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01/12/2016 | FRANCE | N°15LY02377

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 5, 01 décembre 2016, 15LY02377


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007, à concurrence de 48 000 euros.

Par un jugement n° 1203354 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 9 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics

demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007, à concurrence de 48 000 euros.

Par un jugement n° 1203354 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 9 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 mars 2015 ;

2°) de rejeter la demande de M. B...devant le tribunal administratif et de rétablir celui-ci au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 2007 à concurrence des cotisations supplémentaires dont la décharge a été prononcée par les premiers juges, soit 36 288 euros en droits et pénalités.

Il soutient que :

- la somme de 100 000 euros en litige constitue des intérêts au sens de l'article 124 du code général des impôts ;

- les moyens soulevés en première instance, tirés de la méconnaissance de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et du caractère injustifié des pénalités pour manquement délibéré, ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2015, M.B..., représenté par Me Chareyre, demande à la cour :

- de rejeter le recours du ministre ;

- de réformer le jugement attaqué, en tant qu'il ne lui a pas accordé la décharge de la totalité des impositions mises à sa charge au titre de l'année 2007 et des majorations pour manquement délibéré et a rejeté ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration ne rapporte pas la preuve que la somme perçue en 2007 serait un revenu imposable en tant qu'intérêts financiers ;

- l'administration a méconnu l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- l'application de la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré,

- les conclusions Mme Bourion, rapporteur public,

- et les observations de Me Chareyre, avocat de M.B....

1. Considérant que lors de la création de la SCI Résidence Chauvin qui a pour objet la construction et la vente d'un ensemble immobilier à Aubenas, M. B...a, le 24 juillet 2006, souscrit dix parts sociales au prix unitaire de 1 000 euros et lui a fait un apport de 90 000 euros en compte courant ; que, le même jour, M. B...a conclu avec la SARL Cirrus, agissant en qualité d'associée de la SCI Résidence Chauvin, une convention de rachat de parts aux termes de laquelle la SARL Cirrus s'est engagée, d'une part, à racheter à M. B...entre le 1er février et le 30 mars 2007 ses droits dans la SCI Résidence Chauvin en appliquant un coefficient multiplicateur de 11 à l'apport initial effectué au capital de la SCI et, d'autre part, à lui rembourser, solidairement avec la SCI Résidence Chauvin, son compte courant créditeur ; que M. B...a fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle à l'issue duquel l'administration, constatant qu'il avait perçu de la SARL Cirrus des sommes de 100 000 euros le 31 juillet 2007 et de 100 000 euros le 6 mars 2008, a estimé que ces sommes devaient être regardées comme correspondant, d'une part, à la rémunération prévue au contrat du 24 juillet 2006 et, d'autre part, au remboursement du compte courant, ces sommes devant s'imputer prioritairement sur le rachat des parts sociales ; qu'elle a par conséquent estimé que le rachat pour un montant de 110 000 euros des parts sociales acquises pour un montant total de 10 000 euros formait un revenu de 100 000 euros devant être soumis à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2007 sur le fondement de l'article 124 du code général des impôts ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du 19 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de M. B...tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007 à concurrence de 24 000 euros et des majorations correspondantes et rejeté le surplus de ses conclusions ; que par un appel incident, M. B... demande la décharge de la totalité des impositions et majorations mises à sa charge au titre de l'année 2007 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 124, relatif aux revenus de capitaux mobiliers, du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article (...) les intérêts, arrérages, primes de remboursement et tous autres produits : / 1° Des créances hypothécaires, privilégiées et chirographaires, à l'exclusion de celles représentées par des obligations, effets publics et autres titres d'emprunts négociables entrant dans les prévisions des articles 118 à 123 ; / 2° Des dépôts de sommes d'argent à vue ou à échéance fixe, quel que soit le dépositaire et quelle que soit l'affectation du dépôt ; / 3° Des cautionnements en numéraire ; / 4° Des comptes courants. / 5° Des clauses d'indexation afférentes aux sommes mises ou laissées à la disposition d'une société par ses associés ou ses actionnaires. " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir acquis dix parts sociales de la SCI Résidence Chauvin, M. B...a signé, le 24 juillet 2006, une convention avec la SARL Cirrus qui s'est obligée à les racheter entre le 1er février 2007 et le 30 mars 2007 pour un montant correspondant à onze fois leur prix d'achat ; que ce coefficient multiplicateur de 11 est désigné par la convention comme représentant " la rémunération de l'apport effectué en capital " ; que par cette convention, complétée par son annexe du 15 décembre 2006, la SARL Cirrus a obtenu le droit exclusif d'acquérir les parts de la SCI Résidence Chauvin détenues par M. B...; que celui-ci a acquis le droit de recevoir le prix de ces parts, soit 10 000 euros, majoré de la somme de 100 000 euros, qui constitue donc le produit de sa créance sur la SARL ; que cette somme présente, par suite, le caractère de revenus de capitaux mobiliers, en vertu de l'article 124 du code général des impôts ; que si la cession des parts n'est pas encore intervenue, cette circonstance ne s'oppose pas à la qualification qu'a donnée l'administration à cette l'opération ; que, par suite, c'est à tort que, pour réduire l'imposition en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que cette somme de 100 000 euros ne constituait pas l'un des revenus énumérés audit article 124 ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. B...;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. (...) " ;

6. Considérant que pour imposer la somme en litige sur le fondement de l'article 124 du code général des impôts au titre de l'année 2007, l'administration s'est bornée, comme elle était en droit de le faire, à considérer que la valeur de rachat des parts sociales de M.B..., fixée par la convention du 24 juillet 2006, était dépourvue d'aléa et sans lien avec la valeur vénale de la SCI Résidence Chauvin, de sorte qu'elle constituait les intérêts d'un capital ; que cette analyse est confirmée par la lettre même de ladite convention qui mentionne, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, que la somme versée à M. B...correspond à la rémunération de l'apport effectué en capital ; que si M. B...conteste le bien-fondé de cette qualification, cela ne permet pas d'en déduire que l'administration aurait implicitement mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit ; qu'ainsi, l'administration n'a pas méconnu l'article L. 64 du livre des procédures fiscales en ne mettant pas en oeuvre la procédure qu'il prévoit ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ;

8. Considérant qu'en faisant valoir que M. B...n'a effectué aucune déclaration au titre de l'opération en cause, alors qu'il ne pouvait ignorer que l'opération générerait un profit imposable au titre de l'année 2007, le service des impôts établit le manquement délibéré entraînant l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées ; que M. B...n'est pas fondé à se prévaloir de l'instruction 13-N-1-07 du 19 février 2007, qui ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a accordé la réduction des impositions litigieuses ; que, d'autre part, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le tribunal administratif a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 mars 2015 est annulé.

Article 2 : M. B...est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre de l'année 2007 à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui ont été assignés.

Article 3 : Les conclusions de M. B...sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

M. Pourny, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.

5

N° 15LY02377


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 15LY02377
Date de la décision : 01/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : CHAREYRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-12-01;15ly02377 ?
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