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16/11/2017 | FRANCE | N°15LY03962

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 16 novembre 2017, 15LY03962


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à réparer les conséquences dommageables de l'infection nosocomiale dont elle estime avoir été victime dans les suites de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie dans cet établissement le 17 septembre 2003.

Par un jugement n° 1203096 du 13 octobre 2015, le tribunal a rejeté la requête de Mme B...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère tendant au remb

oursement des débours qu'elle avait exposés en faveur de son assurée.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à réparer les conséquences dommageables de l'infection nosocomiale dont elle estime avoir été victime dans les suites de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie dans cet établissement le 17 septembre 2003.

Par un jugement n° 1203096 du 13 octobre 2015, le tribunal a rejeté la requête de Mme B...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère tendant au remboursement des débours qu'elle avait exposés en faveur de son assurée.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée le 15 décembre 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 11 juin 2017, MmeB..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203096 du 13 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête de MmeB... ;

2°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser une allocation provisionnelle de 50 000 euros ;

4°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- une nouvelle expertise médicale doit être réalisée dès lors que des éléments nouveaux postérieurs à la réalisation de l'expertise médicale ordonnée en référé, révèlent qu'elle était porteuse en 2015 du même germe que celui découvert en 2005, puis en 2007, à savoir le proprioni bactérium acnes ;

- les pièces du dossier établissant qu'elle a été victime d'une infection nosocomiale dans les suites de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie en septembre 2003, c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle n'avait pas été victime d'une infection nosocomiale et rejeté sa demande indemnitaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2016, le centre hospitalier universitaire de Grenoble, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 1er octobre 2017, l'ONIAM conclut, à titre principal, à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée, à titre subsidiaire, à sa mise hors de cause.

Les parties ont été informées par lettre du 18/09/2017 et du 19/09/2017, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif de Grenoble en raison de l'absence de mise en cause des employeurs publics de Mme B...et de la caisse des dépôts et consignation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n°2007-173 du 7 février 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 19 octobre 2017 :

- le rapport de M. Carrier, président,-assesseur,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que MmeB..., née en 1959, qui souffrait d'une dysplasie de la hanche droite à la suite d'une poliomyélite contractée à l'âge de 18 mois, a fait l'objet, le 3 novembre 1994, de la mise en place d'une prothèse totale de la hanche ; qu'en raison d'une rupture de deux vis de la pièce cotyloïdienne de cette prothèse, elle a subi le 17 septembre 2003 une intervention chirurgicale au centre hospitalier universitaire de Grenoble consistant en un changement du cotyle avec greffe spongieuse ; que, le 25 avril 2005, la patiente a dû subir un nouveau changement de cotyle au centre hospitalier universitaire de Grenoble ; que l'un des trois prélèvements bactériologiques préopératoires effectués s'est révélé, après mise en culture prolongée, positif au proprioni bacterium acnes ; que Mme B...a été reconnue invalide de deuxième catégorie à compter d'avril 2005 ; que, le 20 avril 2007, un nouveau prélèvement réalisé a mis en évidence la présence du proprioni bacterium acnes ; que, le 1er juillet 2015, Mme B...a subi une nouvelle intervention chirurgicale consistant en une dépose totale de la prothèse de la hanche droite dans une clinique privée à Epinal ; que les prélèvements réalisés à cette occasion se sont révélés positifs au proprioni bactérium acnes ; qu'à la suite d'un traitement d'antibiothérapie, elle a fait l'objet le 14 octobre 2015 d'une repose de prothèse totale de la hanche droite ; que, par jugement du 13 octobre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête indemnitaire présentée par Mme B...contre le centre hospitalier universitaire de Grenoble de même que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère tendant au remboursement des débours qu'elle avait exposés en faveur de son assurée ; que Mme B...demande l'annulation de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers " doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci " ; que cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit ; que, devant le tribunal administratif de Grenoble, Mme B...a fait connaître sa qualité d'agent public non titulaire du centre d'action sociale de la ville de Grenoble puis de la commune de Saint-Martin d'Hères ; qu'en ne communiquant pas sa requête aux employeurs publics qui l'employaient et à la Caisse des dépôts et consignations, en sa qualité de gérante de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, le tribunal administratif de Grenoble a entaché son jugement d'irrégularité ; que la violation de la règle susmentionnée constitue une irrégularité que la cour, saisie de conclusions d'appel tendant à l'annulation du jugement qui lui est déféré, doit soulever d'office ; qu'il y a lieu dès lors, d'annuler le jugement rendu le 13 octobre 2015 par le tribunal administratif de Grenoble ;

3. Considérant que la procédure ayant été communiquée aux employeurs de Mme B... susmentionnés, l'affaire étant en état d'être jugée, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par cette dernière devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur les conclusions aux fins d'expertise :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties. " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces produites par la requérante, notamment des résultats des prélèvements réalisés en juillet 2015 lors de la dépose de sa prothèse totale de la hanche droite, qu'elle était porteuse à cette date du proprioni bacterium acnes, germe qui avait déjà été identifié lors de précédents prélèvements effectués 2005 et 2007 ; qu'en outre, un certificat médical du médecin ayant procédé à l'intervention chirurgicale susmentionnée précise qu'elle a été victime d'une infection nosocomiale ; que ces éléments nouveaux, postérieurs au dépôt du rapport de l'expertise de première instance, sont en discordance avec les conclusions dudit rapport ; que si le centre hospitalier fait valoir que Mme B...a fait l'objet en octobre 2010 d'une intervention chirurgicale consistant en la pose d'une prothèse totale de la hanche gauche, cette seule circonstance, en l'absence d'éléments médicaux plus précis, n'est pas de nature à donner de manière certaine une justification à la discordance susévoquée ; qu'en outre, le rapport d'expertise ne comporte aucun élément concernant le préjudice ; qu'ainsi, l'état du dossier ne permet pas à la cour de statuer en toute connaissance de cause sur les conclusions indemnitaires susvisées ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner une expertise aux fins précisées ci-après ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1203096 du 13 octobre 2015 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur la requête de MmeB..., procédé par un expert, désigné par le président de la cour administrative d'appel, à une expertise avec mission pour l'expert de :

1) se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de Mme B...et, notamment, tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins, et aux diagnostics pratiqués sur elle lors notamment de sa prise en charge par le centre hospitalier universitaire de Grenoble à partir de 2003 ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de Mme B...;

2) reconstituer l'histoire médicale de Mme B...en détaillant l'ensemble des pathologies présentées, les dates et heures, les lieux et les modalités de sa prise en charge médicale notamment par le centre hospitalier universitaire de Grenoble ;

3) préciser au tribunal si les pièces du dossier médical de Mme B...(en particulier les résultats des différents prélèvements effectués sur MmeB...) permettent d'établir qu'elle a été victime d'une infection à proprioni bacterium acnes dans les suites de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie en 2003 ; indiquer, en particulier, si les germes retrouvés dans les prélèvements effectués sur Mme B...en 2005, 2007 et 2015 relèvent de la même souche ; indiquer à la cour si, eu égard à la nature du germe retrouvé, une infection peut se développer à bas bruit pendant plusieurs années sans pouvoir être diagnostiquée ; indiquer à la cour les motifs susceptibles d'expliquer, en dehors de l'existence d'une infection, la présence du même germe, le proprioni bacterium acnes, dans des prélèvements réalisés à plusieurs années d'intervalle ;

4) dans l'hypothèse où Mme B...a été victime d'une infection nosocomiale, préciser la nature des préjudices de toute nature en lien avec cette infection ; dans l'hypothèse où plusieurs causes sont à l'origine des séquelles, faire le partage entre chacune de ces causes et indiquer leur part dans la survenue des préjudices ;

5) fournir à la cour tous éléments utiles à la solution du litige.

Article 3 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement entre MmeB..., la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, la Caisse des dépôts et consignations gérant la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le centre communal d'action sociale de la ville de Grenoble, la commune de Saint-Martin d'Hères, l'ONIAM et le centre hospitalier universitaire de Grenoble.

Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la cour dans sa décision le désignant.

Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au centre hospitalier universitaire de Grenoble, à la Caisse des dépôts et consignations gérant la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, au centre communal d'action sociale de la ville de Grenoble, à la commune de Saint-Martin d'Hères, à l'ONIAM et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2017.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03962
Date de la décision : 16/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Moyens d'ordre public à soulever d'office - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Claude CARRIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BJMR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-16;15ly03962 ?
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