfusion de produits sanguins fournis par le centre départemental de transfusion sanguine du Gard, a recherché devant le juge judiciaire la responsabilité de la clinique privée par laquelle elle avait été prise en charge et de l'Etablissement français du sang (EFS), avant de se désister en cours d'instance de ses conclusions dirigées contre l'EFS ; que, par un arrêt du 12 juin 2009, la cour d'appel de Nîmes a condamné la clinique à indemniser Mme A...des conséquences de la contamination et à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse les débours qu'elle avait exposés ; que la cour d'appel de Nîmes a en outre condamné la clinique aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel ; que la MACSF, assureur de la clinique, subrogée tant dans les droits de celle-ci que dans ceux de Mme A...et de la caisse primaire, qu'elle avait indemnisées, a formé le 7 avril 2010 devant le juge administratif un recours dirigé contre l'EFS ou, subsidiairement, contre l'ONIAM aux fins d'être remboursée des sommes qu'elle avait versées ; que, par un jugement du 23 février 2012, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'ONIAM à verser à la MACSF la somme de 43 770,48 euros ; que, par arrêt du 22 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur l'appel de l'ONIAM et sur l'appel provoqué de la MACSF, a annulé ce jugement et condamné l'EFS à verser à la MACSF la somme de 47 555,87 euros ; que, par décision du 24 mai 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour pour qu'elle soit de nouveau jugée ;

Sur les conclusions de l'EFS tendant au remboursement de la somme de 47 555,87 euros assortie des intérêts au taux légal :

2. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires ; que, lorsque le juge de cassation casse une condamnation prononcée par le juge d'appel, sa décision permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement des sommes déjà versées en vertu de la condamnation annulée ; qu'ainsi, les conclusions de l'EFS tendant à ce que la MACSF soit condamnée à lui rembourser les sommes versées en exécution de l'arrêt de la cour du 22 octobre 2015, sont sans objet dès lors qu'elles portent sur des condamnations cassées par l'arrêt du Conseil d'Etat du 24 mai 2017 et non reprises par le présent arrêt ;

3. Considérant, d'autre part, que la personne qui, en exécution d'une décision de justice, a, ainsi qu'elle y est tenue en raison du caractère exécutoire de cette décision, versé une somme n'a pas droit à la réparation sous forme d'intérêts moratoires du préjudice subi du fait de ce versement si elle se trouve déchargée par l'exercice des voies de recours de l'obligation de payer cette somme ; qu'il s'ensuit que les conclusions tendant au versement des intérêts moratoires sur la somme que l'EFS a été condamné à tort de verser par l'arrêt de la cour du 22 octobre 2015 ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne le principe d'indemnisation :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances, applicable aux assurances de responsabilité civile : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. (...) " ; qu'en application de ces dispositions, l'assureur de responsabilité civile qui, en application d'un contrat d'assurance souscrit par un des auteurs du dommage, a indemnisé la victime ou un tiers payeur au sens de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 est subrogé dans les droits de ces derniers dans la limite des indemnités qu'il leur a versées ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a introduit dans le code de la santé publique un article L. 1221-14 qui confie à l'ONIAM l'indemnisation, au titre de la solidarité nationale, des victimes de préjudices résultant d'une contamination par le VHC causée par une transfusion de produits sanguins ou par une injection de médicaments dérivés du sang ; que le I de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 a complété cet article par une disposition prévoyant que l'office et les tiers payeurs peuvent, après avoir indemnisé la victime, exercer une action subrogatoire contre l'EFS venu aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine à la condition que l'établissement de transfusion sanguine ait été assuré et que sa couverture d'assurance ne soit pas épuisée ou venue à expiration ; que l'ensemble de ces dispositions est entré en vigueur le 1er juin 2010 ;

6. Considérant, en troisième lieu, que le IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 prévoit que l'ONIAM est substitué à l'EFS dans les contentieux en cours à la date d'entrée en vigueur de cette loi, portant sur les préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ; que le II de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 a inséré à la suite de ces dispositions un dernier alinéa aux termes duquel : " Les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'office si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré " ; que l'ensemble de ces dispositions est applicable aux actions juridictionnelles en cours à la date du 1er juin 2010 ;

7. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions rappelées aux points 5 et 6 que, s'agissant des litiges en cours au 1er juin 2010, l'ONIAM est substitué en toute hypothèse à l'EFS à l'égard tant des victimes que des tiers payeurs, ces derniers ne pouvant toutefois engager une action subrogatoire à l'égard de l'office que si l'établissement de transfusion sanguine à l'origine du dommage était assuré et que sa couverture d'assurance n'est pas épuisée ou venue à expiration ;

8. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des travaux parlementaires de la loi du 17 décembre 2012 que, lorsque le législateur a subordonné les recours subrogatoires des " tiers payeurs " dirigés contre l'EFS, en application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, ou contre l'ONIAM, en application du IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, à la condition que la couverture d'assurance d'un établissement de transfusion sanguine puisse être mise en jeu, il n'a entendu viser que les seuls " tiers payeurs " débiteurs des prestations énumérées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 visée ci-dessus ; que le recours subrogatoire exercé en application de l'article L. 121-12 du code des assurances contre l'ONIAM ou l'EFS par un assureur de responsabilité civile, lorsque celui-ci est subrogé à la fois dans les droits de la victime et dans ceux d'un tiers payeur, n'est, en conséquence, subordonné à une telle condition qu'en tant qu'il vise au remboursement des sommes versées au tiers payeur mais non en tant qu'il vise au remboursement des sommes versées à la victime ;

9. Considérant, d'abord, que la MACSF qui agit en application de l'article L. 121-12 du code des assurances est subrogée à la fois dans les droits de Mme A...et dans ceux de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse ;

10. Considérant, ensuite, qu'il résulte de l'instruction que la requête qu'elle a présentée devant le juge administratif, en qualité de subrogée dans les droits de Mme A...et de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse, a été enregistrée le 7 avril 2010, antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions de la loi la loi du 17 décembre 2008 précitées le 1er juin 2010 ; qu'ainsi, en application des dispositions précitées, il appartient à l'ONIAM substitué à l'EFS d'indemniser, le cas échéant, la MACSF subrogée dans les droits de Mme A... et de la CPAM du Vaucluse ;

11. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction, notamment des pièces produites par l'EFS, que le centre de transfusion sanguine du Gard qui a fourni les produits sanguins transfusés à Mme A...avait conclu un contrat d'assurance avec le groupement d'assurances de la transfusion sanguine, pour ses activités de transfusion sanguine ; que, par ailleurs, la seule circonstance que l'action que l'EFS ou l'ONIAM pourrait engager contre la SHAM, venant aux droits du groupement d'assurances de la transfusion sanguine, serait prescrite, en application de l'article L. 114-1 du code des assurances, ne permet pas d'établir que la couverture d'assurance du contrat susmentionné serait épuisée ou que son délai de validité aurait expiré au sens des dispositions de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la MASCF peut, en application des dispositions combinées de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 modifié par l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012, demander la condamnation de l'ONIAM, substitué à l'EFS, à lui rembourser les sommes qu'elle a versées, en application de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes susmentionné, à Mme A...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse au titre des débours exposés pour le compte de Mme A... ;

Sur l'origine transfusionnelle de la contamination :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. " ;

14. Considérant que la présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ; qu'eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressée a été exposée par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ;

15. Considérant que dans le cas où les produits sanguins à l'origine d'une contamination ont été élaborés par plusieurs centres de transfusion ayant des personnalités juridiques distinctes, la personne publique mise en cause devant le juge administratif doit être tenue pour responsable de l'ensemble des dommages subis par la victime et condamnée à les réparer ;

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport rédigé le 26 juin 2003 par l'expert désigné par une ordonnance du 17 avril 2002 du juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes, que, ainsi qu'il a été dit au point 1, une transfusion de produits sanguins élaborés et fournis par le centre de transfusion sanguine du Gard a été réalisée lors de l'intervention chirurgicale d'arthrodèse dont Mme A...a fait l'objet à la clinique Kennedy, le 11 janvier 1991 ; qu'une enquête transfusionnelle a pu être menée et que si la totalité des produits sanguins a été testée " négatif ", l'expert a relevé que les tests avaient été réalisés selon une technique dite " Elisa 1 " dont le taux de faux positif est de 3 sur 10 000 ; qu'en outre, les feuilles de rendus de résultats de deux produits sanguins ont conduit l'expert à émettre des réserves sur leur fiabilité, de sorte que ces deux produits ne pouvaient être selon lui regardés comme ayant été testés ; que l'expert fait également état d'une possible contamination de Mme A...par le virus de l'hépatite C lors de la transfusion de produits sanguins effectuée en janvier 1985 lors de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie au centre hospitalier de Marseille, un des donneurs n'ayant pu être contrôlé en l'absence d'identification de l'un des produits sanguins transfusés ; que certes Mme A...a fait l'objet de plusieurs hospitalisations de 1966 à 1993 au cours desquelles elle aurait pu également être victime d'une contamination par voie nosocomiale ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, en l'absence de tout élément particulier de nature à donner à la contamination nosocomiale un degré de probabilité plus élevé que celui de la contamination par voie transfusionnelle, la contamination de la requérante par le virus de l'hépatite C doit être regardée comme ayant pour origine les transfusions de produits sanguins susmentionnées ; que, par suite, la MACSF, subrogée dans les droits de son assurée, la clinique Kennedy, et dans ceux de la victime qu'elle a indemnisée, est fondée à demander à l'ONIAM, substitué à l'EFS, le remboursement des indemnités versées ;

Sur le préjudice :

17. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, la clinique Kennedy, assurée auprès de la MACSF, a été condamnée, par un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 12 juin 2009, à verser à Mme A...une indemnité de 29 000 euros assortie des intérêts, en réparation d'un déficit fonctionnel temporaire, total pendant quatre jours puis partiel, au taux de 20 % durant six mois, de souffrances endurées évaluées à 2 sur une échelle de 7, d'un déficit fonctionnel permanent de 8 %, d'un préjudice d'agrément et d'un préjudice moral, outre une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et une somme de 12 136,82 euros assortie intérêts légaux en remboursement des débours de la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse, et enfin une somme de 941 euros au titre de ses frais de gestion ; que la MACSF justifie, par les pièces produites, avoir versé, pour le compte de son assuré, en exécution dudit arrêt, les sommes respectives de 30 692,66 euros à Mme A...et de 13 160,43 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse ;

18. Considérant que la nature et l'étendue des réparations incombant à une personne publique ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par le juge judiciaire dans un litige auquel elle n'a pas été partie, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la somme de 43 853,09 euros mise à la charge de la MACSF et dont elle demande le remboursement constitue une juste évaluation des préjudices subis tant par la victime que par la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse en conséquence de la contamination de Mme A...;

19. Considérant, enfin, que contrairement à ce que soutient l'ONIAM, la MACSF est en droit de demander le remboursement de la somme correspondant aux dépens exposés dans le cadre de l'instance judiciaire susmentionnée, dès lors qu'elle a présenté cette demande dans sa requête initiale et que la cour, à la suite de l'arrêt du Conseil d'Etat du 24 mai 2017, est ressaisie de l'entier litige ; que la MACSF produit un état récapitulatif des dépens exposés au cours de l'instance judiciaire pour un montant total de 3 702,78 euros, daté du 31 août 2009, et justifie par les pièces qu'elle produit en appel du paiement effectif de cette somme ; qu'il s'ensuit que la MASCF est fondée à obtenir le remboursement de cette somme ;

20. Considérant que l'indemnité qui doit être mise à la charge de l'ONIAM s'élève ainsi à la somme totale de 47 555,87 euros ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit aux conclusions indemnitaires présentées à son encontre par la MACSF ; que cette dernière est fondée à demander, par la voie de l'appel incident, que la somme de 43 770,48 euros que les premiers juges ont mis à la charge de l'ONIAM soit portée à la somme de 47 555,87 euros ; que, l'appel provoqué de l'EFS doit être rejeté par voie de conséquence ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

22. Considérant que l'indemnité susmentionnée sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2010, date de réception de la demande préalable ; que la capitalisation des intérêts a été demandée en première instance par un mémoire enregistrée le 10 avril 2010 ; qu'à cette date, il n'était pas dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de Mme C... à compter du 8 janvier 2011, puis d'accorder la capitalisation à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les frais liés au litige :

23. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par l'ONIAM doivent dès lors être rejetées ;

24. Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande de la MASCF tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

25. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM ou de la MASCF la somme que l'EFS demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'ONIAM est condamné à verser à la MACSF la somme de 47 555,87 euros. Ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2010. Les intérêts échus à la date du 8 janvier 2011, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 février 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'ONIAM versera à la MACSF une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La requête de l'ONIAM et l'appel provoqué de l'EFS sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la mutuelle d'assurance du corps de santé français (MACSF), à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des maladies nosocomiales et à l'établissement français du sang.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juillet 2018.

2

N° 17LY02250


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02250
Date de la décision : 12/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation.

Responsabilité de la puissance publique - Problèmes d'imputabilité.

Responsabilité de la puissance publique - Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité - aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale - Subrogation.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Claude CARRIER
Rapporteur public ?: Mme CARAËS
Avocat(s) : SAINT YVES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-07-12;17ly02250 ?
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