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10/11/2016 | FRANCE | N°15LY00698

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 10 novembre 2016, 15LY00698


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

- de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrativ

e.

Par un jugement n° 1203320 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

- de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1203320 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge demandée par M. et MmeB..., mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 25 février 2015 et des mémoires enregistrés le 17 août 2015 et le 23 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 décembre 2014, en tant qu'il concerne les cotisations supplémentaires de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme B...les impositions susmentionnées.

Il soutient que :

- si, comme l'a jugé le tribunal administratif, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont bien été mises en recouvrement avant l'entretien avec le supérieur hiérarchique, en méconnaissance de la charte du contribuable vérifié rendue applicable par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, il n'en va pas de même, en revanche, des cotisations supplémentaires de contributions sociales ;

- le crédit bancaire de 1 035 000 euros en litige constitue bien une distribution imposable entre les mains de M. et Mme B...en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

- les achats de vins faits par M. B...constituent une distribution occulte imposable entre ses mains en application du c) de l'article 111 du même code ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré est justifiée.

Par des mémoires enregistrés les 12 juin 2015 et 21 septembre 2015, M. et MmeB..., représentés par MeD..., concluent au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le vice de procédure retenu par le tribunal administratif s'étend à l'ensemble des impositions contestées ;

- le crédit bancaire de 1 035 000 euros en litige ne constitue pas une distribution imposable entre les mains de M. et Mme B...en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

- les achats de vins constituent des cadeaux qui sont des dépenses déductibles en application du 5 de l'article 39 du code général des impôts, tel qu'interprété par la doctrine administrative, de sorte qu'elles ne pouvaient être considérées comme des distributions ;

- la majoration pour manquement délibéré doit faire l'objet d'une décharge par voie de conséquence de la décharge des impositions principales et n'est, en outre, pas justifiée par l'administration.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite de vérifications de comptabilités de la société RAIL, d'une part, et de la société Investim, d'autre part, M. et Mme B...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, à l'issue duquel ils ont été assujettis, au titre des années 2007 et 2008, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social, notifiées selon la procédure contradictoire, résultant, notamment, de l'imposition entre les mains de M.B..., sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, de crédits bancaires en provenance de la société RAIL d'un montant total de 1 035 000 euros et, sur le fondement du c) de l'article 111 du même code, à raison de factures d'achat de vin d'un montant total de 2 047 euros TTC que M. B...a reconnu avoir acquis à des fins personnelles ; que M. et Mme B...ont obtenu la décharge de ces impositions par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 décembre 2014 ; que le ministre relève appel de ce jugement, en ce qu'il a fait porter la décharge sur la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale et le prélèvement social ;

2. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration " ; qu'aux termes du paragraphe 5 du chapitre III de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur départemental ou principal. (...) Si, après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur (...) " ; que ces dispositions assurent au contribuable qui en fait la demande la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de rectification, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis avec l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dans les conditions qu'elles précisent ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir pris connaissance des réponses faites le 19 novembre 2010 par l'administration à leurs observations sur les rectifications qui leur avaient été notifiées le 6 août 2010, M. et Mme B...ont demandé, par une lettre du 8 mars 2011, la saisine du supérieur hiérarchique du vérificateur ; qu'il est constant que cette lettre a été reçue le lendemain par l'administration ; que si, comme l'a relevé le tribunal administratif, l'entretien avec l'inspecteur principal des impôts chargé du dossier s'est déroulé le 4 avril 2011, soit postérieurement à l'établissement, le 31 mars 2011, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, le rôle en vertu duquel ont été mises en recouvrement les cotisations supplémentaires de contributions sociales en litige n'a, en revanche, été homologué que le 6 juin 2011, soit postérieurement audit entretien, de sorte que ces dernières impositions ont été établies à la suite d'une procédure régulière ; que, dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé, pour ce motif, la décharge des cotisations supplémentaires de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social en litige ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B...;

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ;

6. Considérant qu'en 1999 la société RAIL, qui appartient à parts égales à M. A...et M. B..., a procédé à l'absorption de trois SCI qui appartenaient aux mêmes associés, et reçu en apport à cette occasion trois immeubles situés à Vienne, aux 159-161 rue Lafayette et aux 41 et 45 rue Druge, lesquels avaient été acquis préalablement entre 1993 et 1995, pour des montants de 400 000, 730 000 et 1 100 000 francs ; que lors de la vente de ces immeubles en 2007 pour un montant total de 4 189 000 euros, seule une somme de 990 000 euros a été payée à la société RAIL, tandis que le surplus, soit 3 209 000 euros, correspondant selon les associés aux sommes que ceux-ci auraient avancées en compte-courant aux SCI lors des travaux de réhabilitation, devait leur être versé pour une moitié chacun ; que l'administration a regardé cette somme comme une distribution imposable entre les mains des associés sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; que n'ayant pu démontrer au cours de la procédure contradictoire que l'appréhension de la somme de 1 035 000 euros par associé, elle a limité les rehaussements de ce chef de rectification à cette somme ; que si les requérants font valoir que compte tenu de l'état délabré des immeubles lors de leur acquisition initiale et de ce qu'ils ont ensuite été mis en location en tant que logements sociaux, des travaux ont nécessairement été accomplis, ils ne sont, en revanche, pas en mesure de produire le moindre élément démontrant le montant de ces travaux, alors qu'aucune dette envers ses associés n'a été inscrite au passif du bilan de la société RAIL lors de l'inscription de ces actifs en comptabilité en 1999 pour un montant total de 2 147 457,83 euros, ce qui correspond à une forte réévaluation comparativement à leur valeur d'acquisition par les SCI entre 1993 et 1995 et, en outre, à une somme inférieure à celle que le contrat de vente prévoyait de leur attribuer en 2007 ; que si M. et Mme B...font valoir que la somme de 1 035 000 euros a été soumise aux droits d'enregistrement, ils n'indiquent en quoi cette circonstance ferait obstacle, à elle seule, à son imposition entre leurs mains au titre des impôts en litige dans la présente instance ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : (...) e. Les cadeaux de toute nature, à l'exception des objets de faible valeur conçus spécialement pour la publicité (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) " ;

8. Considérant que l'administration a regardé des achats de bouteilles de vin au cours de l'année 2007 pour un montant de 2 047 euros comme des distributions imposables sur le fondement du c) de l'article 111 précité ; qu'au cours de la vérification de la société Investim, M. B...a admis que ces achats avaient été effectués pour ses besoins personnels ; que dans ces conditions, et dès lors que M. et Mme B...se bornent à alléguer, sans apporter le moindre élément au soutien de leurs affirmations, que ces bouteilles de vin constitueraient des cadeaux aux personnels de banques et partenaires financiers de la société, dont le montant serait déductible en application de l'article 39 précité du code général des impôts, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve que ces achats de vins constituent une distribution occulte imposable sur le fondement du c) de l'article 111 du même code ;

9. Considérant, enfin, que l'instruction du 22 mars 1967 et la documentation administrative 4 C-457 du 30 octobre 1997 invoquées par le requérant et depuis lors reprises sous la référence BOI-BIC-CHG-40-60-30 du 12 septembre 2012, ne font pas, en tout état de cause, de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui en est faite dans le présent arrêt ; que, par suite, les intéressés ne peuvent utilement s'en prévaloir ;

Sur les majorations :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;

11. Considérant qu'en invoquant, d'une part, l'absence de production de la moindre pièce justifiant l'existence des travaux et leurs modalités de règlement, l'absence de dette de la société RAIL envers M.B..., ainsi que ses qualifications professionnelles dans le domaine immobilier, l'administration établit, s'agissant de l'appréhension d'une partie du prix de vente des immeubles, l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt ; qu'en invoquant, d'autre part, le caractère intentionnel et reconnu par M. B...de l'achat de vin à titre personnel, l'administration démontre également l'intention d'éluder l'impôt s'agissant de ce chef de rectification ; que, par suite, l'administration justifie le bien-fondé de la majoration de 40 % pour manquement délibéré mise à la charge de M. et Mme B...sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon, faisant droit à la demande de M. et MmeB..., a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 ; qu'il y a lieu de rétablir ces impositions à concurrence d'un montant total de 142 784 euros en droits et 71 407 euros en pénalités ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. et Mme B...une somme au titre des frais exposés à l'occasion du litige ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 décembre 2014 est annulé en tant qu'il concerne les cotisations supplémentaires de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de prélèvement social auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 sont remises à leur charge à concurrence d'un montant total de 142 784 euros en droits et 71 407 euros en pénalités.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2016.

2

N° 15LY00698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00698
Date de la décision : 10/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-01-04 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : MOULINIER, DULATIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-11-10;15ly00698 ?
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