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15/03/2018 | FRANCE | N°17LY03167

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 15 mars 2018, 17LY03167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon , d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 mars 2017 par laquelle le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les huit jours suivant la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de réexaminer sa s

ituation et, à titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la déci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon , d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 mars 2017 par laquelle le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les huit jours suivant la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de réexaminer sa situation et, à titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la décision fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une assignation à résidence dans le mois suivant la décision.

Par un jugement n° 1703105 du 7 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 20 mars 2017 par laquelle le préfet du Rhône a fait obligation à Mme A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et a enjoint au préfet de délivrer à Mme A...une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et de réexaminer sa situation administrative au regard de son droit au séjour en France dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée le 17 août 2017, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 juillet 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que :

- il était en situation de compétence liée quant au prononcé d'une mesure d'éloignement à la suite du rejet définitif de la demande d'asile de MmeA... ;

- l'atteinte à la vie privée et familiale n'est pas caractérisée dès lors que l'intéressée ne justifie pas de son insertion en France, de ses conditions d'existence, de ses attaches familiales sur le territoire national ; la production d'une promesse d'embauche de son compagnon, postérieure à la décision, ou encore la maîtrise du français par Mme A...ne sont pas des preuves suffisantes d'insertion ; l'entrée en France est récente ;

- aucune pièce du dossier ne permet de démontrer que Mme A...ne peut pas voyager ou revenir dans son pays d'origine ; le certificat médical a été établi postérieurement à la décision ; l'état de santé de Mme A...peut faire l'objet d'un traitement approprié en Algérie ;

II) Par une requête enregistrée le 17 août 2017, le préfet du Rhône demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1703105 du 7 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 20 mars 2017 du préfet du Rhône faisant obligation à Mme A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et a enjoint au préfet de délivrer à Mme A...une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et de réexaminer sa situation.

Il soutient que :

- en annulant les décisions en litige, le jugement est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables pour les services préfectoraux car l'exécution de l'obligation de quitter le territoire doit intervenir jusqu'au 20 mars 2018 et l'intéressée ne compte pas repartir en Algérie ;

- il a développé des moyens sérieux au soutien de sa requête d'appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Caraës.

1. Considérant que les requêtes susvisées présentées par le préfet du Rhône sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

2. Considérant que Mme C...A..., ressortissante algérienne née le 27 octobre 1982, est entrée en France le 12 janvier 2016 munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ; que, le 22 janvier 2016, elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée le 31 août 2016 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis, le 24 janvier 2017, par la Cour nationale du droit d'asile ; que, le 20 mars 2017, le préfet du Rhône, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office ; que le préfet du Rhône, par sa requête n° 17LY03167, relève appel du jugement du 7 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 20 mars 2017 ; que, par sa requête, enregistrée sous le n° 17LY03169, il demande que soit ordonné le sursis à l'exécution du jugement du 7 juillet 2017 ;

Sur la requête n° 17LY03167 à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon et de rejet des conclusions de MmeA... :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le premier juge :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. /2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant que Mme A...est entrée récemment en France et a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 34 ans ; qu'elle fait valoir qu'elle a quitté l'Algérie en raison des violences familiales subies en raison de sa relation amoureuse avec M. B... dont elle a eu un enfant, né à Givors le 13 avril 2016 ; que, toutefois, en produisant les relevés des entretiens qui ont eu lieu dans le cadre de l'examen de leur demande d'asile à l'Office national de protection des réfugiés et apatrides ainsi qu' un certificat médical en date du 22 octobre 2015 faisant état de la nécessité de procéder à un curetage alors qu'elle était enceinte, elle n'établit pas la réalité des menaces encourues en cas de retour dans son pays d'origine ; que si son état de santé nécessite des soins, le préfet indique, sans être contredit, qu'un traitement de ses troubles psychiques est disponible en Algérie et ce alors que Mme A...n'établit pas le lien entre les pathologies dont elle souffre et les violences qu'elle aurait subies dans son pays d'origine ; qu'enfin son compagnon, de nationalité algérienne, fait également l'objet d'une décision du 20 mars 2017 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler les décisions du préfet du Rhône, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance par le préfet des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A...devant le tribunal administratif de Lyon ;

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) " ; que par une décision du 31 août 2016 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 24 janvier 2017 par la Cour nationale du droit d'asile, Mme A...s'est vu définitivement refuser la reconnaissance de la qualité de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire ; qu'elle n'était pas titulaire d'un tire de séjour en cours de validité ; qu'elle entrait ainsi dans le cas prévu par le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut obliger un étranger à quitter le territoire français ;

7. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 24 janvier 2017, confirmant le refus de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de lui accorder l'asile, a été notifié à Mme A...le 8 février 2017 ; que, par l'intermédiaire de l'application informatique dédiée mise en place par l'administration, elle a, au courant du mois de février 2017, pris, un rendez-vous afin de présenter une demande de titre de séjour et s'est vu délivrer automatiquement, par cette application, une convocation dans les services de la préfecture du Rhône, le 24 avril 2017, " pour le dépôt d'une première demande de titre de séjour " ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle disposait lors de sa demande de rendez-vous d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle, susceptibles d'influer sur le sens de la décision, et qu'elle aurait été empêchée de soumettre antérieurement à l'administration ; qu'ainsi, en édictant le 20 mars 2017 une décision faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français, le préfet n'a pas méconnu son droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne ;

8. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 4, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de la requérante doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " et que ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant que Mme A...n'établit pas, par le récit qu'elle produit, au demeurant déjà écarté par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, et qu'elle n'assortit pas d'éléments nouveaux, la réalité des menaces actuelles et personnelles auxquelles elle serait exposée en cas de retour en Algérie ; que, par suite, les moyens tirés de la violation, par la décision désignant ce pays comme pays de renvoi, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés comme non fondés ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions en litige ;

Sur la requête n° 17LY03169 à fin de sursis à exécution :

12. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête du préfet du Rhône dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 7 juillet 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17LY03169 du préfet du Rhône à fin de sursis à exécution de ce jugement.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 15 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2018.

2

N° 17LY03167...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03167
Date de la décision : 15/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-03-15;17ly03167 ?
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