La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2018 | FRANCE | N°17LY01500

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 17LY01500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une requête n° 1604716, M. D... E... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite du préfet de l'Isère du 21 mars 2015, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par une requête n° 1607007, M. D... E... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 31 octobre 2016, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de dé

part volontaire, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une requête n° 1604716, M. D... E... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite du préfet de l'Isère du 21 mars 2015, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par une requête n° 1607007, M. D... E... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 31 octobre 2016, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français durant deux ans.

Par un jugement n° 1604716-1607007 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a, après avoir joint les deux requêtes, annulé les décisions susmentionnées du 31 octobre 2016, enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. A... un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au profit de la SELARL Deschamps et Villemagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 avril 2017, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 mars 2017 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en estimant que M. A... ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en ne reconnaissant pas que M. A...avait commis une fraude en vue de l'obtention de sa rente d'accident de travail.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2017, M.A..., représenté par la Selarl Deschamps et Villemagne, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il demande la confirmation du jugement et reprend ses moyens de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pommier, président.

- et les observations de M.A... ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 30 juin 1972, est entré en France le 24 juin 2007, selon ses déclarations ; qu'il a présenté une demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 20 avril 2010 ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande de réexamen le 30 mai 2013 ; que M. A...a également sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé puis en tant que salarié ; qu'après avoir fait l'objet de quatre refus de titre de séjour assortis de mesures d'éloignement qui n'ont pas été exécutées, M. A... a présenté, le 21 novembre 2014, une demande de titre de séjour sur le fondement du 9° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 31 octobre 2016, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français, d'un refus d'octroi de délai de départ volontaire, d'une décision fixant le pays de renvoi et d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ; que M. A... a contesté la décision implicite de rejet de sa demande ainsi que ces décisions du 31 octobre 2016 devant le tribunal administratif de Grenoble qui, par jugement du 2 mars 2017, les a annulées ; que le préfet de l'Isère relève appel de ce jugement ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 9° A l'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 10 octobre 2008, M. A...a subi un accident de trajet pour lequel la caisse française de sécurité sociale lui a reconnu, le 3 juin 2014, un taux d'incapacité permanente de 21 % à compter du 20 février 2014 et lui verse une rente d'accident de travail ; que le préfet fait valoir qu'à cette date, M. A...exerçait la profession réglementée d'agent de sécurité de façon irrégulière, faute notamment de disposer d'une autorisation de travail à cet effet, l'autorisation de travail délivrée à l'intéressé le 10 septembre 2008 l'ayant été pour cette seule date et pour exercer le métier de manoeuvre et l'exemplaire de l'autorisation en possession de la caisse primaire d'assurance maladie ayant été falsifié quant à la durée de validité ; que, toutefois, la matérialité de l'accident de travail dont a été victime M. A...et la réalité des séquelles en résultant ne sont pas contestées par le préfet ; que si M. A...a été condamné à une peine d'emprisonnement d'un an le 20 juin 2016 par le tribunal correctionnel de Grenoble pour avoir, le 14 mars 2013, altéré la vérité d'une attestation d'hébergement, ces faits sont sans lien avec les circonstances dans lesquelles l'accident de trajet est survenu et avec l'attribution d'une rente d'accident de travail et ne sauraient suffire à faire considérer l'intéressé comme ayant falsifié la durée de l'autorisation de travail en cause en y ayant ajouté le chiffre 3 ; qu'il en va de même de ses précédentes condamnations pour des faits d'escroquerie ; qu'ainsi, et alors que par courriel adressé le 10 janvier 2017 la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a confirmé au conseil de M. A... l'absence d'infraction et la remise en paiement de la rente, et que le signalement fait par le préfet au procureur de la République le 26 juillet 2016 a été classé sa suite le 31 janvier 2017,,le préfet n'établit pas l'existence d'une fraude commise par M. A...en vue d'obtenir une rente d'accident de travail susceptible de lui ouvrir droit à un titre de séjour sur le fondement du 9° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, c'est à tort que, par l'arrêté litigieux, le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A...sur le fondement de ces dispositions au motif de l'existence d'une fraude ;

4. Considérant que le préfet peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision de refus de titre de séjour en litige est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'étranger de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas l'étranger d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

5. Considérant que pour établir que la décision de refus de titre de séjour contestée est légale, le préfet de l'Isère invoque, dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif et dans sa requête d'appel, un autre motif tiré de ce que la présence en France de M. A...constitue une menace pour l'ordre public ;

6. Considérant toutefois que, dès lors qu'un étranger auquel le préfet envisage de refuser le séjour remplit effectivement toutes les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet est tenu de soumettre son cas à la consultation de la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-1 du même code, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que sa présence en France constitue une menace à l'ordre public ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la substitution de motif demandée priverait M. A...d'une garantie procédurale liée au motif susceptible d'être substitué ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner si la présence en France de M. A...constitue effectivement une menace à l'ordre public, il ne saurait être fait droit à cette demande de substitution de motif ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du préfet de l'Isère du 31 octobre 2016, refusant à M. A...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français durant deux ans ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...de la somme qu'il demande en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

Mme C...et MmeB..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 28 juin 2018.

1

2

N° 17LY01500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01500
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL DESCHAMPS et VILLEMAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-28;17ly01500 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award