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15/05/2018 | FRANCE | N°17LY00994

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 mai 2018, 17LY00994


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Alnaco Limited a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n°°1409678 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 mars et 9 août 2017, la société

Alnaco Limited, représentée par Me Curvat, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Alnaco Limited a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n°°1409678 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 mars et 9 août 2017, la société Alnaco Limited, représentée par Me Curvat, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 décembre 2016 ;

2°) de lui accorder la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction des impositions restant à sa charge et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne relève pas de l'impôt sur les sociétés en France ;

- subsidiairement, le montant des recettes déterminé par l'administration comporte des erreurs et le refus d'admettre la déduction de frais s'avère justifié.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 juin et 7 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non lieu à statuer à concurrence du dégrèvement intervenu en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- il est établi que dès lors que la société Alnaco Limited a en France, son siège de direction effective, elle est soumise à l'impôt sur les sociétés en France ;

- compte tenu des justificatifs de recettes apportés en appel, elle fait droit à la demande de la société sur ce point ;

- les dépenses personnelles sans rapport avec l'activité de l'entreprise ne peuvent être déduites de ses résultats.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention conclue entre la France et Chypre le 18 décembre 1981 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Alnaco Limited domiciliée à Chypreexerce une activité d'intermédiaire dans l'achat et la revente de produits nécessaires à la fabrication d'aliments pour animaux. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 2009, 2010 et 2011, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés en France ainsi qu'aux pénalités correspondantes. La société Alnaco Limited relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 21 juin 2017, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé le dégrèvement des impositions et pénalités en litige à hauteur de la somme de 171 583 euros. Les conclusions de la requête de la société Alnaco Limited sont, dans la mesure de ce montant, devenues sans objet.

Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale nationale :

3. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et si, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale, il appartient néanmoins au juge, après avoir constaté que les impositions qu'une entreprise a supportées dans un autre État du fait des opérations qu'elle y a réalisées seraient normalement déductibles de son bénéfice imposable en France en vertu de la loi fiscale nationale, de faire application, pour la détermination de l'assiette de l'impôt dû par cette entreprise, des stipulations claires d'une convention excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet autre État d'un bénéfice imposable en France. Il en va ainsi, alors même que la convention prévoirait par ailleurs un mécanisme de crédit d'impôt imputable sur l'impôt français, dont cette entreprise ne serait pas en mesure de bénéficier du fait de sa situation déficitaire au cours de l'année en cause, dès lors que la convention interdit la déduction en toutes circonstances.

4. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ".

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des documents obtenus par l'administration fiscale dans l'exercice de son droit de visite et de saisie le 28 juin 2012, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, que la requérante recevait du courrier à l'adresse du domicile principal en France de M. D... E... et de Mme A... B..., co-gérants et uniques associés de la société. Il a également été constaté que la société était titulaire de deux comptes bancaires à Chypre exclusivement alimentés par M. E... et par Mme B... qui les géraient en ligne, que son chiffre d'affaires était essentiellement réalisé en France avec des clients français, que la prospection commerciale, la facturation et le suivi des encaissements étaient effectués depuis la France et que l'ensemble des moyens matériels nécessaires à la gestion commerciale se trouvait au domicile des co-gérants. En revanche, il n'est pas établi par les documents produits par la requérante que Mme B... n'assurait pas avec M. E... la gérance de la société et que Mme C..., domiciliée à Chypreet administrateur de la société avec M. E..., aurait effectivement assuré la gestion administrative, commerciale et financière de l'entreprise. Il n'est pas davantage établi que la majorité des clients et des fournisseurs seraient extérieurs à la France. Si la société requérante fait valoir qu'elle a fait l'objet d'une imposition en Grèce, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle ne disposait à son adresse à Chypre que d'un siège sans établissement et avec pour seul effectif les deux administrateurs, M. E... et Mme C.à Chypre Ainsi, l'activité économique exercée par la requérante par l'intermédiaire de son établissement stable situé sur le territoire français était imposable en France à l'impôt sur les sociétés en application des dispositions précitées du I l'article 209 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'application de la convention conclue entre la France et Chypre :

6. Aux termes de l'article 4 de la convention conclue le 18 décembre 1981 entre la France et Chypre en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur la fortune : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un État " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue (à Chypre) ".

7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la société Alnaco Limited doit être regardée comme ayant en France son siège de direction, au sens et pour l'application des stipulations précitées de l'article 4 de la convention franco-chypriote.

En ce qui concerne la doctrine administrative :

8. La société Alnaco Limited ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des dispositions du paragraphe 1 de la doctrine BOI-IS-CHAMP-60-10-20, qui ne comportent aucune interprétation formelle de la loi fiscale.

Sur les charges déductibles :

9. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...). / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / a. Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; / b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes / (...). ".

10. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

11. En appel, la société requérante demande que soient prises en compte au titre des charges déductibles de ses résultats des frais de voyage au Vietnam en 2009 et au Cambodge en 2011 ainsi que des frais de location d'un bureau en Grèce.

12. En premier lieu, pour contester le refus de l'administration d'admettre l'intérêt professionnel de frais de déplacement au Cambodge en 2009 et au Vietnam en 2011, la requérante fait valoir qu'ils ont été engagés dans le but de développer des relations commerciales avec des clients vietnamiens. Toutefois, elle ne produit aucun document de nature à établir le caractère professionnel de ces frais.

13. En second lieu, pour justifier le caractère professionnel de dépenses engagées pour la location et l'entretien d'un appartement de 93 m² situé dans la ville de Tyros en Grèce, la requérante fait valoir que cette location était exclusivement utilisée à usage de bureau, conformément aux stipulations du bail qu'elle produit. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'existence d'une activité économique de la société hors de France n'est pas établie. Dès lors, les attestations produites ne permettent pas de justifier que les frais litigieux auraient été engagés dans l'intérêt de l'entreprise.

14. Il résulte de ce qui précède, que la société Alnaco Limited n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de 171 583 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de société Alnaco Limited.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de société Alnaco Limited est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alnaco Limited et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mai 2018.

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