Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme E...A...C...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1302406 du 12 avril 2016, le tribunal administratif de Lyon a réduit les bases imposables de M. et Mme A...C...au titre de l'année 2008 à concurrence de 208 487 euros et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la cour
Par un recours enregistré le 8 juillet 2016, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :
1°) de rétablir les bases d'imposition litigieuses à concurrence de 198 446 euros ;
2°) de réformer en conséquence ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 avril 2016.
Il soutient que :
- M. A...C...est seul maître de l'affaire et ne peut qu'être regardé comme ayant disposé des sommes prélevées dans les comptes de la SARL Format Conseil ;
- il se réfère à ses écritures de première instance au sujet des autres moyens soulevés par M. et Mme A...C...devant le tribunal administratif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2016, M. et Mme A...C..., représentés par MeB..., concluent, à titre principal, au rejet du recours, subsidiairement, à la décharge des pénalités et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le moyen soulevé par le ministre n'est pas fondé ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- les pénalités pour manquement délibéré afférant à la rectification en litige devant la Cour ne sont pas justifiées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,
- les conclusions Mme Bourion, rapporteur public ;
1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL Format Conseil, portant sur la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2010, son dirigeant, M. A...C..., et l'épouse de ce dernier, ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu notifiées selon la procédure contradictoire, résultant de l'imposition entre leurs mains, sur le fondement du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts et du c) de l'article 111 du même code, de revenus réputés distribués ; que ces impositions ont été assorties de pénalités pour manquement délibéré ; que, par un jugement du 12 avril 2013, le tribunal administratif de Lyon a considéré qu'à concurrence de 166 789,49 euros, l'appréhension des sommes litigieuses par M. A...C...n'était pas établie ; qu'estimant que ces bases devaient être rehaussées du coefficient de 1,25 mentionné par le 7 de l'article 158 du code général des impôts, ce tribunal, par les articles 1er et 2 du jugement, a réduit les bases d'imposition de M. et Mme A...C...à concurrence de 208 487 euros et prononcé la décharge des impositions correspondantes ; que le ministre de l'économie et des finances, qui estime que les bases doivent être rétablies à concurrence de 198 446 euros, relève appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) Les rémunérations et avantages occultes (...) " ; qu'en cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé ; que, toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle ;
3. Considérant que l'administration a constaté qu'au titre de l'exercice clos en 2008, un compte courant d'associé, ouvert dans les comptes de la SARL Format Conseil au nom de la société Act info services, présentait à son crédit diverses factures de loyers dus par la SARL Format Conseil et trois factures correspondant à l'achat par cette dernière d'un logiciel de dématérialisation, tandis qu'il présentait à son débit des retraits d'espèces et des chèques tirés sur les comptes de la SARL Format Conseil ; qu'après avoir constaté que la société Act info services, qui n'était plus associée de la SARL Format Conseil depuis 2007, avait été également gérée par M. A... C... jusqu'au 13 décembre 2007, puis par son épouse jusqu'à son placement en liquidation judiciaire le 12 janvier 2009, l'administration a estimé que la mention de ces factures dans la comptabilité de la SARL Format Conseil avait pour seul objet de diminuer le solde débiteur du compte courant litigieux et que les sommes inscrites à son débit avaient été appréhendées par M. A... C... ;
4. Considérant que, si M. et Mme A...C...produisent quatre factures de loyers des mois de janvier à avril 2008 ainsi que les trois factures d'acquisition de logiciel, lesdites factures n'ont pas été produites durant le contrôle, tandis que le liquidateur de la société Act info services, sollicité dans le cadre du droit de communication, a déclaré qu'il n'était pas en possession de ces factures et que cette société n'avait enregistré en comptabilité aucune facture de loyer ni aucune facture de cession de logiciel ; que le caractère fictif des factures de loyers est corroboré par le fait que les loyers mensuels s'élèvent à 3 300 euros par mois alors que l'immeuble litigieux est sous-loué par la société Act info services, gérée à cette époque par Mme A...C..., ainsi qu'il vient d'être dit, qui le prenait quant à elle à bail pour un montant de seulement 1 035 euros hors taxes augmenté de 559 euros de charges ; que ces factures, dans leur ensemble, sont demeurées impayées en dépit des retraits d'espèces et des chèques inscrits au débit du compte courant ; que, dans ces conditions l'administration rapporte la preuve que les inscriptions comptables mentionnant ces factures ne correspondent pas à la réalité ; que l'administration a pu légitimement en déduire que les retraits d'espèces et les chèques inscrits au débit de ce compte courant d'associé ont été désinvestis de la société ;
5. Considérant que M. A...C..., gérant de droit de la SARL Format Conseil jusqu'au 24 mars 2010, puis gérant de fait, disposait auprès de la banque de cette dernière de la qualification de mandataire, au cours de l'ensemble de la période vérifiée ; qu'il disposait du pouvoir d'effectuer des dépôts, des retraits et des virements, même après la nomination de son successeur comme gérant de droit, lequel n'a disposé d'un pouvoir de signature qu'à partir du 6 août 2010 ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'administration établit que M. A...C...disposait seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la SARL Format Conseil et était en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, de sorte qu'il doit être regardé comme le seul maître de l'affaire et, par suite, être présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par cette société ; que, toutefois, l'administration admet que quatre chèques d'un montant total de 8 031,95 euros ont été encaissés par Me D...et n'ont pas été appréhendés par M. A...C... ;
6. Considérant que, dès lors, c'est à tort que, pour prononcer la réduction des impositions en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que M. A...C...n'avait pas appréhendé les sommes dont il s'agit ;
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens invoqués par M. et Mme A...C...;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. " ;
9. Considérant que la proposition de rectification du 14 décembre 2011 comporte l'indication des impôts concernés, des années et périodes d'imposition, de la base d'imposition retenue et des motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées ; qu'elle explique avec suffisamment de précisions les raisons pour lesquelles l'analyse des écritures comptables a permis à l'administration de déduire une distribution entre les mains de M. A...C...; que, dans ces conditions, cette proposition de rectification est suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales ;
Sur la majoration pour manquement délibéré :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
11. Considérant que l'administration fait valoir que M. A...C...était gérant de la SARL Format Conseil, tandis que son épouse était gérante de la société Act info services, de sorte qu'il ne pouvait ignorer que les écritures passées dans la comptabilité de la société Format conseil n'avaient pas de réciproque dans celle de la société Act info services ; qu'elle fait aussi valoir que les écritures passées au crédit du compte courant d'associé mentionné plus haut n'étaient pas justifiées et que les factures correspondantes n'ont pas été réglées par la suite ; que, ce faisant, le service des impôts établit le manquement délibéré entraînant l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a accordé à M. et Mme A...C...une réduction des impositions en litige correspondant à une réduction en base de 198 446 euros et, par suite, à demander que ces impositions et pénalités soient rétablies à concurrence d'une base de ce montant ; que, d'autre part, M. et Mme A... C...ne sont pas fondés à demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré en litige ;
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. et Mme A...C...une somme au titre des frais exposés à l'occasion du litige ;
DÉCIDE :
Article 1er : La base des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dues par M. et Mme A...C...au titre de l'année 2008 est fixée à 198 446 euros.
Article 2 : Les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dues par M. et Mme A... C... au titre de l'année 2008 et les pénalités correspondantes sont remises à leur charge à concurrence de la base d'imposition mentionnée à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 avril 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions de M. et Mme A...C...sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme E... A...C....
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2017.
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N° 16LY02334