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25/01/2018 | FRANCE | N°16LY01489

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 25 janvier 2018, 16LY01489


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- d'une part, d'annuler les décisions du 12 juin 2015 par lesquelles le préfet de l'Allier lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1501913 du 29 d

écembre 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- d'une part, d'annuler les décisions du 12 juin 2015 par lesquelles le préfet de l'Allier lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1501913 du 29 décembre 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2016, présentée pour Mme B... épouse C..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1501913 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 29 décembre 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " avec autorisation de travailler ou, à tout le moins, de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; elle a été prise à la suite d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale et compte tenu de l'absence de traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays ; elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la présence de son mari, de son fils, de sa belle-fille et de son petit-fils en France ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ; cette décision méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 19 juillet 2016, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté et qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 11 janvier 2018, qui n'a pas été communiqué, Mme C... maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens.

Par une décision du 18 mars 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a été constatée la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme C....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

1. Considérant que Mme C..., ressortissante arménienne née le 27 décembre 1955 à Erevan, est entrée irrégulièrement en France le 17 avril 2012, afin d'y rejoindre son mari entré précédemment, le 14 décembre 2011, sur le territoire français où réside également, depuis 2005, leur fils unique, titulaire d'une carte de séjour temporaire ; que, le 10 février 2015, elle a sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé ; que, par des décisions du 12 juin 2015, le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office à l'expiration de ce délai ; que Mme C... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales ;

Sur la fin de non recevoir opposée à la requête par le préfet de l'Allier :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicables au contentieux des obligations de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée " ; qu'à l'instar de tout délai de procédure et en l'absence de disposition contraire, le délai prévu par lesdites dispositions a le caractère d'un délai franc ; qu'en application de l'article 642 du nouveau code de procédure civile, un délai qui expirerait un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle (...) est adressée au bureau d'aide juridictionnelle (...) avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... a formé, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement contesté, une demande d'aide juridictionnelle en vue de déposer un recours devant la cour ; que, par une décision du 18 mars 2016, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a constaté la caducité de cette demande d'aide juridictionnelle ; que le délai imparti à Mme C... pour déposer une requête en appel devant la cour, qui avait été interrompu en application de l'article 39 précité du décret du 19 décembre 1991 lors du dépôt de sa demande d'aide juridictionnelle pour recommencer à courir le 31 mars 2016, date de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle constatant la caducité de ladite demande, était d'un mois, en vertu de l'article R. 776-9 du code de justice administrative ; que le dimanche 1er mai 2016 étant un jour férié, le délai d'appel expirait en conséquence le lundi 2 mai 2016 ; qu'à la date d'enregistrement de la requête d'appel au greffe de la cour, le 2 mai 2016, ce délai n'était donc pas expiré ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le préfet de l'Allier, la requête de Mme C... n'est pas tardive ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;

6. Considérant que, si le préfet n'est pas lié par l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé, dont l'avis n'est que consultatif, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à considérer, nonobstant cet avis médical, que les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des pièces médicales produites par Mme C..., notamment un certificat du 15 décembre 2014 du service des urgences du centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy, que l'intéressée, présente en France depuis le mois d'avril 2012, a été traitée pour une cardiopathie ischémique, pour laquelle la mise en place d'un stent a été nécessaire, ainsi que pour un diabète insulino-dépendant, et qu'elle a été opérée d'un cancer gastrique ; que ce même certificat mentionne que, si l'état de santé de Mme C... est stable, il justifiait néanmoins d'autres explorations à visée cardiovasculaire ; que, par un avis du 28 avril 2015, le médecin de l'agence régionale de santé d'Auvergne a estimé que l'état de santé de Mme C...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressée ne pouvait avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'en se bornant à produire la " fiche pays " relative à l'Arménie établie par le Projet CRI, datée de janvier 2009, citant une réponse du ministère de la santé arménien selon laquelle " Il n'y a pas de maladies qui ne peuvent être traitées par les hôpitaux arméniens, mais les résultats obtenus ne sont pas toujours totalement positifs. Tout dépend du stade atteint par la maladie et des particularités de l'organisme du patient ", le préfet de l'Allier ne démontre pas que, contrairement à ce qu'a estimé le médecin de l'agence régionale de santé, des traitements adaptés aux pathologies dont souffre la requérante existaient à la date de la décision en litige en Arménie ; que par suite, cette décision, par laquelle le préfet de l'Allier a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme C..., a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le refus de titre de séjour en litige est illégal, de même que, par voie de conséquence, les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; que l'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;

10. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;

11. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'état de santé de Mme C... justifie actuellement que lui soit délivré le titre de séjour prévu par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet délivre à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa situation dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification de cet arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme C... à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 29 décembre 2015 et les décisions du préfet de l'Allier du 12 juin 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Allier de réexaminer la situation de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de la munir, dans un délai de quinze jours, d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Allier et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Moulins.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 janvier 2018.

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N° 16LY01489


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01489
Date de la décision : 25/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : FAURE CROMARIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-01-25;16ly01489 ?
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