Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2012 par lequel le préfet de la Drôme a notamment déclaré d'utilité publique des ouvrages de prélèvement et de dérivation des eaux et l'instauration de périmètres de protection ainsi qu'une servitude d'établissement de canalisations publique.
Par un jugement n° 1205003 du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 juin 2015, M. C... B...et Mme A... B..., représentés par la SELARL Duflot, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1205003 du tribunal administratif de Grenoble du 28 juin 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2012 par lequel le préfet de la Drôme a notamment déclaré d'utilité publique des ouvrages de prélèvement et de dérivation des eaux et l'instauration de périmètres de protection ainsi qu'une servitude d'établissement de canalisations publique ;
3°) de condamner l'État à leur verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- malgré leur qualité de titulaires de droits réels car bénéficiant d'une servitude de passage et d'une servitude de captage, ils n'ont pas été informés de la procédure établissant une servitude de canalisations souterraines ;
- la procédure a été conduite en méconnaissance de l'article R. 152-1 du code rural qui exige que la personne publique prenne auparavant attache avec les propriétaires concernés avant d'engager la procédure instituant la servitude ;
- la procédure est irrégulière au regard des dispositions de l'article R. 152-4 du code rural dès lors que la demande adressée au préfet ne comportait pas la liste des propriétaires concernés dont ils font partie ;
- l'article R. 152-10 du code rural a été méconnu au motif que l'arrêté contesté ne mentionne pas leur identité en leur qualité de propriétaires, ni ne les vise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2015, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête des époux B... n'est fondé puisqu'ils ne sont plus titulaires de la servitude de passage sur les parcelles 201, 203, 205 et 208 dès lors que celle-ci n'était que provisoire, le tracé de ce chemin ayant été modifié, et que la servitude de captage affectant la parcelle K 210 a disparu dès lors que la commune en a acquis la propriété en 1994.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Samuel Deliancourt, premier conseiller,
- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,
- et les observations de Me Cusin-Rollet, avocate (SCP Arrue-Berthiaud-Duflot-Putanier), pour M. et Mme B... ;
1. Considérant que le syndicat intercommunal des eaux de Barret et Montbrun-Reilhanette a déposé au cours de l'année 2011 auprès des services de la préfecture de la Drôme une demande tendant à l'ouverture d'une enquête publique en vue de l'institution de servitudes pour l'établissement de canalisations publiques d'eau ; qu'après enquête publique ouverte par arrêté préfectoral du 13 février 2012 et qui s'est déroulée du 26 mars au 16 avril 2012, le préfet de la Drôme a déclaré, par l'arrêté contesté n° 2012195-0018 du 13 juillet 2012, d'utilité publique les ouvrages de prélèvement et de dérivation des eaux et l'instauration de périmètres de protection ainsi qu'une servitude d'établissement de canalisations publique ; que M. et Mme B..., se prévalant de leur qualité de titulaires de droits réels sur certaines des parcelles concernées, relèvent appel du jugement du 28 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 152-1 du code rural alors en vigueur : " Il est institué au profit des collectivités publiques, des établissements publics ou des concessionnaires de services publics qui entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations. / L'établissement de cette servitude ouvre droit à indemnité. / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 152-1 du même code : " Les personnes publiques définies au premier alinéa de l'article L. 152-1 et leurs concessionnaires, à qui les propriétaires intéressés n'ont pas donné les facilités nécessaires à l'établissement, au fonctionnement ou à l'entretien des canalisations souterraines d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales, peuvent obtenir l'établissement de la servitude prévue audit article, dans les conditions déterminées aux articles R. 152-2 à R. 152-15 " ; que l'article R. 152-7 précise que " Notification individuelle du dépôt du dossier est faite par le demandeur aux propriétaires intéressés, dans les formes et suivant les conditions prévues aux articles R. 11-22 et R. 11-23 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ./ Cette notification comporte la mention du montant de l'indemnité proposée en réparation du préjudice causé par l'établissement de la servitude et par toutes les sujétions pouvant en découler. " ; que selon l'article R. 152-10 dudit code : " Le préfet statue par arrêté sur l'établissement des servitudes. Dans l'arrêté, les propriétés sont désignées et l'identité des propriétaires est précisée conformément aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. (...) " ; qu'aux termes, enfin, de l'article R. 152-14 de ce code : " La date du commencement des travaux sur les terrains grevés de servitudes est portée à la connaissance des propriétaires et exploitants huit jours au moins avant la date prévue pour le début des travaux. Un état des lieux doit, si cela est nécessaire, être dressé contradictoirement en vue de la constatation éventuelle des dommages pouvant résulter desdits travaux. / L'indemnisation des dommages résultant des travaux est fixée, à défaut d'accord amiable, par le tribunal administratif en premier ressort " ;
3. Considérant que l'article 637 du code civil dispose : " Une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire " ;
4. Considérant que si M. et Mme B... ne peuvent utilement soutenir être titulaires d'une servitude de passage sur les parcelles cadastrées K n° 91, K n° 206 et K n° 207 situées sur le territoire de la commune de Montbrun-les-Bains dès lors que cette servitude de passage d'une largeur de quatre mètres sur le chemin existant pour bêtes, gens et tous véhicules ne présentait qu'un caractère provisoire jusqu'à la modification du tracé de ce chemin rural, ce qui fut le cas en 1994, il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier de l'acte notarié du 2 juillet 1991, ainsi que de l'attestation du notaire du 31 mars 2016 produite en appel, qu'ils sont titulaires d'une servitude réelle et perpétuelle de captage d'eau qui s'exerce au droit de la parcelle cadastrée section K n° 210 d'une superficie de trois hectares et quarant-six ares et grevant la moitié du lit ou du cours d'eau ; que, contrairement à ce que fait valoir le ministre en défense, cette servitude n'a pas été éteinte lors de l'acquisition de la parcelle K n° 210 par la commune de Montbrun-les-Bains, ainsi que cela ressort de l'attestation rectificative de l'acte d'acquisition de l'immeuble K 210 établie le 18 février 1994 par le premier adjoint au maire de la commune ; que les requérants doivent, dès lors, être regardés comme des propriétaires intéressés au sens et pour l'application des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime ;
5. Considérant que s'il appartient à l'autorité administrative de procéder à la publicité de l'ouverture de l'enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions précitées, la méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative ;
6. Considérant qu'il est constant que, en dépit de leur qualité de propriétaires intéressés, M. et Mme B... n'ont pas été informés de l'ouverture de l'enquête publique visant à établir une servitude sur la parcelle section K n° 210 sur laquelle ils disposent d'un droit réel ; qu'ils sont par suite fondés à soutenir qu'une telle omission, qui a nécessairement nui à leur information et a pu faire obstacle à ce qu'ils fassent valoir leurs droits en ce qui concerne, notamment, les indemnités qui leur étaient éventuellement dues, a vicié la procédure au terme de laquelle l'arrêté attaqué à été pris ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement et l'arrêté contesté et de condamner l'État à verser aux requérants une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1205003 du 28 avril 2015 du tribunal administratif de Grenoble et l'arrêté du préfet de la Drôme du 13 juillet 2012 sont annulés.
Article 2 : L'État est condamné à verser à M. et Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et Mme A... B... et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2017à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de la chambre,
M. Hervé Drouet, président assesseur,
M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2017.
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N° 15LY02185