Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 mai 2016 du préfet de l'Ardèche portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à destination du pays dont il a la nationalité, lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée de 2 ans et ordonnant son placement en rétention.
Par un jugement n° 1603864 du 30 mai 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a renvoyé devant une formation collégiale de droit commun les conclusions dirigées contre la décision du 25 mai 2016 du préfet de l'Ardèche portant refus de titre de séjour et annulé les décisions du 25 mai 2016 de la même autorité portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et placement en rétention.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er juillet 2016, le préfet de l'Ardèche demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 30 mai 2016.
Il soutient que :
- il n'a pas commis d'erreur de droit en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A...et en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions législatives et réglementaires applicables jusqu'au 1er novembre 2015 dans le cadre du régime transitoire instauré par la loi portant réforme de l'asile du 29 juillet 2015 et son décret d'application ;
- il était en situation de compétence liée pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... qui ne soutient pas qu'il encourait des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;
- il pouvait refuser d'accorder à M. A...un délai de départ volontaire et une assignation à résidence dès lors qu'il ne présentait pas de garanties suffisantes ;
- l'interdiction de retour, qui a été prise après une appréciation globale des 4 critères légaux, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 19 août 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2016.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- le décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel,
- et les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., ressortissant albanais, serait entré en France le 3 septembre 2015, selon ses déclarations, à l'âge de 27 ans ; qu'il s'est présenté le 9 septembre 2015 aux services de la préfecture du Rhône pour y déposer le 30 octobre 2015 une demande d'asile ; que, par une décision du 21 septembre 2015, le préfet de ce département a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'Albanie est inscrit sur la liste des pays d'origine sûr et a placé sa demande sous le régime de la procédure prioritaire ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 11 janvier 2016 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, le 24 mai 2016, il a été interpellé par les services du commissariat de police de Guilherand-Granges (Ardèche) pour des faits de vol en réunion ; que, par des décisions du 25 mai 2016, le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de 2 ans et a ordonné son placement en rétention ; que, par un jugement du 30 mai 2016 dont le préfet de l'Ardèche relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a, d'une part, renvoyé devant une formation collégiale de droit commun les conclusions dirigées contre la décision du 25 mai 2016 du préfet de l'Ardèche portant refus de titre de séjour et, d'autre part, annulé les décisions du 25 mai 2016 de la même autorité portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et placement en rétention ;
Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné :
2. Considérant que le paragraphe 8 de l'article 31 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour 1'octroi et le retrait de la protection internationale détermine les dix cas dans lesquels les États membres peuvent décider d'accélérer une procédure d'examen d'une demande de protection internationale dans le respect des principes de base et des garanties fondamentales mentionnés par la directive ; qu'au nombre de ces cas, figure celui dans lequel le demandeur provient d'un pays d'origine sûr ;
3. Considérant qu'en vertu du paragraphe 1 de l'article 46 de la même directive, les demandeurs doivent disposer d'un recours effectif devant une juridiction contre les " décisions considérant une demande comme infondée " ; qu'aux termes du paragraphe 5 de ce même article : " Sans préjudice du paragraphe 6, les Etats membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu'à l'expiration du délai pour l'exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l'attente de l'issue du recours " ; que le paragraphe 6 de cet article réserve la possibilité pour les États membres, pour les décisions prises après examen dans le cadre d'une procédure accélérée, de déroger à ce principe sous réserve qu'une juridiction soit compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l'État membre ; que le paragraphe 8 prévoit, en outre, que le demandeur est autorisé à rester sur le territoire de l'État membre dans l'attente de l'issue de la procédure visant à décider s'il peut rester sur le territoire ; que ces dispositions doivent s'appliquer, en vertu de l'article 52 de la directive, aux demandes d'asile introduites après le 20 juillet 2015 ;
4. Considérant que le 2° de l'article L. 741-4 et l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction antérieure à la loi du 29 juillet 2015 ayant transposé en droit national la directive 2013/32/UE, sont restés applicables, en vertu de l'article 30 du décret du 21 septembre 2015 pris pour l'application de cette loi, jusqu'au 1er novembre 2015 ; que leurs dispositions combinées prévoient que l'étranger qui provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr et qui demande à bénéficier de l'asile ne bénéficie du droit de se maintenir en France que jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet ; qu'il s'ensuit qu'en application de ces dispositions, l'exercice d'un recours à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour nationale du droit d'asile ne présente pas de caractère suspensif et n'induit aucun droit au maintien sur le territoire français pour l'intéressé ;
5. Considérant toutefois qu'en vertu de l'article L. 512-3 du même code, et comme le prévoit le paragraphe 6 de l'article 46 de la directive, l'obligation de quitter le territoire français éventuellement prise à l'encontre de l'intéressé ne peut être exécutée d'office avant l'expiration du délai prévu pour exercer un recours contentieux à son encontre et 1'exercice de ce recours contentieux suspend son caractère exécutoire jusqu'à la fin de l'instance ;
6. Considérant, en outre, qu'il incombe, en ce cas, au juge saisi de la contestation de la légalité d'une obligation de quitter le territoire français, alors qu'un recours est pendant devant la Cour nationale du droit d'asile, de vérifier, au titre de son éventuel droit au maintien sur le territoire, que le demandeur d'asile provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr ; qu'il revient également au juge, si l'intéressé soutient devant lui, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, qu'en cas de retour dans son pays il serait exposé à des risques pour sa vie ou à des traitements inhumains et dégradants, d'apprécier le caractère réel et sérieux de ces risques ;
7. Considérant que, dans ces conditions, les dispositions du 2° de l'article L. 741-4 et de l'article L. 742-6 du code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable jusqu'au 1er novembre 2015, ne méconnaissent pas les dispositions combinées des articles 31, 32 et 46 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;
8. Considérant que l'Albanie figure sur la liste des pays d'origine sûrs, au sens de l'article 37 et de l'annexe I de la directive 2013/32/UE, telle qu'elle a été arrêtée par le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 9 octobre 2015 ;
9. Considérant qu'il s'ensuit que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon s'est fondé, pour annuler l'obligation faite le 25 mai 2016 à M. A..., ressortissant albanais, de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, les autres décisions du même jour, sur la méconnaissance du droit de M. A...de rester sur le territoire français dans l'attente de l'issue de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile, alors même que sa demande d'asile avait été présentée entre le 20 juillet et le 1er novembre 2015 ;
10. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...;
Sur les autres moyens :
11. Considérant que, par un arrêté du 22 janvier 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Ardèche a donné à M. Paul-Marie Claudon, secrétaire général de la préfecture, signataire des décisions contestées, délégation à l'effet de signer tous les arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Ardèche à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions concernant l'éloignement des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les décisions litigieuses auraient été signées par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté ;
12. Considérant qu'en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français dont le préfet de l'Ardèche a assorti le refus de titre de séjour, sur le fondement des dispositions du 2° et du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour qui est suffisamment motivée en droit et en fait par la circonstance que n'ayant obtenu ni le statut de réfugié politique, ni la protection subsidiaire, M. A...ne peut prétendre à la délivrance ni de la carte de résident prévue au 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-13 du même code ; que la décision refusant d'accorder à M. A...un délai de départ volontaire vise le f) du 3° du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait état du risque que l'intéressé se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre dès lors qu'il ne présente pas de garanties de représentations suffisantes, ne subvenant à ses besoins qu'au moyen d'activités illicites et étant sans domicile fixe ; que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français vise le quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'entrée en France de M. A...est très récente, qu'il n'a pas de famille dans ce pays, que sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile a été rejetée par le préfet du Rhône le 21 septembre 2015, que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en procédure prioritaire le 11 janvier 2016, qu'il n'a pas quitté volontairement le territoire français, qu'il n'a pas d'activité légale, qu'il reconnaît les faits de vol en réunion du 24 mai 2016 et qu'il a déjà été mis en cause pour des faits de dégradation de biens le 7 octobre 2015, même si ces faits ne représentent pas une menace pour l'ordre public ; que la mesure de placement en rétention vise l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est fondée sur la circonstance que M. A...ne dispose pas de garanties de représentation ; que, dès lors, les décisions du 25 mai 2016 litigieuses sont suffisamment motivées ;
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont entrées en vigueur le 1er novembre 2015, étaient inapplicables à la situation de M.A..., dont la demande d'asile a été présentée le 30 octobre 2015 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant ;
14. Considérant qu'aux termes du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...)3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) " ;
15. Considérant que, si M. A...produit à l'instance une attestation d'hébergement datée du 26 mai 2016, cette attestation est postérieure à la date à laquelle l'obligation de quitter le territoire français sans délai est intervenue et n'est pas de nature à établir qu'à cette date il n'était pas sans domicile fixe, vivant dans la rue et n'ayant pas d'adresse fixe, ainsi qu'il l'a déclaré lors de son audition le 25 mai 2016 par les services de police dans le cadre d'une enquête de flagrance pour des faits de vol en réunion ; que, par suite, le préfet n'a ni méconnu les dispositions précitées du f) du 3° du II. de l'article L. 511-1, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'accorder à M. A...un délai de départ volontaire ;
16. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...). " ;
17. Considérant que la motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans prononcée à l'encontre de M.A..., reprise au point 12, atteste de la prise en compte par le préfet de l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées, critères qui ne sont pas, contrairement à ce qui est soutenu, cumulatifs ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Ardèche aurait méconnu ces dispositions ; que le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
18. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'une décision d'assignation à résidence peut être prise à l'égard de l'étranger qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A...ne présentait pas de telles garanties ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'en préférant son placement en rétention administrative à une assignation à résidence, le préfet de l'Ardèche aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Ardèche est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 25 mai 2016 obligeant M. A...à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à destination du pays dont il a la nationalité, lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée de 2 ans et ordonnant son placement en rétention ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 30 mai 2016 est annulé en tant qu'il annule les décisions du 25 mai 2016 du préfet de l'Ardèche obligeant M. A... à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à destination du pays dont il a la nationalité, lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée de 2 ans et ordonnant son placement en rétention.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lyon relative aux décisions administratives mentionnées à l'article 1er est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D...A...et au préfet de l'Ardèche.
M. Fraisse, président de la cour,
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel et M.B..., présidents-assesseurs,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
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N° 16LY02236