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16/11/2017 | FRANCE | N°16LY00934

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 16 novembre 2017, 16LY00934


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société JPM SAS a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 30 juin 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 29 novembre 2013 et, d'autre part, refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. E... C....

Par un jugement n° 1401411 du 19 janvier 2016, le Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demand

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Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 mars 2016, la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société JPM SAS a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 30 juin 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 29 novembre 2013 et, d'autre part, refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. E... C....

Par un jugement n° 1401411 du 19 janvier 2016, le Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 mars 2016, la société JPM SAS, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 janvier 2016.

2°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 30 juin 2014 en tant qu'il a refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. E...C....

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- que la preuve de la compétence de M. B...A..., chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridiques du ministère du travail antérieurement à la délégation consentie le 24 mars 2014 n'est pas rapportée ;

- que la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il n'appartient pas à l'administration de vérifier la réalité du motif économique d'un licenciement qui s'inscrit dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ;

- que la décision est entachée d'une erreur d'appréciation quant au secteur d'activité de référence pour examiner la réalité du motif économique dès lors que la société JPM SAS relève du secteur d'activité très restreint des fermetures anti-panique et des serrures en applique avec cylindres de haute sécurité, à destination en premier lieu d'installations non résidentielles.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2017, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir :

- que la légalité d'une décision s'apprécie à la date de son édiction et que M. B...A...disposait à cette date d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- qu'il appartient à l'administration de vérifier la réalité du motif économique ;

- que la société JPM SAS ne l'a pas mise à même de déterminer la situation économique du secteur d'activité des systèmes d'ouverture et de fermeture sécurisés au niveau du groupe Assa Abloy.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que M. E...C..., recruté le 1er septembre 2009 par la société JPM SAS où il exerce les fonctions de technicien support clients produits, est membre du CHSCT ; que, le 1er octobre 2013, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, la société JPM SAS a sollicité l'autorisation de le licencier pour motif économique ; que, par une décision du 29 novembre 2013, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de l'Allier a refusé de faire droit à cette demande ; que, saisi d'un recours hiérarchique par la société JPM SAS le 3 février 2014, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail et, d'autre part, également refusé d'autoriser le licenciement par une décision du 30 juin 2014 ; que la société JPM SAS relève appel du jugement du 19 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette dernière décision en tant qu'elle a refusé d'autoriser le licenciement de M. C...;

Sur les conclusions à fin d'annulation du refus d'autorisation de licenciement :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant que la légalité d'une décision s'apprécie à la date de son édiction et qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne fait obstacle à ce que l'instruction d'un recours hiérarchique soit menée par une personne différente de l'auteur de la décision finale ; que M. B... A..., chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridiques du ministère du travail, a reçu délégation de signature le 24 mars 2014, publiée au journal officiel du 28 mars 2014, lui donnant compétence pour signer la décision attaquée du 30 juin 2014 ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse mais est tenue de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause sans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles d'entre elles ayant leur siège social en France ni aux établissements de ce groupe situés en France ;

4. Considérant, en premier lieu, que lorsque la demande de licenciement pour motif économique s'inscrit dans un plan de sauvegarde de l'emploi, il n'appartient pas à l'autorité administrative appelée à se prononcer sur cette demande d'apprécier la validité dudit plan ; que cependant le contrôle de la validité du plan de sauvegarde de l'emploi, effectué par l'autorité administrative dans le cadre d'une procédure d'homologation, ne porte pas sur la réalité du motif économique du projet de licenciement collectif ; que notamment, la circonstance que le secteur d'activité retenu par l'employeur ne serait pas de nature à établir le bien-fondé du projet soumis au comité d'entreprise ne peut être utilement invoquée pour contester la légalité d'une décision d'homologation ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la société JPM SAS, le contrôle de la réalité du motif économique incombe toujours à l'administration saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, sous le contrôle du juge ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le ministre en opérant un tel contrôle doit être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'il incombe à l'employeur de produire les éléments permettant de déterminer l'étendue du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise ; que le secteur d'activité peut être déterminé en prenant en considération un faisceau d'indices relatifs à la nature des produits, à la clientèle à laquelle ils s'adressent et, le cas échéant, au mode de distribution mis en oeuvre ;

6. Considérant que la société JPM SAS soutient que le ministre a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en ne retenant pas comme secteur d'activité celui des fermetures anti-panique et des serrures en applique avec cylindres de haute sécurité, destinées aux installations non résidentielles, alors qu'il s'agit d'un secteur d'activité spécifique au sein du groupe international Assa Abloy, partagé uniquement avec la filiale française Assa Abloy Aube Anjou, elle-même en difficulté ; que, toutefois, la société JPM SAS n'apporte aucune information précise sur l'activité et la situation économique des filiales étrangères du groupe Assa Abloy, situées en Europe, en Amérique et en Asie et qui ont pour objet la production et la commercialisation des serrures, cylindres, portes de sécurité et équipements mécaniques, électromécaniques et électroniques, alors que le groupe Assa Abloy est un groupe mondial qui compte 46 000 employés, réalise 7,3 milliards d'euros de chiffre d'affaire annuel et comprend 100 marques dans le domaine de l'ouverture de portes ; qu'il résulte en outre de l'instruction que la société JPM SAS fabriquait également des fermetures électromécaniques et pratiquait le négoce ; qu'au demeurant, et à supposer même que la société JPM SAS soit spécialisée au sein du groupe Assa Abloy, une telle spécialisation ne suffit pas à exclure son rattachement à un secteur d'activité plus étendu ; que, dès lors, c'est à bon droit que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a estimé que la société requérante n'apportait pas les précisions nécessaires à la détermination de l'étendue du secteur d'activité dont elle relevait au sein du groupe Assa Abloy et ne justifiait pas en conséquence de la réalité des difficultés économiques ni des menaces sur la compétitivité invoquées pour fonder sa demande d'autorisation de licenciement ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société JPM SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société JPM SAS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société JPM SAS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société JPM SAS, au ministre du travail et à M. E... C....

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2017.

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N° 16LY00934


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00934
Date de la décision : 16/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Emilie BEYTOUT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SKANDER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-16;16ly00934 ?
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