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17/04/2018 | FRANCE | N°17LY02882

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Formation de chambres réunies, 17 avril 2018, 17LY02882


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 avril 2017 par lequel le préfet de l'Isère a ordonné son transfert vers l'Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1703402 du 27 juin 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2017, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'

annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 27 jui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 avril 2017 par lequel le préfet de l'Isère a ordonné son transfert vers l'Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1703402 du 27 juin 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2017, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 27 juin 2017 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- l'intéressé ayant reçu les informations requises, le motif d'annulation retenu est infondé ;

- aucun des autres moyens invoqués devant le tribunal administratif n'est fondé.

M. B... n'a pas retiré le pli par lequel la requête lui a été communiquée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) no 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité nigériane, né le 15 janvier 1977, a déposé une demande d'asile à la préfecture de l'Isère le 13 février 2017. Le système Eurodac a révélé qu'il avait déposé une précédente demande en Italie. Les autorités italiennes, saisies d'une demande de reprise en charge le 20 mars 2017, ont implicitement donné leur accord. Le 26 avril 2017, le préfet de l'Isère a ordonné son transfert vers l'Italie. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

3. Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

4. Il ressort des pièces produites pour la première fois en appel que M. B...a déposé sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile à la préfecture et a bénéficié, le 13 février 2017, d'un entretien à l'occasion duquel lui ont été remises les deux brochures d'information A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", en langue anglaise, qu'il a indiqué comprendre. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé n'avait pas bénéficié des garanties prévues par les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013.

5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M.B....

6. En premier lieu, la décision contestée a été signée par M. Yves Dareau, secrétaire général adjoint de la préfecture de l'Isère, à qui le préfet de l'Isère a donné délégation de signature, par arrêté du 1er février 2017, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains cas parmi lesquels ne figurent pas les décisions de transfert. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions en litige doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

8. La décision de transfert d'un demandeur d'asile en vue de sa reprise en charge par un autre Etat membre doit être suffisamment motivée afin de le mettre à même de critiquer l'application du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, elle doit comporter, d'une part, tous les éléments de preuve et indices qui permettent de déterminer la responsabilité de l'État membre requis pour l'examen de la demande de protection internationale et, d'autre part, l'article du règlement sur la base duquel la requête aux fins de reprise en charge a été présentée audit Etat membre, parmi ceux visés à l'annexe III du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014.

9. L'arrêté du 26 avril 2017 par lequel le préfet de l'Isère a décidé le transfert de M. B... vers l'Italie, Etat membre regardé comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, comporte le visa du règlement (UE) n° 604-2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers. Il indique que " lors de sa présentation au guichet unique, les empreintes de l'intéressé ont été relevées et permettent, après confrontation avec les bases de données européennes, d'établir que l'intéressé a précédemment déposé une demande d'asile en Italie " et que " les autorités italiennes, saisies le 20 mars 2017 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18-1 d du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 3 avril 2017 en application des articles 22.7 et 25.2 du règlement n° 604/2013 susvisé ". Ainsi, la décision comporte les éléments de fait ou de droit permettant d'identifier le critère retenu par le préfet pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé, qui pouvait, à la seule lecture de la décision en litige, connaître le critère retenu par l'administration pour s'adresser aux autorités italiennes et être, ainsi, mis à même d'en contester, le cas échéant, la pertinence. Dès lors, la motivation de cet arrêté, qui comporte par ailleurs l'énoncé de l'ensemble des éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisante.

10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à un examen de la situation de M. B... et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile, en s'abstenant de tenir compte des difficultés de prise en charge des demandeurs d'asile dans ce pays, qui est confronté à un afflux massif de réfugiés.

11. Le règlement (CE) no 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 n'a pas été abrogé, mais seulement modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014. Dès lors, le moyen tiré de ce que le règlement no 1560/2003 ne serait pas applicable en l'espèce manque en fait.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au 1. de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui permet à un Etat d'examiner la demande d'asile d'un demandeur même si cet examen ne lui incombe pas en application des critères fixés dans ce règlement.

14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 26 avril 2017 par lequel il a ordonné le transfert de M. B... vers l'Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1703402 du 27 juin 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. G... B.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Fraisse, président de la cour,

M. A... et M. E..., présidents de chambre,

M. Seillet et Mme F..., présidents-assesseurs,

Mme D... et M.C..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 17 avril 2018.

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N° 17LY02882

mpd


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Formation de chambres réunies
Numéro d'arrêt : 17LY02882
Date de la décision : 17/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. FRAISSE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-04-17;17ly02882 ?
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