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03/12/2015 | FRANCE | N°13LY00026

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 03 décembre 2015, 13LY00026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Charly a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de son exercice du 15 décembre 2006 au 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1005464 du 6 novembre 2012, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2013, et un mémoire, enregistré le 8 octobre 2015, la SARL Charly,

représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 novembre 2012 ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Charly a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de son exercice du 15 décembre 2006 au 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1005464 du 6 novembre 2012, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2013, et un mémoire, enregistré le 8 octobre 2015, la SARL Charly, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 novembre 2012 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé l'administration fiscale ainsi que le tribunal administratif, les surloyers versés en 2006 à la SCI Candice Brives par ses locataires ne peuvent être rattachés en totalité à l'année 2006 sur le fondement du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts et doivent, au contraire, être étalés sur toute la durée des baux en application du a du 2 bis du même article ; en effet, ces surloyers, qui rémunèrent des travaux supplémentaires effectués à la demande des locataires pour les besoins spécifiques de leurs activités, sont accessoires à la prestation principale et continue de mise à disposition des locaux et ne constituent pas une prestation distincte et dissociable de la location ; ces surloyers n'ont pas été versés à raison de travaux déjà achevés à la date de conclusion des baux, l'administration n'apportant pas la preuve de la réalisation et de l'achèvement des travaux ; le ministre n'établit pas davantage que les loyers prévus au bail intègrent l'accroissement de valeur locative résultant des travaux réalisés, lequel est donc rémunéré par les suppléments de loyers prévus par les contrats ; en outre, les surloyers en litige ne peuvent être assimilés à un droit d'entrée ou à un droit au bail, les locataires n'ayant acquis aucun actif du fait de la réalisation des travaux et ayant seulement joui pendant la durée du bail des agencements et aménagements réalisés ; la réponse ministérielle Cardo du 1er septembre 2009 et la documentation de base 4 A 242 ne permettent pas davantage de fonder l'imposition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2013, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable à hauteur de la rectification, non contestée, de 35 198 euros effectuée en 2007 au titre des charges d'assurance non déductibles ;

- les sommes en litige ont été versées à la SCI Candice Brives en contrepartie de travaux réalisés pour les besoins spécifiques des preneurs et achevés au moment de la conclusion des baux commerciaux ; à cet égard, la réalisation des travaux est établie au vu des stipulations de ces baux ; ainsi, les sommes en cause correspondent à une prestation ponctuelle, dissociable de la prestation principale et continue de mise à disposition des locaux, et ne peuvent être ni assimilées à un droit au bail ni rattachées au loyer résultant des baux ; dès lors, elles constituent non pas des surloyers, mais des pré-loyers et doivent, par suite, être imposées au titre de l'exercice de leur achèvement, conformément aux dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meillier,

- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public.

1. Considérant que la SCI Candice Brives, dont la SARL Charly détient 99 % des parts, a acquis le 19 mai 2006 un ensemble immobilier sis 127 avenue Charles Dupuy à Brives-Charensac (Haute Loire) et composé de locaux à usage commercial donnés en location par le précédent propriétaire à quatre locataires exploitant des commerces sous l'enseigne " Grand Frais ", par baux commerciaux d'une durée de neuf ans signés le 23 mars 2006 ; qu'au cours de l'année 2006, trois de ces locataires ont versé à la SCI Candice Brives des sommes d'un montant total de 928 049,37 euros, qualifiées dans les baux de surloyers et que la société requérante a comptabilisées dans un compte de produits intitulé " quote-part travaux " ; qu'estimant que ces sommes constituaient des compléments de loyers constatés d'avance, la SCI a réparti leur montant sur neuf ans ; que cette SCI a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 15 mars 2006 au 31 décembre 2007 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a notamment estimé, sur le fondement du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, que les sommes perçues par cette société à titre de " surloyers " devaient être intégralement rattachées à l'année 2006 et a rectifié en conséquence les résultats déclarés par la SCI au titre des années 2006 et 2007 ; que le service a tiré les conséquences des rectifications notifiées à la SCI Candice Brives sur le résultat de la SARL Charly de l'exercice clos le 31 décembre 2007 en assujettissant la SARL Charly à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de cet exercice en proportion des droits qu'elle détenait dans la SCI ; que, par jugement du 6 novembre 2012, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la SARL Charly tendant à la décharge de cette imposition ; que la SARL Charly relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient (...) l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : / a. Pour les prestations continues rémunérées notamment par (...) des loyers (...), au fur et à mesure de l'exécution (...) " ;

3. Considérant que l'article XII des baux commerciaux conclus avec les trois locataires concernés met à la charge des preneurs le paiement au bailleur de sommes qualifiées de " surloyers " en contrepartie de la réalisation par le bailleur de certains travaux supplémentaires afin de satisfaire aux besoins des activités respectives de chacun des locataires ; que ce même article indique que les travaux " ont été effectués " par le bailleur, " dûment mandaté par les locataires " ; qu'il prévoit la refacturation des travaux aux différents locataires, proportionnellement à la quote-part incombant à chacun, le paiement " dès à présent " d'un acompte correspondant à environ 90 % de la quote-part de chaque locataire, et un règlement ultérieur du solde ; qu'il précise qu'il ne pourra en aucun cas être tenu compte des sommes ainsi versées au moment de la révision des loyers ou au moment de la fixation du loyer des baux renouvelés ; qu'il stipule que la participation du preneur à la prise en charge des travaux n'emporte aucune novation, ni dérogation aux droits et obligations des parties ;

4. Considérant qu'il résulte des stipulations ci-dessus rappelées ainsi que de l'économie des contrats conclus le 23 mars 2006 que ceux-ci ont eu pour objet, d'une part, la réalisation par le bailleur de travaux supplémentaires répondant spécifiquement aux besoins des locataires et, d'autre part, la mise à la disposition desdits locataires par ce bailleur de locaux commerciaux ; que des prix distincts, qualifiés respectivement de " surloyers " et de " loyers ", ont été stipulés pour rémunérer les prestations rendues par le bailleur au titre, en premier lieu, de la réalisation des travaux et, en second lieu, de la mise à disposition des locaux ; qu'en invoquant les stipulations de l'article XII des contrats, le ministre apporte la preuve, qui lui incombe en raison de la procédure de rectification contradictoire mise en oeuvre, que les travaux prévus par cet article ont été effectivement réalisés et achevés avant la signature des baux commerciaux ; que la prestation consistant, pour le bailleur, à réaliser, à la demande des preneurs, des travaux d'aménagement et d'agencement spécifiques avant l'entrée des locataires dans les lieux, est dissociable de la prestation de mise à disposition des locaux dans la mesure où les preneurs auraient également pu réaliser ou faire réaliser eux-mêmes de tels travaux ; que cette prestation ponctuelle de travaux ne présente pas, dans son exécution, un caractère continu, alors même que les locataires pourront ensuite jouir pendant toute la durée du contrat des aménagements et agencements réalisés par le bailleur, ce qui au demeurant aurait également été le cas si les preneurs avaient réalisé ou fait réaliser les travaux par un tiers ; que la seule circonstance que lesdits aménagements et agencements demeurent... ;

5. Considérant, dans ces conditions, qu'en se fondant sur les contrats signés le 23 mars 2006, le ministre apporte la preuve qu'en faisant effectuer, avant le début de la location, des travaux répondant aux besoins spécifiques des preneurs, et en les refacturant ensuite, au moment de la conclusion des baux, à ses locataires, le bailleur a rendu à ces derniers un service distinct, ponctuel et individualisé qui ne constitue pas l'accessoire indissociable de la prestation ultérieure et continue de mise à disposition des locaux ; que, dès lors, les sommes versées à la SCI Candice Brives en 2006 en exécution de l'article XII des contrats ne constituaient pas des compléments de loyers et, par suite, ne pouvaient être réparties sur la durée des baux sur le fondement du a du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts et devaient être rattachées à l'exercice de l'achèvement des travaux, conformément aux dispositions du premier alinéa du 2 bis de ce même article 38 ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration a rattaché les " surloyers " perçus par la SCI Candice Brives à l'année 2006, au cours de laquelle les travaux ont été achevés, puis a rectifié en conséquence les résultats de cette société au titre des années 2006 et 2007 ;

En ce qui concerne la doctrine administrative :

6. Considérant que, si la SARL Charly entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle Cardo du 1er septembre 2009, elle ne saurait utilement invoquer cette doctrine postérieure à la date d'expiration du délai de déclaration, s'agissant du second alinéa de l'article L. 80 A, ainsi qu'à la date de mise en recouvrement de l'imposition primitive, s'agissant du premier alinéa de ce même article ; que, de même, si la société requérante évoque la documentation de base 4 A 242, elle ne fait état d'aucune prévision de cette doctrine comportant une interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application ci-dessus ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, la SARL Charly n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL Charly demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Charly est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Charly et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2015.

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N° 13LY00026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00026
Date de la décision : 03/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif - Profits de toute nature.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : CABINET IXA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-03;13ly00026 ?
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