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09/02/2017 | FRANCE | N°15LY02538

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 09 février 2017, 15LY02538


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

- les décisions du 19 février 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- la décision du 8 avril 2015 par laquelle ledit préfet l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1503470 du 7 mai 2015, le magistrat désigné par le président d

u tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

- les décisions du 19 février 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- la décision du 8 avril 2015 par laquelle ledit préfet l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1503470 du 7 mai 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de celles des décisions du 19 février 2015 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et de la décision du 8 avril 2015 par laquelle ce préfet l'a assignée à résidence.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2015 et un mémoire enregistré le 1er août 2015, Mme B... épouseC..., représentée par Me Lantheaume, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 7 mai 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 41-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne car elle n'a pas été mise en mesure de faire valoir ses observations avant l'édiction de cette mesure d'éloignement ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ; elle est entachée d'un défaut de motivation ; elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'assignant à résidence est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement.

Par un mémoire enregistré le 30 décembre 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures devant le tribunal administratif.

Mme B... épouse C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président ;

1. Considérant que Mme B...épouseC..., ressortissante albanaise née le 7 mars 1972, déclare être entrée en France le 23 mars 2014, accompagnée de ses trois enfants mineurs ; que le 9 avril 2014, le préfet du Rhône a refusé son admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile ; que l'asile lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, saisi selon la procédure prioritaire, le 20 novembre 2014 et par la Cour nationale du droit d'asile le 15 mai 2015 ; que par décision du 19 février 2015, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que le 8 avril 2015, ledit préfet l'a assignée à résidence ; que Mme C...relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions du 19 février 2015 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et de cette décision du 8 avril 2015 portant assignation à résidence ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). / II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...)" ;

3. Considérant que MmeC..., de nationalité albanaise, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour le 19 février 2015 ; qu'ainsi, elle était, à cette date, dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ;

5. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

6. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ; qu'ainsi, la seule circonstance que la requérante n'a pas été invitée à formuler des observations avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours n'est pas de nature à permettre de la regarder comme ayant été privée de son droit à être entendue, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. (...) L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du même code : " L'étranger qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

8. Considérant que la décision par laquelle le préfet du Rhône a fixé le pays de destination de Mme C...vise notamment le I de l'article L. 511-1 et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des apatrides, ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle énonce que l'intéressée, de nationalité albanaise, qui a demandé l'asile en France, n'établit pas que sa vie ou sa liberté sont menacées ou qu'elle serait exposée à des traitements contraires aux stipulations de cet article 3 en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, cette décision est suffisamment motivée ;

9. Considérant que MmeC..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, fait valoir qu'elle et ses trois enfants, âgés, respectivement, de douze ans, quinze ans et dix-sept ans, ont été contraints de quitter l'Albanie en raison des risques pour leur sécurité auxquels ils étaient exposés du fait d'un conflit en matière de propriété foncière opposant sa famille à une autre famille ; que les pièces qu'elle produit ne permettent pas de tenir pour établi que, à supposer même avérés les faits allégués, l'intéressée ne pourrait recevoir la protection des autorités du pays dont elle est ressortissante ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant le pays de destination, des dispositions et stipulations précitées doit être écarté ; que, pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences que cette décision est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressée et de ses enfants ;

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que Mme C...n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions ci-dessus analysées de sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...épouse C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 février 2017.

6

N° 15LY02538


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02538
Date de la décision : 09/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : LANTHEAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-02-09;15ly02538 ?
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