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12/10/2017 | FRANCE | N°16LY01165

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2017, 16LY01165


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé le 25 avril 2014 au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 25 février 2014 autorisant son licenciement économique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n° 1401474 du 7 janvier 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande et a rej

eté les conclusions de la société Energia au titre de l'article L. 761-1 du code de justi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé le 25 avril 2014 au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 25 février 2014 autorisant son licenciement économique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n° 1401474 du 7 janvier 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande et a rejeté les conclusions de la société Energia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 mars 2016, M.A..., représenté par Dellien Associés demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 janvier 2016 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif de Dijon n'a pas répondu au moyen relatif à une irrégularité de la procédure de consultation du comité d'entreprise devant donner un avis sur le projet de licenciement le concernant; les premiers juges n'ont pas répondu non plus au moyen tiré de l'absence de caractère sérieux de la seule offre de reclassement proposée ;

- le licenciement envisagé n'est pas légal dès lors qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse du fait de l'absence de motif économique justifiant son licenciement à raison de la mauvaise définition du secteur d'activité ; la société Energia était tenue de prouver l'existence d'un motif économique pendant le plan de continuation ; la présentation de motifs économiques des licenciements autorisés par le juge commissaire n'était valable que pour les licenciements prononcés pendant la période d'observation ; pendant le plan de continuation, la société Energia doit prouver l'existence d'un motif économique ; le ministre a commis une erreur de droit et d'appréciation quant à l'analyse des difficultés économiques et au secteur d'activité retenu par la société ; lorsque l'entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques s'apprécient au niveau de ce groupe dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise ; l'appartenance à un secteur d'activité résulte d'un faisceau d'indices et nécessite une analyse au cas par cas ; en l'espèce le secteur d'activité retenu par la société pour caractériser les difficultés économiques était mal défini ; dans la présentation au comité d'entreprise du 7 février 2012, l'activité d'Energia n'est rattachée à aucun secteur particulier ; il appartenait à Energia de définir au préalable le secteur d'activité du groupe GDF-Suez auquel se rattache la société Energia ; selon la comptabilité la plus fine du groupe GDF-Suez c'est à la branche Energie que doit être rattachée la société Energia ;; les sociétés du secteur énergie sont organisées autour d'une même clientèle, l'énergie renouvelable devant servir à l'ensemble de sa clientèle ; les pertes générées aujourd'hui par la société Energia ne doivent pas être regardées comme des difficultés économiques mais comme une phase économique d'investissement dans le secteur des énergies renouvelables ; le secteur d'activité pour évaluer les difficultés économiques est le secteur énergie du groupe GDF Suez ; c'est à tort que le ministre du travail puis le tribunal administratif ont retenu que le secteur d'activité du groupe au niveau duquel les difficultés économiques devaient être appréciées est le secteur d'activité éco-confort ou le pôle Eco confort ; il n'existe pas à proprement parler de secteur Eco confort car l'Eco confort ne correspond qu'à une division de la branche Energie ; en l'absence de présentation de ce secteur d'activité, il est impossible de contrôler si l'ensemble des entreprises se rapportant à ce secteur ont été prises en compte dans l'analyse des difficultés économiques ; aucune mention de la société Cofely n'a été faite alors que cette société participe aussi à la réduction des dépenses énergétiques et à la maitrise de l'impact environnemental ; le tribunal n'a pas contrôlé la situation de l'ensemble des sociétés pouvant se rapporter au secteur d'activité et a commis une erreur dans l'analyse du motif économique en ne retenant pas le véritable secteur d'activité du groupe ; le périmètre d'appréciation de l'énergie ne souffre d'aucune difficulté économique ; dans l'hypothèse où le pôle Eco confort serait le secteur d'activité adéquat, le tribunal administratif ne pouvait pas se prononcer sans connaître notamment les résultats de la société Cofely services, société artificiellement écartée par la société Energia ; les informations remises au comité d'entreprise, au ministre et au tribunal administratif ont été différentes; la procédure est irrégulière car l'absence de consultation valable du comité d'entreprise sur un projet de licenciement d'un salarié protégé constitue un vice substantiel qui aurait dû conduire le ministre du travail à refuser cette autorisation de licenciement ;

- la société Energia n'a pas respecté ses obligations en matière de recherches de reclassement ; le tribunal administratif ne pouvait pas prendre en compte les offres de reclassement faites lors de la première procédure de licenciement dès lors qu'elles n'ont pas été renouvelées lors des autres procédures de licenciement et qu'en outre elles n'étaient ni précises ni sérieuses ; l'offre du 14 novembre 2012, après le refus de l'inspecteur, de " chargé de support utilisateur pour le système d'information " dans la société Savelys n'était pas sérieuse car dangereuse pour la santé ou les conditions de travail du salarié ; la société Energia ne lui a fait aucune proposition de reclassement entre le mois de novembre 2012 et le mois de février 2014, date de décision du ministre ; le tribunal administratif aurait dû constater l'absence de proposition depuis près d'un an et demi ; le tribunal administratif a fait reposer la charge de la preuve sur le salarié et a commis ainsi une erreur de droit ; les recherches ne peuvent pas être regardées comme sérieuses car elles n'ont pas été menées jusqu'à la date de licenciement du salarié ; les recherches ont été arrêtées après avril 2013, aucun élément n'étant fourni après cette date par la société Energia ; le simple envoi de courriels à des sociétés du groupe est insuffisant pour satisfaire à l'obligation de recherche de reclassement ; le contenu des courriels démontre le manque de sérieux car aucune recherche n'a été menée sur des postes équivalents ou inférieurs; la société Energia n'a pas recensé les postes disponibles mais a laissé les sociétés contactées effectuer le " tri " et avoir un comportement filtrant si ce n'est discriminatoire en mentionnant le fait qu'il est salarié protégé et que la démarche s'inscrit dans une procédure de licenciement collectif ; aucune proposition de reclassement à l'étranger ne lui a été faite bien qu'il ait accepté de recevoir des propositions à l'étranger, de changer de métier, de diminuer sa rémunération de 10%, d'accepter un poste inférieur, de suivre une formation ;; un poste correspondant à ses critères de reclassement pouvait exister à la date de son licenciement ; en se bornant à retenir l'envoi de plusieurs dizaines de courriels en France et à l'étranger, le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation ;

Par mémoire enregistré le 15 juin 2016 la société Energia représentée par Flichy Grangé Avocats conclut au rejet de la requête de M. A...et à ce qu'il soit mis à la charge de ce dernier la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle a continué entre 2014 et 2015 à afficher des pertes importantes, les sociétés Clipsol et Panosol ont en 2015 dû réduire leurs effectifs et mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi ; elle a envisagé en 2016 un projet de cessation de ses activités avec fermeture et suppression de l'ensemble des postes de l'entreprise ;

- le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le licenciement de M. A...repose sur une cause réelle et sérieuse de licenciement ; le secteur d'activité retenu est parfaitement défini et correspond au pôle Eco confort de la business unit " services à l'habitat ", laquelle est une division de la branche Energie France de GDF-Suez ; le pôle Eco-confort comprend les sociétés Energia, Clipsol, Panosol, Coraver, Geoclim, ABM et Agenda qui proposent aux particuliers l'installation d'équipements qui fonctionnent grâce aux énergies renouvelables ; la BU " services à l'habitat " comprend aussi le financement (société Solfea) et la maintenance (Savelys qui assure l'entretien des appareils de chauffage) ; elle n'avait pas à retenir la branche Energie France comme niveau d'appréciation des difficultés économiques ; le périmètre d'appréciation du motif économique qu'elle a retenu n'a pas été contesté par l'inspecteur du travail et le ministre ; la production, la gestion de l'énergie est différente de la proposition de solutions d'efficacité énergétiques intégrant les énergies renouvelables et la rénovation thermique du bâti comme le fait le secteur Eco confort ; la clientèle de l'Eco confort n'est pas la même car le secteur Eco confort a pour unique clientèle des particuliers ; la société Cofely services n'appartient pas au Pôle Eco confort mais au Pôle Services et s'adresse à des clients professionnels (industriels et secteur tertiaire) ; le périmètre Eco confort n'a pas été créé de toute pièce dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement collectif pour motif économique mais a été fixé au niveau du groupe GDF-Suez ; le secteur d'activité Eco confort connaît des difficultés économiques avérées ; toutes les entités du secteur Eco confort ont leurs résultats diminuer et ont procédé à des licenciements ; la procédure était régulière car l'employeur doit actualiser à chaque saisine de l'autorité administrative les informations relatives au motif économique ; par suite, il est logique que le comité d'entreprise n'ait pas les mêmes informations que celles transmises à l'inspecteur du travail puis au ministre,; l'appréciation du motif économique n'est pas une question de procédure, le comité d'entreprise a eu des informations sur le secteur d'activité de l'Eco confort car elle a donné à l'expert comptable dudit comité en novembre 2011 des informations sur la situation des autres sociétés travaillant dans l'Eco confort (pose et installations auprès de particuliers) ; l'expert comptable a eu accès à des informations sur le secteur d'activité du groupe et sur le secteur d'activité de l'Eco confort et l'a évoqué dans son rapport ;

- elle a respecté son obligation de reclassement ; le tribunal administratif pouvait tenir compte des propositions de reclassement adressées lors de la première procédure de licenciement ; le tribunal administratif a vérifié qu'elle a mené de nouvelles recherches dans le cadre de la seconde procédure de licenciement en mentionnant la proposition de reclassement dans l'entreprise Savelys ; cette proposition du 14 novembre 2012 était précise et sérieuse ; c'est à tort qu'il soutient que cette offre n'était pas sérieuse pour des raisons de santé car la société Savelys ne propose pas de poste susceptible de mettre en danger ses salariés ; le terme stress soulignait uniquement la nécessité pour le salarié de faire preuve de réactivité pour satisfaire les demandes et rassurer les interlocuteurs ; elle a continué ses recherches de reclassement après le mois d'avril 2013 et a effectué des recherches entre le 15 février 2012 et ce jusqu'au licenciement en 2014 ; les recherches n'ont malheureusement pas pu aboutir pour M.A... ; la circonstance qu'il n'a pas reçu de proposition après son refus de la proposition Savelys ne signifie pas qu'elle a cessé ses recherches ; il appartenait à M. A...de produire des pièces pour démontrer le contraire, ce qu'il n'a pas fait ; le tribunal administratif de Dijon n'a pas inversé la charge de la preuve ; elle pouvait adresser des courriels aux sociétés du groupe dans le cadre de la recherche de reclassement ; elle a précisé le poste de technicien de maintenance informatique qu'il occupait, elle a joint son CV, les courriels n'étaient pas des lettres circulaires standardisées ; le contenu des courriels n'est pas critiquable, il respectait les prescriptions de l'article L. 1233-4 alinéa 2 du code du travail ; elle a recherché des postes de reclassement au sein des filiales de GDF-Suez situées à l'étranger avant et après la première procédure de licenciement mais ceci sans succès ; le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur en mentionnant l'existence de dizaines de courriels recherchant un reclassement adressés aux filiales du groupe GDF-Suez en France et à l'étranger.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- les observations de Me Abdelaziz, avocat de M. A...et de Me Palin, avocat de la société Energia.

1. Considérant que, le 27 septembre 2007, M. A... a été embauché par la société Energia pour exercer les fonctions de technicien de maintenance informatique ; qu'en janvier 2013, il a été élu délégué du personnel ; que, le 22 octobre 2013, il a été élu délégué syndical CGT ; qu'à la suite de difficultés économiques le juge commissaire près le tribunal de commerce de Nevers a, par une ordonnance du 14 mars 2012, autorisé la société Energia à procéder à des licenciements pour motif économique ; que le juge commissaire a autorisé la suppression d'un poste de technicien de maintenance informatique, poste occupé par M. A... ; que, toutefois, l'inspecteur du travail a, par décision du 4 septembre 2012, refusé l'autorisation de licencier M. A... sollicitée le 5 juillet 2012 par la société Energia, au motif de l'imprécision des propositions de reclassement ; que la société Energia a demandé le 23 mai 2013 à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier pour motif économique ; que l'inspecteur du travail, après avoir rejeté implicitement cette demande, a refusé explicitement le 12 septembre 2013 d'accorder cette autorisation, en raison du manque de précision et d'actualisation des éléments relatifs à la cause économique et de ses effets sur l'emploi et d'un lien avec les mandats de M.A... ; que, le 28 octobre 2013, la société Energia a exercé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; que, le 25 février 2014, le ministre a, d'une part, annulé la décision implicite de rejet de l'inspecteur du travail, née le 24 juillet 2013, ainsi que la décision explicite de rejet du 12 septembre 2013 et, d'autre part, autorisé le licenciement pour motif économique de M. A..., au motif que " l'employeur a rempli les obligations qui lui incombent en matière de recherche personnalisée de reclassement aux meilleures conditions possibles " et en considération de " l'absence de lien entre la mesure de licenciement envisagée et l'exercice du mandat " ; que, le 10 mars 2014, la société Énergia a notifié son licenciement à M. A... ; que M. A...interjette appel du jugement du 7 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande aux fins d'annulation de la décision ministérielle autorisant son licenciement ;

Sur la légalité de la décision du ministre autorisant son licenciement :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause sans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles d'entre elles ayant leur siège social en France ni aux établissements de ce groupe situés en France ;

3. Considérant qu'il incombe à l'employeur de produire les éléments permettant de déterminer l'étendue du secteur d'activité du groupe dont relève la société ayant demandé l'autorisation de licencier un salarié protégé ; que le secteur d'activité peut être déterminé en prenant en considération un faisceau d'indices tels que la nature des produits, la clientèle, le mode de distribution ; que la spécialisation d'une entreprise au sein d'un groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un secteur d'activité plus étendu au niveau duquel doivent être appréciés les difficultés économique ; que, pour établir la réalité du motif économique d'un licenciement, l'employeur doit également apporter tous les éléments utiles de nature à attester de l'existence d'une menace pesant sur le secteur d'activité concerné et rendant nécessaire ce licenciement afin de sauvegarder sa compétitivité ;

4. Considérant que, dans son courrier du 22 mai 2013 à l'inspecteur du travail portant demande d'autorisation de licencier M. A...pour motif économique, la société Energia a indiqué que le secteur d'activité " Eco confort " du groupe connaissait des difficultés économiques persistantes ; qu'elle n'a pas défini ce qu'était " l'Eco-confort " mais a mentionné les sociétés Climasave, Cliposol et Panosol en évoquant une baisse du chiffre d'affaire de la société Climasave en 2012, sans indiquer de pertes, et le non respect des objectifs de chiffres d'affaires pour les sociétés Clipsol et Panosol sur les 4 premiers mois de l'année 2013 induisant une perte de rentabilité pour ces deux sociétés ; que, dans un courrier du 25 juin 2013 adressé à l'inspecteur du travail en vue d'apporter des précisions sur sa demande d'autorisation de licenciement de M.A..., la société Energia a produit un schéma organisationnel sur la " business unit " dite aussi branche " Service à l'habitat " du groupe GDF-Suez établissant que cette " business unit " est composée de la société COGAC laquelle détient 100 % de la société Savelys, 100 % de la société Climasave, 100 % de la société ABM énergie conseil et 54,8 % de la banque Solfea ; que ce schéma montre également que la société Climasave détient 97,1 % de la société Energia, 100 % de la société Coraver, 64,4 % de la société Clipsol, 73,33 % de la société Panosol, 100 % de la société SJD-Maison des énergies renouvelables et 75,9 % de la société PDT détenant 100 % de la société Agenda France ; que, dans ce même courrier du 25 juin 2013, la société Energia a évoqué le " secteur d'activité Climasave " et s'est prévalue de difficultés économiques affectant les sociétés Clipsol et Panosol en indiquant un chiffre d'affaire en mai 2013 non atteint par rapport aux objectifs fixés se traduisant de ce fait à fin mai 2013 par une " rentabilité négative " pour ces deux sociétés, d'une baisse de chiffre d'affaires et de l'EBITDA à fin mai 2013 pour la société Maison des énergies renouvelables sans mentionner de pertes, d'un niveau d'activité légèrement supérieur pour ABM (bureau d'études thermiques) et Agenda (diagnostics immobiliers) et d'une reprise récente des activités de la société Coraver ne permettant pas de tirer des enseignements sur la performance économique de cette société ; que, dans son recours hiérarchique auprès du ministre, la société Energia a fait référence à ses deux courriers des 22 mai et 25 juin 2013, a mentionné que les " résultats sont très en deçà de ceux fixés dans le plan de continuation arrêté par le tribunal de commerce de Nevers du 6 juin 2012 ", mais n'a pas apporté d'autres données pour définir le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'elle n'allègue pas avoir transmis au ministre des résultats comptables sur les entreprises citées dans les courriers des 22 mai et 25 juin 2013 autres que ceux mentionnés dans ces mêmes courriers ;

5. Considérant que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social évoque, dans sa décision du 25 février 2014 autorisant le licenciement de M.A..., le secteur d'activité " éco-confort " du groupe sans toutefois en mentionner la consistance et mentionne une baisse de chiffre d'affaires et une baisse des résultats de la société Climasave en 2012 et 2013, la circonstance que les chiffres d'affaires des sociétés Clipsol et Panosol ont été inférieurs aux prévisions en février 2013, et conclut que la société Energia établit la réalité des difficultés économiques du secteur d'activités du groupe auquel appartient l'entreprise Energia ;

6. Considérant que M. A...fait valoir qu'en raison de la multi-activité de la société Energia, le secteur d'activité pertinent du groupe ne pouvait être réduit au " pôle Eco-confort "; qu'il soutient que le secteur d'activité aurait dû être étendu à d'autres entreprises intervenant dans le domaine de l'énergie ;

7. Considérant que les difficultés économiques susceptibles de justifier un licenciement économique doivent s'apprécier au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe GDF-Suez à la date de la décision du ministre ; que la société Energia indique dans ses écritures contentieuses que le secteur d'activité limité au " Pôle Eco confort " est constitué des sociétés Climasave, Energia, Clipsol, Panosol, Coraver, ABM, Agenda mais aussi de Geoclim, autre société non mentionnée dans ses courriers à l'inspecteur du travail, et était pertinent dès lors qu'un pôle Eco-confort existait au sein de la business unit " services à l'habitat " et qu'il doit être tenu compte de la nature de la clientèle ; qu'elle expose également que dès lors que son activité s'adresse à un marché de particuliers, doit être notamment exclue du secteur d'activité pertinent du groupe pour évaluer les difficultés économiques, la société Cofely qui appartient au " Pôle Services " et qui s'adresse à des clients professionnels (industriels et secteur tertiaire) ; que la société Energia ajoute que le secteur d'activité " Eco confort " comprenant les sociétés Energia, Clipsol, Panosol, Geoclim (géothermie du Rhône), Coraver, PDR, ABM et Agenda connaît des difficultés économiques avérées avec des pertes globales de 16 millions d'euros en 2013 et 22 millions en 2014 ; qu'elle renvoie à un document arrêté en juin 2014 faisant état d'un résultat négatif global de 9,8 millions d'euros pour ces huit sociétés; document sur lequel au demeurant n'apparaissent pas les résultats de la société Climasave ;

8. Considérant que pour apprécier le secteur d'activité pertinent, il y a lieu de tenir compte notamment des activités réalisées par la société Energia en 2013 et jusqu'au 25 février 2014, date de la décision du ministre ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du jugement du tribunal de commerce de Nevers du 5 octobre 2011 et du document d'information destiné au comité d'entreprise préparé pour la réunion du 7 février 2012 sur les réalisations et les perspectives d'évolutions de la société Energia, lequel n'a pas été remis en cause pour les années 2013 et 2014 par la société Energia, que celle-ci exerçait au cours de cette période des activités de conseil, distribution, vente, installation de tout système thermique et de climatisation, entretien, réparation, maintenance en énergies renouvelables, thermique, photovoltaïque et système de gestion des eaux pluviales ;

9. Considérant, d'une part, qu'en ce qui concerne plus spécifiquement les activités liées à l'énergie et aux matériels commercialisés, posés et faisant l'objet d'une maintenance par la société Energia, il ressort des pièces versées au dossier et notamment du rapport Syndex d'octobre 2013 que la société Energia, si elle avait en 2012, en 2013 et 2014 une activité de vente et de pose d'équipements liés à des énergies renouvelables solaires et photovoltaïques, avait entrepris de remodeler son catalogue de produits depuis 2010 en réduisant " la place du photovoltaique " pour se tourner vers la commercialisation d'autres produits thermiques et d'isolation ; que le rapport Syndex d'octobre 2013 mentionne ainsi l'identification de nouveaux débouchés avec notamment un enrichissement de son catalogue en matière de produits d'isolation extérieure, " activité qui semble constituer un marché en fort développement " ; qu'il ressort également des pièces du dossier qu'entre 2011 et 2014 la société Energia commercialisait et posait aussi des pompes à chaleur air-eau et air-air et produits dits B, pour lesquels elle ne mentionne pas les mêmes difficultés économiques que pour les produits photovoltaïques ; que, de plus, il ressort des différents pièces du dossier et notamment du document établi pour la réunion du comité d'entreprise du 7 février 2012 évoquant les activités menées jusqu'en février 2012 que la société Energia accomplissait entre 2011 et 2014 en sous-traitance des missions de service après-vente, de maintenance et d'entretien d'équipements et de chaudières pour la société Savelys, filiale du groupe GDF-Suez intervenant sur le marché des particuliers ; qu'il n'apparaît pas que cette activité de sous-traitance ne se serait pas poursuivie jusqu'à la date de la décision du ministre ; qu'il ressort du guide des métiers GDF-Suez édition 2010 que la société Savelys appartenait à la même business unit dite branche énergie France " services à l'habitat " que la société Energia ; que, dans son courrier du 25 juin 2013 à l'inspecteur du travail, la société Energia mentionnait comme appartenant à la BU " services à l'habitat " la société Savelys et ses différentes filiales ; que, par suite, eu égard à l'ensemble de ces éléments et faute pour la société Energia de démontrer de façon précise que la société Savelys exerçait des activités ne pouvant se rattacher aux siennes propres, cette dernière doit être regardée comme entrant en 2013 et au début 2014, dans le même secteur d'activité du groupe que la société Energia ;

10. Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce que fait valoir la société Energia, il ressort du compte rendu des délégués du personnel de mars 2013 ainsi que du rapport Syndex en date d'octobre 2013 qu'elle n'exerçait pas exclusivement son activité en direction d'une clientèle de particuliers mais qu'elle a aussi créé une activité dite Energia CVC (division Energia Pro) présentée au comité d'entreprise le 29 janvier 2013 afin de répondre à des appels d'offre de collectivités ou d'entreprises privées en matière de construction, maintenance et gestion des installations de chauffage et de climatisation avec un objectif de chiffre d'affaires de 10 millions d'euros par an, marché sur lequel intervient la société Cofely, comme le mentionne sans être contredit M. A... ; que, dès lors, la société Cofely aurait dû être incluse à compter de 2013 dans le secteur d'activité du groupe auquel appartient la société Energia ;

11. Considérant qu'il ressort ainsi des pièces du dossier que le secteur d'activité dans lequel intervenait la société Energia en 2013 et au début 2014 portait sur la commercialisation et la pose de chaudières relevant de procédés photovoltaïques mais également thermiques et assimilés (air, eau et gaz) et d'autres produits liés au chauffage et à la climatisation mais également sur la maintenance et l'entretien de telles installations et produits que ce soit pour les particuliers ou pour les collectivités ou professionnels ; que ce secteur incluait donc les sociétés du groupe, implantées en France ou à l'étranger, ayant ces mêmes activités ;

12. Considérant qu'il est constant que la société Energia, qui se bornait dans son recours hiérarchique devant le ministre à évoquer des résultats négatifs des sociétés Clipsol et Panosol en début d'année 2013 et d'une baisse de chiffre d'affaires et de l'EBITDA à fin mai 2013 pour la société Maison des énergies renouvelables mais sans mentionner de pertes n'a fait état d'aucune perte pour la société Climasave ni d'aucune perte ou baisse de chiffre d'affaire entre 2012 et 2014 pour les société Savelys et Cofely ; que, par ailleurs, la société Energia n'a apporté aucun élément sur les entreprises situées à l'étranger oeuvrant dans ledit secteur d'activité et sur leur santé économique ; que, par suite, et alors qu'il lui appartenait de faire porter son examen sur l'ensemble de la situation économique du secteur d'activité du groupe dont relève la société Energia, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en estimant que la société Energia avait correctement défini le secteur d'activité du groupe auquel elle appartenait et en estimant matériellement établie la réalité du motif économique allégué ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M.A..., que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la société Energia ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 janvier 2016 et la décision du 25 février 2014 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social autorisant la société Energia à licencier M. A...sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Energia tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à la société Energia et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2017.

1

9

N° 16LY01165


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01165
Date de la décision : 12/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : DELLIEN Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-12;16ly01165 ?
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