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22/11/2016 | FRANCE | N°15LY00405

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 22 novembre 2016, 15LY00405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 février 2014 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1405656 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2015, Mme C..., représent

ée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 février 2014 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1405656 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2015, Mme C..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 novembre 2014 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa situation, le tout sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- elle produit un certificat médical démontrant que le traitement qu'elle suit en France n'est pas substituable par un médicament disponible en Arménie, de sorte que le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- ces dernières décisions méconnaissent l'article 3 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 24 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 27 juillet 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 19 juillet 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Savouré.

1. Considérant que Mme C..., ressortissante arménienne née le 6 mai 1970, est entrée irrégulièrement en France le 26 juillet 2011 avec son époux, selon ses déclarations ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 mars 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 décembre 2012 ; que par arrêté du 27 février 2014, le préfet du Rhône a refusé de lui octroyer le titre de séjour qu'elle avait sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a assorti ce refus de décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que Mme C... relève appel du jugement du 13 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant que, par un avis du 28 juin 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que les soins qu'implique son état de santé doivent être poursuivis pour une durée de six mois et que l'intéressée ne peut avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'à l'appui de cet avis, l'intéressée a produit en première instance un certificat médical d'un médecin, chef de clinique dans le service de médecine interne de l'hôpital de la Croix Rousse à Lyon, mentionnant qu'elle est atteinte d'un lupus érythémateux systémique avec atteinte rénale et cardiaque et que sa maladie est traitée à l'aide de corticoïdes et des médicaments immunosuppresseurs Plaquenil et Cellcept ; que le préfet du Rhône, qui n'a pas suivi l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, a produit en première instance la liste des médicaments essentiels en Arménie, parmi lesquels sont mentionnés le Plaquenil et les corticoïdes ; que s'agissant du Cellcept, le préfet ajoute qu'il s'agit d'un immunosuppresseur dont plusieurs sont disponibles en Arménie d'après la même liste ; que Mme C...produit néanmoins, pour la première fois en appel, un nouveau certificat du même praticien, daté du 17 décembre 2014, duquel il ressort que le Cellcept ne peut dans l'immédiat être substitué par un autre immunosuppresseur et qui mentionne notamment " qu'une modification de son traitement, actif sur ce lupus d'emblée gravissime, avec atteinte rénale et cardiaque, pourrait avoir comme conséquence (...) des atteintes vitales " ; que si ce document est postérieur à l'arrêté en litige, il précise les éléments d'un état médical antérieur à celui-ci ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le préfet du Rhône ne peut être regardé comme apportant des éléments suffisants pour remettre en cause la présomption, résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, suivant laquelle l'état de santé de la requérante est de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, en refusant à Mme C...un titre de séjour, le préfet du Rhône a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ce refus doit donc être annulé, de même que, par voie de conséquence, les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que l'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;

9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;

10. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, l'état de santé de Mme C... justifie toujours que lui soit délivré un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet délivre à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa situation dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification de cet arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Considérant que Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à payer à cette dernière ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 novembre 2014 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Rhône du 27 février 2014 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de la munir, dans un délai de quinze jours, d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me B... la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 novembre 2016.

6

N° 15LY00405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00405
Date de la décision : 22/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : ZOCCALI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-11-22;15ly00405 ?
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