Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. La SNC Ultramarine 1101 a, sous le n° 1307663, demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2012.
II. Le directeur régional des finances publiques de Rhône-Alpes et du département du Rhône a, sous le n° 1406864, soumis d'office au tribunal administratif de Lyon la réclamation de la SNC Ultramarine 1101 tendant au dégrèvement de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2013.
Par un jugement nos 1307663-1406864 du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la SNC Ultramarine 1101 et sa réclamation soumise d'office.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 juin 2015, et par des mémoires complémentaires, enregistrés les 30 décembre 2015 et 8 janvier 2016, la SNC Ultramarine 1101, représentée par Me Netter, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 avril 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'exerce aucune activité professionnelle en France et n'est, par suite, pas redevable de la cotisation foncière des entreprises sur le fondement de l'article 1447 du code général des impôts ; en effet, son activité de location de matériels est exercée en Nouvelle-Calédonie uniquement ; son siège social en France n'est qu'une adresse de domiciliation et non son siège de direction effectif ; elle ne met en oeuvre aucun moyen matériel ou intellectuel en France ;
- l'instruction du 20 mai 1955 ne permet pas son assujettissement à la cotisation foncière des entreprises dans la mesure où elle ne possède en France que son siège social ;
- elle exerce son activité au moyen d'un établissement stable situé en Nouvelle Calédonie et, dès lors, devrait être imposable dans ce dernier territoire en application des articles 5 et 7 de la convention fiscale signée entre la France et la Nouvelle-Calédonie ;
- le fait qu'elle dépose ses déclarations de bénéfices en France est dû à la situation particulière de ses associés, lesquels, étant résidents fiscaux en France, y sont imposables en application de l'article 19 de la convention, et ne permet donc pas de la soumettre à la cotisation foncière des entreprises ;
- l'administration fiscale a fait droit à des réclamations déposées par des sociétés se trouvant dans des situations identiques à la sienne et a dégrevé les cotisations foncières des entreprises mises à la charge desdites sociétés ; elle doit bénéficier d'un traitement identique en application du principe d'égalité des contribuables devant les charges publiques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 6 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre le gouvernement de la République Française et le Conseil de Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, signée les 31 mars et 5 mai 1983 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meillier,
- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public.
1. Considérant que la SNC Utramarine 1101, dont le siège est à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône), a pour objet la location simple ou de longue durée à des entreprises exerçant leur activité dans les départements et territoire d'outre-mer de tous biens d'équipements ou immobiliers à destination professionnelle éligibles aux dispositions du code général des impôts relatives à l'aide fiscale à l'investissement dans les départements et territoires d'outre-mer ; qu'elle a été assujettie, dans les rôles de la commune de Sainte-Foy-lès-Lyon, à une cotisation foncière des entreprises au titre des années 2012 et 2013, selon les modalités applicables à la cotisation minimum prévue par le 1 du II de l'article 1647 D du code général des impôts ; que, par jugement du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions ; que la SNC Ultramarine 1101 relève appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé de l'assujettissement à la cotisation foncière des entreprises :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : " I. La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. (...) / III. - Les personnes et sociétés mentionnées au I ne sont pas soumises à la cotisation foncière des entreprises à raison de leurs activités qui ne sont assujetties ni à l'impôt sur les sociétés ni à l'impôt sur le revenu en raison des règles de territorialité propres à ces impôts. " ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " (...) les associés des sociétés en nom collectif (...) sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...) " ; que les sociétés ainsi régies par l'article 8 du code général des impôts ont une personnalité distincte de celle de leurs membres et exercent une activité qui leur est propre ; que, dès lors que cette activité est exercée en France, les bénéfices de cette activité y sont imposables ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SNC Ultramarine 1101, dont le siège social est situé à Sainte-Foy-lès-Lyon, dépose ses déclarations de résultats auprès du service des impôts des entreprises de Lyon Sud ; qu'elle est gérée par la SARL Ultramarine, dans les locaux de laquelle elle est domiciliée et qui est elle-même dirigée par M. Roudil, lequel est domicilié dans le Rhônedomicilié... ; que sa seule activité a consisté à acquérir un véhicule de tourisme et une pelle hydraulique et à donner ces matériels en location à deux entreprises implantées en Nouvelle-Calédonie ; qu'elle ne conteste pas ne fournir aucune prestation annexe, distincte de la mise à disposition des matériels loués, à ses locataires ; qu'elle n'établit ni même n'allègue disposer en Nouvelle-Calédonie, en dehors des biens meubles loués, d'aucun établissement, installation, matériel, personnel ou représentant ; qu'elle ne produit aucun élément tendant à démontrer que les actes correspondant à son activité, et notamment ceux relatifs aux relations avec ses fournisseurs et clients, sont accomplis en Nouvelle-Calédonie ; que, dans ces conditions, la SNC Ultramarine 1101 doit être regardée comme exerçant son activité de location en France, où elle a son siège et où elle est gérée, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les biens loués sont situés en Nouvelle-Calédonie ; que, par suite, les bénéfices de la SNC Ultramarine 1101 sont imposables en France en application du droit interne ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de la convention fiscale signée entre la France et la Nouvelle-Calédonie : " La présente convention s'applique aux personnes qui sont des résidents d'un territoire ou des deux territoires " ; qu'aux termes du 1 de l'article 4 de cette même convention : " Au sens de la présente convention, l'expression "résident d'un territoire" désigne toute personne qui, en vertu de la législation de ce territoire, est assujettie à l'impôt dans ce territoire, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 7 de ladite convention : " Les bénéfices d'une entreprise d'un territoire ne sont imposables que dans ce territoire, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre territoire par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre territoire mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de la convention précitée : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression "établissement stable" comprend notamment : / a. Un siège de direction ; / b. Une succursale ; / c. Un bureau ; / d. Une usine ; / e. Un atelier, et / f. Une mine, un puits de pétrole ou de gaz, une carrière ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 19 de la même convention : " Les éléments du revenu d'un résident d'un territoire, d'où qu'ils proviennent, qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente convention ne sont imposables que dans ce territoire. " ;
6. Considérant qu'il incombe au juge de l'impôt de rechercher si une convention internationale relative aux doubles impositions fait obstacle à l'imposition en France de revenus qui y sont imposables en application du droit interne ; qu'en l'absence dans la convention applicable au litige de stipulations relatives aux revenus réalisés ou perçus par une société relevant du régime des sociétés de personnes, il lui appartient de faire application de la convention à la société requérante, qui, eu égard à son régime rappelé ci-dessus, est susceptible d'être regardée comme résidente de France en application des articles 1er et 4 de cette convention, et de vérifier qu'aucune de ses stipulations ne s'oppose à l'imposition en France de ces revenus ;
7. Considérant que le territoire d'imposition des bénéfices d'une entreprise est déterminé par l'article 7 de la convention, et que, dès lors, les stipulations de l'article 19 de cette convention sont sans incidence sur le territoire d'imposition de l'activité de la SNC Ultramarine ; qu'eu égard aux éléments relevés au point 4 du présent arrêt, la société requérante, entreprise résidente de France, ne peut sérieusement soutenir que son siège social sis à Sainte-Foy-lès-Lyon correspondrait à une simple adresse de domiciliation et que son siège de direction effectif se trouverait en Nouvelle-Calédonie ; que les matériels qu'elle donne en location ne sauraient, à eux-seuls, constituer des installations fixes d'affaires ; qu'ainsi, elle ne peut être regardée comme disposant en Nouvelle-Calédonie d'un établissement stable au sens de l'article 5 de la convention ; que, par conséquent, ses bénéfices ne sont imposables qu'en France en application des stipulations précitées de l'article 7 de la convention ;
8. Considérant, dans ces conditions, que l'activité de la SNC Ultramarine 1101 est imposable en France en raison des règles de territorialité applicables ; que, par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées des I et III de l'article 1447 du code général des impôts que la SNC Ultramarine 1101 a été soumise à la cotisation foncière des entreprises à raison de son activité ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante fait état d'une instruction du 20 mai 1955 selon laquelle " il n'y a pas lieu d'imposer une entreprise dont toutes les exploitations sont situées à l'étranger et qui ne possède en France que son siège social " ; que, toutefois, à supposer même qu'elle ait ainsi entendu invoquer les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, elle ne peut utilement se prévaloir de cette instruction, qui est relative à la patente, pour contester la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge ;
10. Considérant, en troisième et dernier lieu, que, si la SNC Ultramarine 1101 relève que, saisi de réclamations déposées par des sociétés se trouvant dans des situations identiques à la sienne, le directeur régional des finances publiques de Guadeloupe a prononcé le dégrèvement de la cotisation foncières des entreprises mise à la charge desdites sociétés, elle ne peut utilement se prévaloir de ces dégrèvements, au demeurant non motivés, prononcés en faveur d'autres contribuables pour faire échec à l'imposition en litige qui, ainsi qu'il vient d'être dit, a été établie conformément à la loi fiscale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité des contribuables devant les charges publiques ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC Ultramarine 1101 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SNC Ultramarine 1101 demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SNC Ultramarine 1101 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Ultramarine 1101 et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
M. Meillier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mars 2016.
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N° 15LY02143