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16/11/2017 | FRANCE | N°15LY03015

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 16 novembre 2017, 15LY03015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 22 juillet 2014 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la SARL Graph 2000 Cosne-sur-Loire à le licencier pour motif économique.

Par un jugement n° 1403083 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à la demande de M. B...et a annulé la décision du 22 juillet 2014.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 août 2015, et un mémoire complémentaire enregis

tré le 11 octobre 2017, la SARL Graph 2000 Cosne-sur-Loire, et Me Piollet, commissaire à l'exéc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 22 juillet 2014 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la SARL Graph 2000 Cosne-sur-Loire à le licencier pour motif économique.

Par un jugement n° 1403083 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à la demande de M. B...et a annulé la décision du 22 juillet 2014.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 août 2015, et un mémoire complémentaire enregistré le 11 octobre 2017, la SARL Graph 2000 Cosne-sur-Loire, et Me Piollet, commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société, représentés par la Selarl Thill, Langeard et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 juin 2015 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Dijon ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'article 19 de l'accord collectif du 24 mars 1970, modifié par avenant du 19 décembre 1990, impose à l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement de préférence dans une entreprise rattachée aux industries graphiques et située dans la même localité ou dans une localité voisine et qu'à défaut de solution sur le plan local, il sera recherché, dans les mêmes conditions sur le plan de la région et, dans cette éventualité, le problème sera soumis à la commission régionale de l'emploi s'il en existe une dans la région intéressée ; l'article précité prévoit encore que si l'ampleur du problème dépasse le cadre régional, le problème sera soumis à l'examen de la commission nationale de l'emploi et les instances nationales apporteront leur concours ; en application de ces dispositions, les obligations de l'employeur sont en réalité limitées à rechercher auprès des entreprises exerçant dans le même secteur d'activité et situées dans la même localité ou dans la région des possibilités de reclassement ;

- des recherches de reclassement ont été menées directement auprès d'entreprises de la région et des départements limitrophes ; sur les 99 entreprises sollicitées, 3 ont répondu positivement ; M. B... a été informé de ces propositions ; il a été proposé à M. B... plusieurs postes de conducteur parmi lesquels un poste au sein de la société Imprimerie normalisée et un poste au sein de la société Laballery ;

- la commission paritaire nationale de l'emploi a été saisie ; la commission régionale de Bourgogne n'existe pas ;

- dans ces conditions, les recherches de reclassement interne et les recherches conventionnelles de reclassement externe n'encourent pas de critique ; l'inspecteur du travail a visé, dans sa décision, l'ensemble des recherches de reclassement réalisées.

- la société Serigraphe Benoit exerce non pas une activité d'imprimerie mais une activité de sérigraphie qui ne relève pas du même secteur d'activité que les sociétés Graph 2000, Graph 2000 Cosne-sur-Loire et Graph 2000 Bernay ;

- dans l'hypothèse d'une procédure collective, l'administration ne contrôle pas le motif économique du licenciement ;

- la procédure d'information et de consultation des délégués du personnel sur le projet de restructuration est régulière ;

- le déroulement de l'entretien préalable n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- l'administrateur judiciaire peut donner mandat à un avocat aux fins de le représenter à l'enquête contradictoire ; les éléments transmis à l'administration du travail postérieurement à la demande d'autorisation de licenciement ne visaient pas à couvrir un vice affectant au fond la demande d'autorisation initiale et ne sauraient constituer une atteinte aux droits de la défense du salarié visé par la demande d'autorisation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2017, M. B..., représenté par le cabinet d'avocats Brand et Fautrat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Graph 2000 Cosne-sur-Loire et de Me Piollet, administrateur judiciaire, et en tant que de besoin de l'Etat, la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- un salarié protégé licencié pour motif économique sur la base d'une ordonnance du juge commissaire est en droit de se prévaloir de l'inopposabilité de cette ordonnance à son égard ; cependant, cette question relève de la compétence des juges judiciaires ;

- la décision est insuffisamment motivée dès lors que l'administration n'a pas visé expressément le respect par l'employeur de son obligation conventionnelle de recherche de reclassement externe et que la décision ne fait pas mention de la saisine de la commission régionale de l'emploi ou, à défaut, de la commission nationale de l'emploi ;

- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation prévue par l'article 19 de l'accord du 24 mars 1970 dès lors que les recherches de reclassement externe devaient être réalisées à l'échelle de la région Bourgogne ; l'employeur n'établit pas avoir interrogé 99 entreprises sur le plan local et régional ; sa recherche s'est limitée à l'envoi de 12 courriers à des entreprises locales et aucune recherche n'a eu lieu dans le département de la Nièvre et de l'Yonne ;

- l'employeur n'établit pas que la commission paritaire régionale de l'emploi n'existerait pas et n'a pas cherché à saisir cette commission ;

- la seule référence au jugement de redressement ou de liquidation judiciaire ou à l'ordonnance du juge commissaire autorisant les licenciements est insuffisante pour établir la réalité de la cause économique ; la décision ne fait pas mention de la cause économique au regard du secteur d'activité du groupe c'est-à-dire au regard des résultats du groupe ;

- il s'est vu proposer deux postes de conducteur de machine à imprimer à Argentan alors qu'il vit en famille dans la région Bourgogne ; le groupe dispose de 4 sociétés et l'employeur devait justifier de la recherche de reclassement au sein de ce groupe ; la société doit établir qu'il n'existait pas de poste disponible dans le groupe ;

- la procédure suivie est irrégulière dès lors que l'employeur s'est fait assisté par un tiers à l'entreprise sans autorisation des délégués du personnel lors de la réunion des délégués ; lors de la réunion du 10 avril 2014, trois représentants de l'employeur présidaient la réunion alors que le délégué du personnel titulaire était seul ;

- l'entretien préalable au licenciement était formel et n'a durée que quelques minutes ;

- la procédure est viciée dès lors que, lors de l'enquête contradictoire, Me Piollet s'est fait représenter par un avocat et que l'employeur a communiqué à l'administration du travail des informations dont il n'a pas eu connaissance ;

Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2017, et non communiqué, M. B... conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- l'accord de branche étendu du 24 mars 1970 relatif aux problèmes généraux de l'emploi ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, premier conseiller ;

- et les conclusions de Marie Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que M. B... a été recruté en1999 comme conducteur de machine à imprimer complexe par la société Graph 2000 Cosne-sur-Loire ; que, depuis le 21 février 2012, il était délégué du personnel titulaire au sein de la société ; que, par jugement du 1er octobre 2013, le tribunal de commerce d'Alençon a placé la société Graph 2000 Cosne-sur-Loire en redressement judiciaire et a désigné Me Piollet en qualité d'administrateur judiciaire ; que, par ordonnance du 25 avril 2014, le juge-commissaire près le tribunal de commerce a autorisé le licenciement de 16 des 19 salariés de la société ; que, le 6 juin 2014, Me Piollet a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de M. B...; que, par une décision du 22 juillet 2014, l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de M. B... ; que la société Graph 2000 Cosne-sur-Loire et Me Piollet, commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société, font appel du jugement en date du 25 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 22 juillet 2014 de l'inspecteur du travail ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés protégés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'une de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement en tenant compte, notamment de la nécessité des réducations envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou, le cas échéant, au sein du groupe auquel appartient cette dernière, et cela y compris lorsque l'entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ; qu'il incombe, en outre, à l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé d'apprécier si les règles de procédure de licenciement économique d'origine conventionnelle préalables à sa saisine ont été observées ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 19 de l'accord de branche étendu du 24 mars 1970 relatif aux problèmes généraux de l'emploi, applicable à la société Graph 2000 Cosne-sur-Loire : " Lorsque le reclassement dans l'entreprise n'aura pas été possible dans les conditions prévues aux articles 13 et suivants ci-dessus, l'entreprise devra chercher les possibilités de reclassement susceptibles de convenir aux salariés dont le licenciement aura dû être décidé, de préférence dans une entreprise rattachée aux industries graphiques et située dans la même localité ou dans une localité voisine. / A défaut de solution sur le plan local, le reclassement sera recherché dans les mêmes conditions sur le plan de la région. Le problème sera soumis à la commission régionale de l'emploi s'il en existe une dans la région intéressée. Les instances régionales ou départementales des organisations professionnelles signataires apporteront à cette recherche leur concours actif./. Leurs instances nationales feront de même s'il apparaît que l'ampleur du problème dépasse le cadre régional. Dans ce cas, le problème sera soumis à l'examen de la commission nationale de l'emploi " ;

4. Considérant que si la décision de l'inspecteur du travail retient que le motif économique est établi compte tenu de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Alençon du 1er octobre 2013, de l'ordonnance du juge commissaire du 24 avril 2014 autorisant le licenciement de 16 salariés, de la conformité de la procédure de licenciement entreprise par le mandataire judiciaire à l'égard de M. B..., et de "l'ensemble des recherches de reclassement réalisées", elle ne vise pas l'accord de branche étendu du 24 mars 1970 ni ne comporte de mention relative aux obligations de reclassement externe fixées par l'article 19 de cet accord ; que, par suite, et alors même que l'employeur avait joint à sa demande d'autorisation de licenciement en date du 6 juin 2014 copie des recherches de reclassement externe effectuées et des correspondances de la commission paritaire nationale de l'emploi saisie en l'absence de commission régionale, il ne ressort pas des termes mêmes de la décision du 22 juillet 2014 et il ne peut être tenu pour établi que l'auteur de la décision litigieuse a effectivement contrôlé le respect de l'ensemble des éléments de la procédure conventionnelle définie à l'article 19 de l'accord susmentionné qui devait être mise en oeuvre par la société Graph 2000 Cosne-sur-Loire dans le cadre de ses obligations de reclassement ; que si la société requérante fait valoir que ces différents points auraient été vérifiés par l'inspectrice du travail lors de l'enquête contradictoire qui s'est déroulée le 26 juin 2014, aucune des pièces versées au débat n'en atteste ; que, par suite et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la décision est entachée d'une erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 24 avril 2014 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent la société Graph 2000 Cosne-sur-Loire et Me Piollet au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de la société Graph 2000 Cosne-sur-Loire et de Me Piollet une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés dans la présente instance par M. B... et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Graph 2000 Cosne-sur-Loire et de Me Piollet est rejetée.

Article 2 : La société Graph 2000 Cosne-sur-Loire et Me Piollet verseront solidairement la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Graph 2000 Cosne-sur-Loire, à Me Piollet, à M. B... et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 16 novembre 2017.

2

N° 15LY03015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03015
Date de la décision : 16/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL THILL-LANGEARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-16;15ly03015 ?
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