Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 ainsi que la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1405843 du 10 février 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 7 avril 2017 et un mémoire enregistré le 30 mars 2018, présentés pour M. B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1405843 du 10 février 2017 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions supplémentaires contestées au titre des années 2010 et 2011 et la réduction des impositions contestées au titre des années 2010, 2011 et 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la proposition de rectification relative à l'imposition des années 2010 et 2011, qui est motivée par référence à l'article 193 ter du code général des impôts pour refuser de prendre en compte, pour l'évaluation de la charge principale d'entretien, la pension alimentaire versée par M. B..., n'est pas suffisamment motivée en droit ;
- c'est à tort que l'administration fiscale soutient, pour l'application de l'article 193 ter du code général des impôts au titre des années 2010 et 2011, que les pensions alimentaires ne devraient pas être retenues pour déterminer la charge d'entretien principale, au motif qu'elles seraient un revenu de transfert fiscalement neutre ;
- l'article 193 ter du code général des impôts ne s'appliquant qu'à défaut d'autres dispositions spécifiques, les dispositions applicables à sa situation sont celles prévues aux I et II de l'article 194 du code général des impôts ;
- au vu de toutes les dépenses supplémentaires, détaillées et justifiées, qu'il a engagées pour ses deux enfants au cours des années visées, il a bien apporté la preuve qu'il supportait la charge principale d'entretien de ses enfants, même s'ils n'avaient pas chez lui leur résidence principale en 2010 et 2011.
Par un mémoire enregistré le 19 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire distinct, enregistré le 30 mars 2018, M. B... demande à la cour, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 1405843 du tribunal administratif de Lyon du 10 février 2017, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 193 ter et 194 du code général des impôts, en tant qu'elles prévoient leur application nonobstant le versement ou la perception d'une pension alimentaire versée pour l'entretien des enfants.
Il soutient que ces dispositions, telles qu'interprétées par le Conseil d'État, méconnaissent le principe à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et de clarté de la loi ainsi que le principe d'égalité devant la loi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2002-1576 de finances rectificative pour 2002 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., père de deux enfants nés en 2004 et 2006, dont la résidence principale était alors fixée chez leur mère, dont M. B... était séparé de fait sans avoir été marié, a, lors de la souscription de ses déclarations de revenus afférentes aux années 2010 et 2011, déclaré être célibataire et avoir à charge ces deux enfants mineurs, ce qui lui a permis de bénéficier de la majoration de son quotient familial d'une part, portant ainsi ce quotient familial total à deux parts. Toutefois, par une proposition de rectification du 13 juin 2013, l'administration fiscale a remis en cause le nombre de parts retenu pour le calcul du quotient familial, le ramenant à une seule part, en considérant que l'intéressé n'avait pas justifié avoir la charge effective de ses deux enfants. En réponse aux observations formulées par M. B... le 12 août 2013, l'administration, par un courrier du 24 septembre 2013, a confirmé sa rectification relative au quotient familial mais a admis la déduction d'une pension alimentaire annuelle de 8 552 euros pour 2010 et de 8 580 euros pour 2011. Au titre de l'année 2012, au cours de laquelle, par un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 13 février 2012 prenant effet au 27 février 2012, la résidence habituelle des enfants avait été fixée en alternance, une semaine sur deux, chez chacun des parents, M. B... avait également, lors de la souscription de sa déclaration de revenus afférente à ladite année, déclaré être célibataire et avoir à charge ces deux enfants mineurs. Par une autre proposition de rectification du 14 octobre 2013, l'administration fiscale a également remis en cause le nombre de parts retenu pour le calcul du quotient familial au titre de l'année 2012, pour le même motif. En réponse aux observations formulées par l'intéressé le 24 octobre 2013, l'administration a toutefois abandonné le rappel de droits proposé, en acceptant de tenir compte de 0,25 part par enfant, compte tenu de la garde alternée résultant de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 13 février 2012, outre une majoration du quotient familial pour " parent isolé ". Par une réclamation du 21 mars 2014, M. B... a, d'une part, contesté les impositions supplémentaires auxquelles il avait été assujetti au titre des années 2010 et 2011 et, d'autre part, sollicité une réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il avait été initialement assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, conformément à ses déclarations, en demandant à bénéficier, pour la détermination de son quotient familial, d'une demi-part supplémentaire en tant que célibataire vivant seul avec des enfants à sa charge principale. A la suite du rejet de sa réclamation, M. B... a saisi le tribunal administratif de Lyon aux mêmes fins. M. B... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il demande également à la cour de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la juridiction, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État. ".
3. Aux termes de l'article 193 ter du code général des impôts : " A défaut de dispositions spécifiques, les enfants (...) à charge s'entendent de ceux dont le contribuable assume la charge d'entretien à titre exclusif ou principal, nonobstant le versement ou la perception d'une pension alimentaire pour l'entretien desdits enfants ".
4. Aux termes de l'article 194 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " I. Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 193 est déterminé conformément aux dispositions suivantes : (...) Célibataire ou divorcé ayant deux enfants à charge : 2 (...) Lorsque les époux font l'objet d'une imposition séparée en application du 4 de l'article 6, chacun d'eux est considéré comme un célibataire ayant à sa charge les enfants dont il assume à titre principal l'entretien. Dans cette situation, ainsi qu'en cas de divorce, de rupture du pacte civil de solidarité ou de toute séparation de fait de parents non mariés, l'enfant est considéré, jusqu'à preuve du contraire, comme étant à la charge du parent chez lequel il réside à titre principal. En cas de résidence alternée au domicile de chacun des parents et sauf disposition contraire dans la convention homologuée par le juge, la décision judiciaire ou, le cas échéant, l'accord entre les parents, les enfants mineurs sont réputés être à la charge égale de l'un et de l'autre parent. Cette présomption peut être écartée s'il est justifié que l'un d'entre eux assume la charge principale des enfants. / Lorsque les enfants sont réputés être à la charge égale de chacun des parents, ils ouvrent droit à une majoration de : a) 0,25 part pour chacun des deux premiers (...), lorsque par ailleurs le contribuable n'assume la charge exclusive ou principale d'aucun enfant ; (...) II. Pour l'imposition des contribuables célibataires ou divorcés qui vivent seuls, le nombre de parts prévu au I est augmenté de 0,5 lorsqu'ils supportent à titre exclusif ou principal la charge d'au moins un enfant. Lorsqu'ils entretiennent uniquement des enfants dont la charge est réputée également partagée avec l'autre parent, la majoration est de 0,25 pour un seul enfant et de 0,5 si les enfants sont au moins deux. Ces dispositions s'appliquent nonobstant la perception éventuelle d'une pension alimentaire versée en vertu d'une décision de justice pour l'entretien desdits enfants. ".
5. Aux termes du deuxième alinéa du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts : " Le contribuable ne peut opérer aucune déduction pour ses descendants mineurs lorsqu'ils sont pris en compte pour la détermination de son quotient familial ".
6. Par un mémoire distinct, enregistré le 30 mars 2018, M. B... demande à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 193 ter et 194 du code général des impôts, en tant qu'ils prévoient que leurs dispositions s'appliquent nonobstant le versement ou la perception d'une pension alimentaire pour l'entretien des enfants, telles qu'elles ont été interprétées par le Conseil d'État.
7. Les dispositions contestées, par les précisions suffisantes qu'elles comportent, ne méconnaissent pas l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi.
8. Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Il résulte des dispositions contestées, telles qu'elles ont été interprétées par le Conseil d'État, par sa décision n° 393214, 394154 du 28 décembre 2016, à la lumière des travaux préparatoires de la loi de finances rectificative pour 2002 dont elles sont issues, que le versement ou la perception d'une pension alimentaire ne doit pas, en vertu de l'article 193 ter, être pris en compte pour apprécier la charge d'entretien qui est assumée par chaque parent. Ces dispositions, ainsi interprétées, tendent à assurer une égalité de traitement, pour la détermination du quotient familial, entre contribuables, dès lors que, si le contribuable dont les enfants mineurs sont pris en compte pour la détermination de son quotient familial ne peut ni opérer, pour la détermination de son revenu imposable, la déduction des sommes versées au titre d'une pension alimentaire, en vertu des dispositions précitées de l'article 156 du code général des impôts, ni tenir compte de ladite pension pour apprécier la charge d'entretien qu'il assume, la déduction d'une telle pension peut être opérée par le contribuable dont les enfants mineurs ne sont pas pris en compte pour la détermination de son quotient familial alors, en outre, que le parent qui perçoit une pension alimentaire est imposable à raison des sommes ainsi perçues. Ainsi les dispositions contestées ne sont pas contraires au principe d'égalité.
9. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée par M. B... concernant la conformité des dispositions des articles 193 ter et 194 du code général des impôts aux droits et libertés garantis par la Constitution est dépourvue de tout caractère sérieux. Dès lors, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
10. Le moyen, déjà soulevé en première instance par M. B..., tiré de ce que la proposition de rectification du 13 juin 2013, afférente aux redressements des années 2010 et 2011, est insuffisamment motivée en droit, doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
Sur le bien-fondé des impositions :
11. En premier lieu, les dispositions précitées de l'article 194 du code général des impôts ne constituent pas des " dispositions spécifiques " au sens de l'article 193 ter du même code. Dès lors M. B... ne peut soutenir que lesdites dispositions feraient obstacle à l'application en l'espèce de la règle édictée à l'article 193 ter selon laquelle les enfants à charge s'entendent de ceux dont le contribuable assume la charge d'entretien à titre exclusif ou principal, nonobstant le versement ou la perception d'une pension alimentaire pour l'entretien desdits enfants, alors, au demeurant, qu'il résulte également des termes mêmes des dispositions précitées du I de l'article 194 qu'en cas de séparation de fait de parents non mariés chacun d'eux est considéré comme un célibataire ayant à sa charge les enfants dont il assume à titre principal l'entretien.
12. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées, interprétées à la lumière des travaux préparatoires de la loi de finances rectificative pour 2002 dont elles sont issues, que le versement ou la perception d'une pension alimentaire ne doit pas, en vertu de l'article 193 ter, être pris en compte pour apprécier la charge d'entretien qui est assumée par chaque parent. Il en va notamment ainsi, en cas de résidence alternée, lorsque l'un d'entre eux entend écarter la présomption prévue par le I de l'article 194 au motif qu'il assume la charge principale d'un enfant. Dès lors, M. B... ne peut, pour tenter d'écarter la présomption selon laquelle, en cas de séparation de fait de parents non mariés, l'enfant est considéré, jusqu'à preuve du contraire, comme étant à la charge du parent chez lequel il réside à titre principal, demander la prise en compte du versement d'une pension alimentaire au titre de la charge d'entretien lui incombant.
13. En dernier lieu, M. B... qui, ainsi qu'il résulte de ce qui précède, ne peut se prévaloir du versement d'une pension alimentaire pour déterminer la charge d'entretien assumée par lui-même et ne peut davantage déduire les allocations familiales perçues par la mère de ses enfants, ne démontre pas, en se bornant à affirmer, sans au demeurant en justifier, avoir exposé, au cours des années en litige, des frais d'habillement d'un montant supérieur à ceux exposés par la mère de ses enfants, ainsi que des frais correspondant à un surcoût de location immobilière correspondant aux deux chambres de ses enfants et avoir subi un manque à gagner résultant du fait qu'il garderait lui-même ses enfants le mercredi, avoir assumé à titre principal la charge de ses deux enfants au titre des années en litige. Il n'est, dès lors, fondé à demander, pour la détermination de sa cotisation d'impôt sur le revenu des années 2010 et 2011, ni la prise en compte de deux parts au titre de son quotient familial ni, au titre de l'ensemble des années en litige, d'une demi-part supplémentaire, en tant que célibataire vivant seul assumant à titre principal la charge d'entretien de ses deux enfants.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
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N° 17LY01574