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27/12/2016 | FRANCE | N°15LY03859

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 27 décembre 2016, 15LY03859


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 8 juillet 2015 par lesquelles le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1501512 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistré

e le 6 décembre 2015, M.B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 8 juillet 2015 par lesquelles le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1501512 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2015, M.B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 novembre 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande de carte de séjour et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 013 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le juge n'a pas visé pas l'ensemble des textes sur lesquels il s'est fondé, et notamment la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- le jugement est insuffisamment motivé quant au respect de sa vie privée et familiale ;

- le refus de titre de séjour a été pris par une autorité incompétente ;

- sa demande de titre n'était fondée sur aucun article précis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet, qui ne pouvait se limiter au seul examen d'une demande fondée sur l'article L. 313-11 du même code, dès lors qu'il faisait état notamment de motifs exceptionnels d'admission au séjour, n'a pas motivé son refus au regard de l'application de l'article L. 313-14 dudit code ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreurs de fait ;

- il est présent en France depuis plus de deux ans, ce qui est également le cas de son frère, de sa belle-soeur, qui a présenté une demande de titre de séjour en raison de son état de santé et de leurs deux enfants ; il justifie d'un contrat de travail ; le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- en cas de retour en Albanie, il serait exposé à des traitements inhumains et dégradants ; la décision fixant le pays de renvoi méconnaît donc l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 janvier 2016, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. B... n'a pas fondé sa demande de titre de séjour sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le moyen tiré du défaut de motivation sur ce point sera donc écarté ;

- la confusion entre la date de la décision de la Cour nationale du droit d'asile et celle de sa saisine constitue une simple erreur matérielle ; l'absence de mention de la présence de sa belle-soeur et de ses neveux en France ne constitue pas une erreur de fait ;

- le requérant est arrivé en France il y a un peu plus de deux ans ; ses parents vivent en Albanie ; il n'est pas établi que l'état de santé de sa belle-soeur justifie qu'il soit présent à ses côtés ; les stipulations de l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît ni l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 3 décembre 2016, M. B..., représenté par MeC..., conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche.

1. Considérant que M. B..., de nationalité albanaise, serait entré en France le 23 mars 2013, accompagné de son frère, de sa belle-soeur et de son neveu ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 28 août 2014, puis par Cour nationale du droit d'asile, le 11 février 2015 ; qu'il a présenté une demande de régularisation de sa situation en France ; qu'il relève appel du jugement du 4 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 8 juillet 2015 par lesquelles le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) " ;

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges n'avaient pas à viser la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, dont ils n'ont pas fait application ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

5. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par M. B...à l'appui de ses moyens, ont apporté une réponse motivée aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur de droit commise au regard de l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé, de l'erreur de fait et de la violation des stipulations des articles 3 et 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le jugement attaqué n'est donc pas entaché de l'insuffisance de motivation alléguée ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

6. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 1383-2015 du 21 mai 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département de l'Allier le 26 mai suivant, le préfet de l'Allier a donné délégation à M.E..., sous-préfet de Montluçon, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Delavoët, secrétaire général de la préfecture, tous arrêtés, décisions, circulaires, contrats et conventions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certaines matières, au nombre desquelles ne figure pas la police des étrangers ; que, dès lors qu'il n'est pas établi que M. Delavoët n'ait pas été absent ou empêché, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'incompétence en tant qu'il est signé par M. E...doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

8. Considérant, en troisième lieu, que l'erreur matérielle commise par le préfet sur la date de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ainsi que l'omission de mentionner la présence en France du frère de l'intéressé, de sa belle-soeur et de leurs enfants sont sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour contesté ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du courrier rédigé par l'intéressé le 31 mars 2015 et de l'imprimé renseigné le même jour, que M. B... a présenté une demande tendant à la délivrance " d'une carte de séjour vie privée et familiale " sans préciser le fondement légal de sa demande ni expressément évoquer l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels ; qu'eu égard aux motifs exposés à l'appui de sa demande, faisant en particulier référence aux raisons ayant justifié son départ d'Albanie et à son arrivée en France accompagné de son frère, de sa belle-soeur et de leur fils aîné, le préfet de l'Allier ne s'est pas mépris sur la demande dont il était saisi en regardant celle-ci comme présentée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, il n'était pas tenu de l'examiner sur un autre fondement et notamment celui de l'article L. 313-14 de ce code, non invoqué expressément par M. B...à l'appui de sa demande ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

11. Considérant que le requérant fait valoir qu'il est arrivé en France avec son frère, sa belle-soeur et leurs deux enfants, qu'il justifie d'un contrat de travail et qu'il doit être présent aux côtés de sa belle-soeur malade ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B...est arrivé irrégulièrement sur le territoire français à l'âge de vingt-et-un ans, un peu plus de deux ans seulement avant la décision en litige ; que son frère et sa belle-soeur, de même nationalité que lui, font également l'objet de refus de titre de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français dont la légalité est confirmée par arrêts de la cour de ce jour ; que l'intéressé, qui est célibataire et sans enfant, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et nonobstant la volonté et les capacités d'intégration en France de M. B..., qui justifie avoir conclu un contrat de travail, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant que, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " et que ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

14. Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

15. Considérant que M. B... soutient qu'en cas de retour en Albanie et du fait de l'application de la loi du Kanun, il s'expose aux agissements violents d'une famille de son village avec laquelle sa propre famille est en conflit ; que, toutefois, il n'établit pas la réalité des faits allégués ni l'actualité des risques que lui-même et sa famille encourraient personnellement en cas de retour en Albanie ; qu'au demeurant, la demande d'asile qu'il a présentée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il n'est donc aucunement établi que l'intéressé est personnellement et actuellement exposé à des violences ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Albanie ou que les autorités de ce pays ne soient pas en mesure de lui apporter une protection suffisante ; que, par suite, le préfet de l'Allier n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 décembre 2016.

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N° 15LY03859


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03859
Date de la décision : 27/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : LYONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-12-27;15ly03859 ?
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