Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler les décisions du 19 décembre 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office ;
2°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jours de retard ;
3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 1503257 du 17 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2015, M.B..., représenté par Me Proust, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 juin 2015 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 19 décembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ledit conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé, le préfet ne justifiant pas des motifs pour lesquels il a changé d'avis ;
- le préfet a commis une erreur de droit en ne procédant pas à l'examen préalable de sa situation personnelle, notamment en n'examinant pas s'il remplissait les conditions de délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale sur d'autres fondements que le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie de circonstances humanitaires exceptionnelles ;
- le refus de titre de séjour a été pris en violation des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise de manière automatique et sans examen distinct alors qu'il ne s'agit que d'une faculté pour le préfet ;
- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- cette motivation insuffisante démontre un défaut d'examen de sa situation personnelle s'agissant notamment des risques encourus au titre de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a assorti de manière automatique la décision fixant le pays de renvoi et l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2017, qui n'a pas été communiqué, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience :
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
1. Considérant que M.B..., ressortissant russe né le 30 octobre 1952, est entré en France le 13 janvier 2008 ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 26 septembre 2008 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 mai 2011 ; qu'il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire pour motif médical le 5 juin 2012, qui a été renouvelée une fois ; que sa demande tendant au renouvellement de son titre de séjour, présentée le 5 mai 2014, a été rejetée par le préfet du Rhône par décision du 19 décembre 2014 qu'il a assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays d'origine de M. B...ou de tout autre pays où il serait légalement amissible ; que M. B...relève appel du jugement du 17 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que, le requérant se bornant à reprendre l'argumentation qu'il a présentée en première instance, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de ce que le préfet du Rhône n'aurait pas suffisamment motivé sa décision ni procédé à l'examen préalable de la situation personnelle de M. B...;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces médicales produites par M. B...qu'il souffre d'épilepsie et de pathologies d'ordre psychiatrique, pour lesquelles il est traité par rispéridone et Lamictal, ainsi que d'une dépendance aux opiacés, pour laquelle il est suivi depuis 2006 et bénéficie d'un traitement de substitution par Méthadone ; que, par avis du 25 juin 2014, le médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié en Russie, et que les soins nécessités par son état de santé présentaient un caractère de longue durée ; que le préfet du Rhône produit deux courriers électroniques des 22 février et 16 septembre 2013 émanant du consulat de France en Russie, selon lesquels des soins de qualité dans toutes les spécialités peuvent être fournis en Russie, où les infrastructures médicales sont bonnes, ainsi qu'un extrait du registre national des médicaments mentionnant la rispéridone et la lamotrigine et un article d'un médecin addictologue russe indiquant que, si les traitements de substitution sont en principe interdits en Russie, l'usage de Naltrexone permet de traiter la dépendance aux opiacés ; que le requérant, qui se borne à soutenir qu'il ne dispose pas de moyens financiers suffisants en Russie pour accéder à ces traitements ne contredit pas pertinemment les éléments produits par le préfet ; que, dans ces conditions, et alors même qu'il a été titulaire d'une carte de séjour temporaire pour motif médical de 2012 à 2014, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône a fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait porté à la connaissance du préfet du Rhône, préalablement à la décision litigieuse, des éléments relatifs à sa situation personnelle susceptibles d'être qualifiés de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet du Rhône, qui n'était pas tenu, dans ces conditions, de solliciter l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé, n'a pas commis d'illégalité en ne retenant pas de telles circonstances ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
7. Considérant que, si M. B...résidait en France depuis six ans à la date de la décision en litige, il est constant qu'il a vécu dans son pays d'origine, où il n'est pas dépourvu d'attaches familiales, jusqu'à l'âge de cinquante-cinq ans ; que, s'il s'est vu reconnaître un taux d'incapacité d'au moins 80 % le 24 avril 2013 et qu'il bénéficie de l'allocation aux adultes handicapés ainsi que de l'allocation mensuelle de subsistance, ces éléments ne permettent pas d'établir qu'il ne pourrait poursuivre normalement sa vie privée et familiale dans son pays d'origine où il a vécu auparavant et où, comme il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé ne pourrait faire l'objet d'une prise en charge appropriée ; qu'il n'allègue ni n'établit aucune intégration sur le territoire ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ainsi que, en l'absence d'autre élément, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort ni des termes de la décision en litige, ni des pièces du dossier que le préfet du Rhône se serait estimé tenu d'assortir son refus de renouveler le titre de séjour de M. B...d'une obligation de quitter le territoire français ;
9. Considérant, en second lieu, que les moyens tirés de ce que cette décision méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 7 ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. Considérant, en premier lieu, que la décision en litige, qui mentionne la nationalité de M. B...et indique que ce dernier n'établit pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées en Russie ou qu'il y serait exposé à des traitements inhumains et dégradants, au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est suffisamment motivée ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort ni des termes de la décision, ni des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à l'examen préalable de la situation de M. B...avant de désigner un pays de renvoi ;
12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
13. Considérant que, si M. B...se prévaut de son état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée en Russie ;
14. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône aurait assorti de manière automatique la décision fixant le pays de renvoi et l'obligation de quitter le territoire français n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
16. Considérant que le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions à fin d'annulation des décisions préfectorales du 19 décembre 2014, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce la somme que M. B...demande sur leur fondement au titre de ses frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Régis Fraisse, président de la cour,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2017.
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N° 15LY03293
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