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26/04/2018 | FRANCE | N°17LY01825

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 26 avril 2018, 17LY01825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2011 en conséquence de la remise en cause de la déduction de leur revenu imposable des pensions alimentaires versées à leurs parents.

Par un jugement n° 1401566 du 28 février 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requ

ête, enregistrée le 2 mai 2017, et des mémoires, enregistrés le 30 novembre 2017 et les 23 mars ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2011 en conséquence de la remise en cause de la déduction de leur revenu imposable des pensions alimentaires versées à leurs parents.

Par un jugement n° 1401566 du 28 février 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2017, et des mémoires, enregistrés le 30 novembre 2017 et les 23 mars et 1er avril 2018 (non communiqué), présentés pour M. et Mme D..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1401566 du 28 février 2017 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de leur accorder la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- compte tenu de la situation de guerre et de paralysie des services, notamment bancaires et postaux, que connait la Syrie, et compte tenu de l'absence de relations bancaires internationales et de l'existence d'une corruption majeure qui sévit dans ce pays, la seule façon dont ils disposent pour s'assurer que leurs parents perçoivent effectivement les pensions alimentaires consistent à les leur donner directement, en mains propres ; ils apportent, compte tenu de l'état de guerre et d'embargo de la Syrie, la preuve de la réalité des versements et, par suite, de la déductibilité des pensions alimentaires versées à leurs ascendants au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011 ;

- dans la mesure où, pour justifier du versement effectif des dépenses, les contribuables peuvent recourir à tous les modes de preuve de droit commun, l'administration a déjà eu l'occasion de reconnaître que le modèle d'attestation produit suffisait à apporter la preuve de l'état de besoin des bénéficiaires des pensions et de la réalité des versements des pensions, compte tenu de la situation particulière de la Syrie ;

- sur le fondement du principe de sécurité juridique et des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures, ils invoquent la garantie contre les changements de position de l'administration et opposent la prise de position formelle résultant de deux décisions antérieures constituées par la réponse aux observations du contribuable du 30 août 2002 et la décision du conciliateur du 14 juin 2006 ; le tribunal n'a pas répondu à l'argumentation développée sur ce point dans une note en délibéré ;

- faute pour l'administration d'avoir prouvé que les rôles concernant les impositions supplémentaires mises en recouvrement existent et qu'ils ont été régulièrement homologués, les avis d'imposition qui en résultent doivent être annulés.

Par des mémoires, enregistrés le 24 octobre 2017 et les 1er et 28 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... ont déduit de leurs revenus imposables, au titre des années 2008 à 2011, les pensions alimentaires qu'ils avaient déclaré avoir versées à leurs parents respectifs, résidant en Syrie, au cours desdites années. Dans le cadre d'une procédure contradictoire, le service vérificateur a remis en cause la déduction de leur revenu imposable de ces pensions alimentaires. A la suite de la mise en recouvrement de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, les 30 avril et 31 octobre 2013, et des rappels de contributions sociales 2009 et 2010, le 15 juillet 2013, M. et Mme D... ont adressé une réclamation par laquelle ils ont contesté notamment les impositions supplémentaires mises à leur charge pour la fraction afférente aux pensions alimentaires, puis ils ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande regardée comme tendant seulement à la décharge des impositions supplémentaires résultant de la remise en cause de la déduction du revenu imposable des requérants des pensions alimentaires versées à leurs parents. M. et Mme D... interjettent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsque le juge administratif est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il lui appartient dans tous les cas d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

3. Dans une note en délibéré, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2017, M. et Mme D... ont invoqué le bénéfice de la doctrine fiscale. Toutefois, la note en délibéré produite par M. et Mme D... ne contenait pas l'exposé d'une circonstance de fait dont ils n'étaient pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que les premiers juges n'auraient pu ignorer sans fonder leur décision sur des faits matériellement inexacts, ni d'une circonstance de droit nouvelle ou que le tribunal aurait dû relever d'office. Par suite, en décidant de ne pas rouvrir l'instruction afin de soumettre ladite note au débat contradictoire, le tribunal, qui n'était pas tenu d'analyser les moyens qu'elle contenait ni d'en faire mention dans les motifs du jugement attaqué, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Les impôts directs (...) sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement. Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'État dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'État. ".

5. Il résulte de l'instruction que les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement par voie de rôles homologués, rendus exécutoires et signés les 23 avril 2013 et 17 octobre 2013 respectivement par Mme E... F... et par M. C... B..., administrateurs des finances publiques adjoints agissant en vertu d'un arrêté n° 2012-556 pris par le préfet du Rhône le 6 janvier 2012, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du 9 janvier 2012, donnant délégation de pouvoir aux collaborateurs du directeur régional des finances publiques du Rhône ayant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint pour rendre exécutoires les rôles d'impôts directs, d'ailleurs visé par les rôles qui visent également l'article 1658 du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité des décisions portant homologation des rôles, en ce qu'elles ne comporteraient pas les signatures et les noms des signataires, la référence à l'article 1658 du code général des impôts et à l'arrêté du préfet portant délégation pour homologation des rôles, ne seraient pas revêtus de la " formule exécutoire " et ne porteraient pas non plus la date de mise en recouvrement, doit être écarté comme manquant en fait. Il doit en être de même du moyen tiré de ce qu'elles n'ont pas été régulièrement prises par une autorité compétente.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 et 367 et 767 du code civil ". L'article 205 du code civil dispose que : " Les enfants doivent des aliments à leur père et leur mère et autres ascendants qui sont dans le besoin " et aux termes de l'article 208 du même code : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe aux contribuables de justifier devant le juge de l'impôt de l'importance des aliments dont le paiement a été rendu nécessaire par le défaut de ressources suffisantes de leurs ascendants et de la réalité des versements effectués. En outre, les pensions alimentaires, y compris lorsqu'elles sont dues en vertu d'une loi étrangère, doivent répondre aux conditions fixées par les dispositions précitées du code civil.

8. M. et Mme D... ont déduit de leurs revenus imposables des pensions versées à leurs parents respectifs domiciliés en Syrie pour des montants de 21 600 euros au titre des années 2008 et 2009, 22 000 euros au titre de l'année 2010 et 18 000 euros au titre de l'année 2011, dont l'administration fiscale a remis en cause la déduction. Pour contester ces chefs de rectification et justifier de la réalité des versements effectués au titre de ces pensions, les requérants, qui font état de la situation de guerre et de paralysie des services, notamment bancaires et postaux, que connait la Syrie, ainsi que de l'absence de relations bancaires internationales, et affirment avoir procédé à une remise des sommes en espèce, à l'occasion de séjours sur place ou par l'intermédiaire d'amis se rendant dans ce pays, produisent, comme en première instance, des attestations sur l'honneur des bénéficiaires, traduites, rédigées en présence du maire de leur commune de résidence en Syrie. Toutefois, de tels documents ne sont pas de nature à démontrer la réalité des versements effectués, ni au demeurant des retraits d'espèces destinés au versement des pensions alimentaires déduites, et n'établissent pas davantage l'état de besoin des ascendants des requérants. Par suite, l'administration fiscale était fondée à remettre en cause la déduction de ces pensions alimentaires.

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

10. D'une part, M. et Mme D... ne peuvent pas utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des réponses ministérielles Tubach du 15 mai 1958 et Hue du 1er septembre 1999 ainsi que du BOI-IR-BASE-20-30-20-10 n° 1, 2 mai 2014, dont il résulte qu'il appartient au contribuable d'apporter toutes justification, dès lors, en tout état de cause, que ces réponses et instructions ne comportent pas une interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application. Ils ne peuvent davantage se prévaloir, pour les mêmes motifs, et sur ce même fondement, de ce qu'à la suite d'une proposition de rectification, envisageant la remise en cause des pensions alimentaires déduites au titre des années 1999 et 2000 au bénéfice de la mère de M. D... les rectifications envisagées n'avaient finalement pas été maintenues " au vu des justificatifs produits ", ni de ce que, par une lettre du 14 juin 2006, le conciliateur fiscal avait admis la déduction des pensions, pour les seules années 2003 et 2004, en raison de la position adoptée antérieurement par le service, sans pour autant admettre le principe de justification pratiqué par les contribuables et alors, au demeurant, que, par des lettres des 18 et 26 juillet 2006, le conciliateur avait rappelé à M. et Mme D... les principes applicables et leur avait fourni, à titre indicatif, des exemples de documents pouvant établir la réalité des versements et de l'état de besoin des bénéficiaires des pensions.

11. D'autre part, si M. et Mme D... entendent se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, des mentions figurant dans la réponse à leurs observations du 30 août 2002, par laquelle le vérificateur s'était borné à indiquer qu' " au vu des justificatifs produits, la pension alimentaire versée à votre mère est retenue (...) ", il résulte des termes mêmes de cette réponse que le vérificateur n'a pas entendu prendre position expressément sur la valeur des pièces présentées par les intéressés pour justifier les montants déduits de leurs revenus imposables, au titre de pensions non encore déduites à la date du contrôle. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit, l'administration fiscale a, après ladite réponse aux observations du contribuable et antérieurement aux années d'impositions en litige, indiqué aux requérants la nature des justificatifs devant être produits pour établir la réalité des versements des pensions alimentaires à leurs ascendants.

12. Il résulte de ce qui précède qu'en se bornant à faire valoir que l'administration n'aurait pas, lors d'un précédent contrôle, procédé à un redressement de la nature de celui ayant donné lieu aux impositions litigieuses, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les impositions litigieuses auraient été établies en méconnaissance du principe de sécurité juridique et du principe de confiance légitime.

13. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 avril 2018.

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N° 17LY01825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01825
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-03-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable. Charges déductibles du revenu global.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : LICHTENSTERN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-04-26;17ly01825 ?
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