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13/04/2017 | FRANCE | N°15LY01805

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 5, 13 avril 2017, 15LY01805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Immobilière Thierry Desserey a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1401563 du 27 mars 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2015, et des mémoires, enregistrés les

14 juin 2016 et 2 décembre 2016, la SARL Immobilière Thierry Desserey, représentée par Me A..., d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Immobilière Thierry Desserey a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1401563 du 27 mars 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2015, et des mémoires, enregistrés les 14 juin 2016 et 2 décembre 2016, la SARL Immobilière Thierry Desserey, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 mars 2015 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Dijon ne s'est pas prononcé sur la nature de son activité, entachant ainsi son jugement d'une omission à statuer ;

- la proposition de rectification du 30 octobre 2013 est insuffisamment motivée, notamment en ce qui concerne l'amende de 10 % prévue par les dispositions de l'article 1758 A du code général des impôts ;

- les substitutions de motifs opérées par l'administration sont irrégulières car elles portent atteinte à son droit de réponse et au caractère contradictoire de la procédure de rectification ;

- ces substitutions de motifs ne lui ont pas permis de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- elle remplissait les conditions nécessaires pour bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts, son activité n'étant pas de nature civile et le bénéfice de cette exonération n'étant pas subordonné au dépôt dans les délais de ses déclarations de résultats ;

- elle est fondée à opposer à l'administration fiscale la doctrine administrative contenue dans la réponse ministérielle n° 7916, publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 7 août 1989, p. 3514, indiquant que l'administration tiendra compte des circonstances particulières qui pourraient justifier des retards limités à quelques jours dans le dépôt des déclarations.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 décembre 2015, 24 octobre 2016 et 9 janvier 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la majoration de 10 % visée à l'article 1758 A du code général des impôts et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- la SARL immobilière Thierry Desserey n'a pas satisfait à ses obligations déclaratives en matière d'impôt sur les sociétés dans le délai prévu par l'article 223 du code général des impôts dès lors qu'elle a souscrit ses déclarations de résultats le 1er juin 2011 pour l'exercice clos le 31 décembre 2010 et le 18 juin 2012 pour celui clos le 31 décembre 2011 ;

- la proposition de rectification du 30 octobre 2013 est suffisamment motivée en ce qui concerne la remise en cause de l'exonération prévue par l'article 44 sexies du code général des impôts mais ne l'est pas en ce qui concerne la majoration de 10 % dont le dégrèvement est en conséquence prononcé ;

- l'administration, qui a modifié le motif de la rectification proposée sans en changer la base légale, n'était pas tenue d'adresser à la contribuable une nouvelle proposition de rectification lui ouvrant droit à un nouveau délai de réponse ;

- la contribuable, n'ayant pas demandé la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires avant la mise en recouvrement des impositions en litige, n'a été privée d'aucune garantie ;

- la location des cellules commerciales portant sur des locaux nus, la requérante exerce une activité civile, exclue du bénéfice de l'exonération prévue par l'article 44 sexies du code général des impôts ;

- le bénéfice de cette exonération est subordonné au respect des délais de déclaration ;

- la requérante n'expose pas de circonstances particulières de nature à justifier les retards réitérés, qui ne sont pas limités à quelques jours, dans le dépôt de ses déclarations et ne peut se prévaloir de la réponse ministérielle qu'elle invoque, qui ne constitue pas une interprétation formelle de la loi fiscale.

La clôture de l'instruction a été fixée par une ordonnance du 26 octobre 2016 au 2 décembre 2016 puis successivement reportée par une ordonnance du 6 décembre 2016 au 16 janvier 2017 et par une ordonnance du 10 janvier 2017 au 24 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pourny, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Immobilière Thierry Desserey, qui a notamment pour objet l'acquisition, la détention et la gestion de biens immobiliers, a acquis le 18 janvier 2007 une galerie marchande comprenant onze cellules commerciales sur le territoire de la commune de Venarey-lès-Laumes ; qu'elle a donné ces cellules commerciales en location et s'est placée sous le régime d'exonération des bénéfices réalisés par les entreprises nouvelles implantées dans une zone de revitalisation rurale, prévu par les dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces du dossier de cette société, l'administration fiscale a remis en cause l'application de ce régime d'exonération pour les exercices clos en 2010 et 2011 et lui a adressé une proposition de rectification du 30 octobre 2013, motivée par l'indication que la SARL Immobilière Thierry Desserey avait repris l'activité préexistante de l'EURL Immobilière JPG qui lui avait cédé cette galerie marchande ; que la SARL Immobilière Thierry Desserey n'ayant pas présenté d'observations sur cette proposition de rectification, l'administration fiscale a mis en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011 pour des montants respectifs de 80 674 euros et 26 523 euros, assorties d'intérêts de retard pour des montants respectifs de 9 681 euros et 1 910 euros et d'une majoration de 10 % pour des montants de 8 068 euros et 2 652 euros ; que la SARL Immobilière Thierry Desserey a présenté une réclamation à l'encontre de ces impositions ; que sa réclamation a été rejetée par une décision du 18 février 2014 au motif que l'activité de la SARL Immobilière Thierry Desserey constituait une extension d'une activité commerciale préexistante ; que la contribuable ayant porté le litige devant le tribunal administratif de Dijon, l'administration fiscale a invoqué deux nouveaux motifs devant ce tribunal en se fondant sur les retards de la SARL Immobilière Thierry Desserey dans le dépôt de ses déclarations de résultats pour les exercices clos en 2010 et 2011 et sur le caractère civil de son activité ; que le tribunal administratif de Dijon a admis la substitution de motif demandée par l'administration en retenant les retards de la contribuable dans le dépôt de ses déclarations ; que la SARL Immobilière Thierry Desserey conteste le jugement du 27 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces droits et pénalités ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que par une décision du 16 décembre 2015, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement des majorations de 8 068 euros et 2 652 euros alors en litige ; que les conclusions de la requête de la SARL Immobilière Thierry Desserey sont, dans la mesure de ces montants, devenues sans objet ;

Sur les droits et pénalités restant en litige :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts : " I. Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. (...) / III. Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités ne peuvent pas bénéficier du régime défini au paragraphe I. (...) " ;

4. Considérant que si la SARL Immobilière Thierry Desserey a acquis, auprès de l'EURL Immobilière JPG, une galerie marchande nouvellement construite composée de onze cellules commerciales au sud d'un supermarché à Venarey-lès-Laumes, elle soutient sans être contredite qu'elle n'a pas repris l'activité préexistante de l'EURL Immobilière JPG, qui exploitait une autre galerie commerciale au nord du même supermarché, et que son activité ne constituait pas davantage une extension d'une activité préexistante ; que, par suite, l'administration fiscale ne pouvait se fonder sur ces motifs pour lui refuser le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts ; que, toutefois, pour maintenir les impositions litigieuses, l'administration a invoqué devant le tribunal administratif deux nouveaux motifs tirés, l'un, des retards de la SARL Immobilière Thierry Desserey dans le dépôt de ses déclarations de résultats des exercices clos en 2010 et 2011 et, l'autre, de ce qu'elle exerce une activité de caractère civil, n'entrant pas dans le champ d'application de l'article 44 sexies du code général des impôts ;

5. Considérant que, si l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, une telle substitution ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable d'une garantie, telle la possibilité, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend relatif à une question dont la solution commande le bien-fondé du nouveau motif invoqué par l'administration ;

6. Considérant que le premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dispose que : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'aux termes de l'article L. 59 du même livre : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) " ; que l'article L. 59 A de ce livre ajoute que : " I.-La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : (...) 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles (...). / II.-Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. (...) " ;

7. Considérant que l'existence d'un retard de la société requérante dans la souscription de ses déclarations de résultat et la présence d'équipements dans les locaux qu'elle donne en location constituent des éléments de fait susceptibles d'être pris en compte pour l'examen des questions de droit relatives, d'une part, à l'application de l'exonération aux seuls bénéfices déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A du code général des impôts et, d'autre part, à la nature, civile ou commerciale, de l'activité exercée ; que, dès lors, en l'absence de consultation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la substitution de base légale proposée par l'administration, ayant pour effet de priver le contribuable d'une garantie, ne pouvait être accueillie ; qu'il en va ainsi alors même que, à la suite de la proposition de rectification, la SARL Immobilière Thierry Desserey n'avait pas exprimé son désaccord sur les redressements envisagés ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SARL Immobilière Thierry Desserey est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et des intérêts de retard correspondants ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SARL Immobilière Thierry Desserey au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Immobilière Thierry Desserey tendant à la décharge des majorations de 8 068 euros et 2 652 euros dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

Article 2 : La SARL Immobilière Thierry Desserey est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle reste assujettie au titre des années 2010 et 2011 et des intérêts de retard correspondants.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 27 mars 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL Immobilière Thierry Desserey une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Immobilière Thierry Desserey et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

M. Pourny, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 avril 2017.

2

N° 15LY01805

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 15LY01805
Date de la décision : 13/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-01-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Personnes et activités imposables. Exonération de certaines entreprises nouvelles (art. 44 bis et suivants du CGI).


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : CABINET DE STEFANO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-04-13;15ly01805 ?
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