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05/10/2017 | FRANCE | N°15LY03992

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 05 octobre 2017, 15LY03992


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision par laquelle le recteur de l'académie de Grenoble a refusé sa demande de paiement d'heures supplémentaires au titre de l'année 2010, d'enjoindre au recteur de lui verser une somme correspondant aux heures supplémentaires dues et augmentée des intérêts capitalisés et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 001 euros au titre du préjudice moral et matériel.

Par un jugement n° 1203471 du 15 avril 2015, le tri

bunal administratif de Grenoble a admis l'intervention du syndicat CGT Educ'action ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision par laquelle le recteur de l'académie de Grenoble a refusé sa demande de paiement d'heures supplémentaires au titre de l'année 2010, d'enjoindre au recteur de lui verser une somme correspondant aux heures supplémentaires dues et augmentée des intérêts capitalisés et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 001 euros au titre du préjudice moral et matériel.

Par un jugement n° 1203471 du 15 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a admis l'intervention du syndicat CGT Educ'action et rejeté la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 décembre 2015 et 26 décembre 2016, Mme A...demande à la cour :

- d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 avril 2015 ;

- d'annuler la décision refusant le paiement de 103,8 heures supplémentaires ;

- d'enjoindre au recteur de l'académie de Grenoble de payer ces heures avec intérêts capitalisés à la date du recours ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 001 euros au titre de son préjudice matériel et moral ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 535 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- le jugement est irrégulier en raison de l'information incomplète sur le sens des conclusions du rapporteur public ;

- le jugement est irrégulier car il mentionne une date d'audience incomplète et erronée ;

- le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu car le second mémoire en défense de l'administration ne lui a pas été communiqué ;

- le jugement ne répond pas, ou partiellement, ou de manière incomplète, à de nombreux moyens ;

- elle invoque, par exception, l'illégalité du décret du 19 mars 1993 qui ne peut plus s'appliquer après l'adoption de la loi sur la réduction du temps de travail et le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ; le décret du 19 mars 1993 est contraire à la directive 93/104/CE, remplacée par la directive 2003/88/CE ;

- c'est à tort que l'administration, en se fondant sur un décompte qu'elle conteste, lui a payé seulement 42 heures supplémentaires ; il appartient à la cour, le cas échéant, d'ordonner la production d'éléments matériels ; le jugement n'a pas répondu à l'absence de base réglementaire de la notice explicative ; l'exercice d'activités d'enseignement relevant du a) au sens des articles 5 et 6 du décret du 19 mars 1993, le classement total de ses heures au titre du b), que présume son contrat de travail, ne prend pas en compte son activité réelle d'enseignante ;

- elle a droit à une indemnité de 10 001 euros au titre du préjudice matériel et moral, à raison des démarches dilatoires de l'administration ;

- sa réclamation initiale n'est pas mal dirigée ; il appartenait, si tel était le cas, au recteur de la renvoyer au chef d'établissement.

Par un mémoire enregistré le 25 octobre 2016, le syndicat GCT Educ'Action s'associe aux conclusions de la requête de Mme A...tendant à l'annulation du jugement tribunal administratif de Grenoble du 15 avril 2015.

Il renvoie aux moyens invoqués par la requérante.

Par un mémoire enregistré le 20 décembre 2016, ainsi que par un mémoire enregistré le 20 janvier 2017 et non communiqué, la ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la réclamation est mal dirigée dès lors qu'il appartenait à Mme A...de demander au chef de l'établissement support du groupement qui l'emploie, lequel la rémunère sur ses ressources propres, le paiement des heures supplémentaires en litige ; le recteur n'avait pas l'obligation de transmettre sa demande ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 93-412 du 19 mars 1993 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Hervé, rapporteur

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeA..., formatrice en dessin de construction au sein du groupement d'établissements pour la formation des adultes (GRETA) de Grenoble, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui refusant le paiement d'heures supplémentaires et à l'indemnisation de son préjudice ;

Sur l'intervention de la CGT Educ'Action :

2. Considérant que la CGT Educ'Action a intérêt à l'annulation du jugement attaqué : qu'ainsi, son intervention recevable doit être admise ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation du rejet de rémunérer des heures supplémentaires :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

3. Considérant, en premier lieu, que les GRETA sont dépourvus de la personnalité morale et dépendent pour l'ensemble de leurs activités et de leur gestion administrative, financière et comptable du service public administratif de l'éducation nationale ; que, dans ces conditions, le courrier sollicitant le paiement d'heures supplémentaires adressé au recteur de l'académie de Grenoble, au demeurant adressé par Mme A...sous couvert du chef de l'établissement support du GRETA de Grenoble, a valablement saisi l'administration et a fait naître une décision implicite de rejet ; que le ministre de l'éducation n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la réclamation de Mme A...a été mal dirigée ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 5 du décret n° 93-412 du 19 mars 1993 relatif aux personnels contractuels du niveau de la catégorie A exerçant en formation continue des adultes : " Les activités de formation continue assurées par les personnels contractuels enseignants peuvent comprendre : a) Des activités d'enseignement incluant les mêmes charges que les activités d'enseignement en formation initiale, et notamment la préparation des cours, l'évaluation et la validation des acquis des stagiaires ; b) Des activités liées notamment à l'élaboration de projets de formation et à l'accompagnement des formations : ces activités sont définies par le ministre chargé de l'éducation " ; que l'article 6 de ce décret dispose : " Le service annuel des personnels enseignants est fixé à 810 heures. / Les heures d'enseignement mentionnées au a de l'article 5 ci-dessus comptent pour leur durée effective. / Les heures assurées au titre des activités de formation continue mentionnées au b de l'article 5 ci-dessus sont décomptées après avoir été affectées d'un coefficient de pondération égal à 0,46.Toutefois, la durée maximale d'enseignement hebdomadaire ne peut être supérieure à vingt-huit heures " ;

5. Considérant que l'article 7 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000, relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature, prévoit que " Les régimes d'obligations de service sont, pour les personnels en relevant, ceux définis dans les statuts particuliers de leur corps ou dans un texte réglementaire relatif à un ou plusieurs corps " ; que tel est le cas des enseignants chargés de la formation continue des adultes ; qu'il suit de là que le décret du 25 août 2000 est sans incidence sur la pondération organisée par le décret du 19 mars 1993 ;

6. Considérant en outre que la requérante ne démontre pas en quoi le dispositif mis en place par le décret du 19 mars 1993 conduirait à ce que les enseignants concernés soient astreints à des obligations de service allant au-delà des objectifs de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 4 novembre 2003 ;

7. Considérant qu'il suit de là que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le décret du 19 mars 1993 ne lui est pas opposable ;

8. Considérant toutefois qu'il ressort des écritures en défense que toutes les heures de travail accomplies par Mme A...sont considérées par l'administration comme relevant du b) de l'article 5 rappelé au point 4, et ont par suite vocation à être pondérées par un coefficient de 0,46, y compris celles durant lesquelles l'intéressée dispense un cours, dont elle a produit en cours d'instance le support, à un groupe d'élèves ; que l'administration, qui ne peut se prévaloir d'une note du 26 août 2003 dépourvue de caractère réglementaire, n'apporte aucun élément de nature à démontrer que ces heures n'impliquent pas les mêmes charges que les activités d'enseignement en formation initiale, et notamment la préparation des cours, l'évaluation et la validation des acquis des stagiaires ;

9. Considérant que, dans ces conditions, Mme A...est fondée à soutenir, au regard des pièces du dossier, que c'est à tort que l'ensemble des heures qu'elle a accomplies ont été considérées comme susceptibles de pondération, que la détermination du seuil à partir duquel elle est considérée comme accomplissant des heures supplémentaires est erronée et que la décision implicite en litige, dont les motifs ont été révélés au cours de l'instance contentieuse, est entachée d'erreur de droit ; que la requérante est fondée à en demander l'annulation et à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions aux fins d'annulation ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10 .Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;

11. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu par la cour, le présent arrêt n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint à l'administration, à qui il appartient de statuer à nouveau sur la réclamation dont elle demeure saisie, de verser les sommes demandées par Mme A..., dont les conclusions aux fins d'injonction ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions indemnitaires :

12. Considérant que Mme A...n'établit pas la réalité des autres préjudices dont elle demande réparation ; que, dans ces conditions, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 150 euros au titre des frais exposés par MmeA..., qui a assuré seule la défense de ses intérêts ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la CGT Educ'Action est admise.

Article 2 : La décision implicite rejetant la demande de paiement d'heures supplémentaires de Mme A... est annulée.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1203471 du 15 avril 2015 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 150 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 octobre 2017.

6

N° 15LY03992


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03992
Date de la décision : 05/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

30-02-03-02-02 Enseignement et recherche. Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. Enseignement technique et professionnel. Personnel enseignant. Conseillers en formation continue.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Jean-Louis d'HERVE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-05;15ly03992 ?
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