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20/07/2015 | FRANCE | N°13LY00652

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 20 juillet 2015, 13LY00652


Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2013, présentée pour la société Plaisir Auto, dont le siège est 7 chemin des Seignes Route de Carmignan à St Didier au Mont D'or (69370), représentée par son gérant en exercice, par MaîtreA..., de la SELARL MBA et associés, avocat ;

La société Plaisir Auto demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907164 du 22 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er nov

embre 2004 au 31 mars 2007 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées...

Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2013, présentée pour la société Plaisir Auto, dont le siège est 7 chemin des Seignes Route de Carmignan à St Didier au Mont D'or (69370), représentée par son gérant en exercice, par MaîtreA..., de la SELARL MBA et associés, avocat ;

La société Plaisir Auto demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907164 du 22 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er novembre 2004 au 31 mars 2007 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées, ainsi que des pénalités et amendes y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la procédure est irrégulière car, en soutenant que la réalité est différente de sa situation juridique, l'administration s'est implicitement mais nécessairement placée sur le terrain de l'abus de droit, sans l'aviser des garanties légales dont elle aurait pu bénéficier, notamment la saisine du comité consultatif de l'abus de droit ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas fondés car c'est à tort que l'administration a considéré qu'elle n'exerçait pas une activité d'intermédiaire mais de négociant ; elle se présentait comme un intermédiaire transparent à la vente, ne disposait pas des infrastructures nécessaires à un négociant, n'était pas propriétaire des voitures, elle facturait ses commissions à ses fournisseurs étrangers et toutes les factures étaient établies par ces derniers au nom des clients français ; que, par ailleurs, si la demande d'assistance effectuée auprès des autorités espagnoles a révélé l'existence d'une double facturation des négociants étrangers, elle n'avait aucune raison de le soupçonner et a engagé une action civile contre le dirigeant de la société DMF Europea ; cette pratique de double facturation ne peut lui être imputée alors que les fournisseurs étrangers ont adressé aux particuliers acquéreurs leurs factures démontrant ainsi qu'ils connaissaient son rôle d'intermédiaire ;

- les pénalités et amendes qui lui ont été appliquées ne sont pas fondées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- la requête est partiellement irrecevable en ce qui concerne l'amende prévue à l'article 1788 A 4° du code général des impôts pour défaut de motivation ;

- la procédure est régulière car la procédure d'abus de droit n'est pas applicable quand l'administration procède à des rectifications fondées sur une qualification des actes ou des faits différente de celle donnée par le contribuable, sans dénoncer les actes comme fictifs ni invoquer un montage destiné à éluder l'impôt ;

- les impositions sont bien fondées car c'est à bon droit qu'elle a remis en cause le statut d'intermédiaire transparent de la société requérante ; cette dernière ne peut davantage être qualifiée d'intermédiaire opaque " dans la mesure où les sociétés espagnoles et luxembourgeoises n'exercent réellement aucune activité de négoce de véhicules, que leur rôle se limite à celui de facturier et, de ce fait, la société plaisir Auto ne peut leur servir d'intermédiaire " ; par ailleurs, la société requérante ne pouvait ignorer qu'elle ne pouvait appliquer le régime de taxation sur la marge ;

- l'application de pénalités pour manoeuvres frauduleuses est fondée ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 février 2014, présenté pour la société Plaisir Auto, représentée par Maître Zapf, avocat ; elle persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et soutient, en outre, que :

- le moyen tirée d'une irrecevabilité partielle de sa requête n'est pas fondé car elle a clairement indiqué dans ses conclusions initiales la portée exacte et complète de sa demande ;

- l'administration a procédé à un abus de droit rampant en disqualifiant des contrats (factures de vente, factures de commission et bons de réservation) et de manière constante lui a reproché le but exclusivement fiscal de ses opérations d'approvisionnement ;

- le fait qu'un de ses fournisseurs ait établi un jeu de facture à son nom ne traduit pas la réalité des opérations en cause alors qu'elle a porté plainte en Espagne contre cet opérateur ; elle s'est placée sans ambiguïté dans la situation d'un mandataire transparent ; un mandat écrit n'était pas nécessaire et il n'est pas interdit à un mandataire de s'entremettre dans le règlement de la transaction ;

- les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ne sont pas fondées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances ; il conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Le ministre fait en outre, valoir que :

- par un jugement correctionnel du 7 juin 2013 non définitif, les co-gérants de la SARL Plaisir Auto ont été condamnés pour fraude fiscale au titre de faits commis en 2006 et 2007 ;

- que l'administration persiste à soutenir que la requalification juridique des contrats découle de la seule analyse des conditions de fonctionnement de l'entreprise, que les opérations ne sont pas fictives et ne relèvent pas d'un montage destiné uniquement à éluder l'impôt et partant que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne procèdent pas de la rectification d'un abus de droit ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 avril 2014, présenté pour la société Plaisir Auto ; elle conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

Vu la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2015 :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;

- les observations de Me Nikolic, avocat de la société Plaisir Auto ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 juin 2015, présentée pour la société Plaisir Auto ;

1. Considérant que la SARL Plaisir Auto, qui exerce une activité dans le négoce de véhicules automobiles d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a fait l'objet, selon la procédure de rectification contradictoire, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période 1er novembre 2004 au 31 mars 2007 ; que l'administration a, d'une part, remis en cause la qualité de mandataire transparent, dont la SARL Plaisir Auto se prévalait sur le fondement de l'article 259 A 6° du code général des impôts et a considéré que la société requérante, agissant en tant que négociant, devait être imposée sur le prix de vente total de ces véhicules ; qu'elle a, d'autre part, rappelé la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à des acquisitions intracommunautaires de véhicules qui auraient été réalisées par la SARL Plaisir Auto et n'auraient pas été déclarées ; que les rappels de taxe sur la valeur ajouté en cause ont été assortis d'intérêts de retard, d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses et, en ce qui concerne les livraisons intracommunautaires non déclarées, de l'amende de 5 % prévue à l'article 1788 A. 4 du code général des impôts ; que la SARL Plaisir Auto relève appel du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 22 janvier 2013 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés ainsi que des pénalités et amendes y afférentes ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le ministre :

2. Considérant que le ministre de l'économie et des finances soutient que la requête est partiellement irrecevable à défaut de tout moyen tendant à la décharge de l'amende de 5 % visée à l'article 1788 A 4° du code général des impôts ; que, toutefois, la société requérante a contesté dans sa requête d'appel le rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent aux livraisons intracommunautaires établi sur le fondement d'informations obtenues dans le cadre de l'assistance administrative internationale et sollicité en conséquence le dégrèvement des rappels en résultant et des pénalités y amendes y afférentes ; qu'elle a ainsi, par les mêmes moyens que ceux invoqués à l'encontre de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée, également contesté l'amende de 5 % qui lui a été appliquée ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances ne peut être accueillie ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, que la SARL Plaisir Auto soutient avoir exercé, au cours de la période du 1er novembre 2004 au 31 mars 2007, une activité en qualité de mandataire automobile transparent, rémunérée à la commission pour des opérations d'entremise qu'elle avance avoir réalisées entre des clients français désirant acquérir des véhicules automobiles d'occasion, et les sociétés Proservice TGNA S.L, Véhiculos Fusion S.L, DMF Europea S.L, AA Center S.L, Umbral del Comercio S.L, Comptoir Luxembourgeois Automobile SA et Autaxion SA, qui acquéraient elles-mêmes lesdits véhicules auprès de fournisseurs allemands ; qu'il résulte de la proposition de rectification du 16 juin 2008 et du mémoire en défense du 20 juin 2013, que l'administration a considéré que la société requérante ne pouvait pas se prévaloir de la qualité de mandataire transparent et ne pouvait davantage être qualifiée d'intermédiaire opaque " dans la mesure où les sociétés espagnoles et luxembourgeoises n'exercent réellement aucune activité de négoce de véhicules, que leur rôle se limite à celui de facturier et, de ce fait, la société plaisir Auto ne peut leur servir d'intermédiaire " ; que l'administration, qui ne mentionne pas le fondement légal du rappel de taxe sur la valeur ajoutée en cause, a précisé dans la proposition de rectification que la société Plaisir Auto " agit manifestement en tant que simple négociant de véhicules automobiles " ;

4. Considérant que la société requérante soutient, sans être contestée, qu'elle " n'était jamais propriétaire des véhicules en cause, objet des transactions dans lesquelles elle s'entremettait " ; que l'administration se borne à faire valoir que la société Plaisir Auto n'était pas intermédiaire transparent et qu'elle n'ignorait pas que la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge n'était pas applicable ; que ces circonstances ne permettent pas d'établir que la société requérante avait, ainsi que le soutient l'administration, la qualité de négociant de véhicules d'occasion effectuant des opérations d'achat-revente de véhicules ;

5. Considérant, en second lieu, que l'administration a imposé la société requérante à la taxe sur la valeur ajoutée au titre d'acquisitions intracommunautaires non déclarées qu'elle aurait effectuées auprès des sociétés espagnoles Proservice TGNA S.L, DMF Europea S.L, Véhiculos Fusion S.L, AA Center S.L et Umbral del Comercio S.L et auprès des sociétés luxembourgeoises Comptoir Luxembourgeois Automobile SA et Autaxion SA, pour des montants totaux de 2 311 921 euros au titre de l'année 2005, de 5 115 275 euros au titre de l'année 2006 et de 1 078 767 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 mars 2007 ; qu'elle a ainsi estimé que la société Plaisir Auto n'avait ni la qualité d'intermédiaire transparent ni celle d'intermédiaire opaque et qu'elle a effectué des opérations d'achat puis de revente de véhicules d'occasion et qu'elle était ainsi imposable sur le fondement des articles 256 bis I 1°, 283.2 bis et 269-2-d du code général des impôts sur le prix de vente des véhicules qu'elle aurait revendus à des clients français ; qu'elle soutient qu'il résulte des informations obtenues dans le cadre de l'assistance administrative internationale, d'une part, que les sociétés DMF Europea S.L, Autaxion, véhiculos fusion S.L, AA Center S.L et Proservice TGNA S.L ont acquis leurs véhicules auprès de fournisseurs, essentiellement allemands sous le régime général des acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, que l'enquête administrative a révélé l'existence " d'un jeu de factures établies par la société DMF Europea S.L au nom de la société Plaisir Auto pour un montant de 3 390 588 euros au titre de 2006 ; que la société Plaisir Auto soutient avoir agi en qualité d'intermédiaire transparent et n'avoir ainsi jamais été propriétaire des véhicules en cause ;

6. Considérant qu'il est constant que la société Plaisir Auto, qui s'est présentée comme un intermédiaire transparent, a produit lors du contrôle les factures de vente de véhicules établies par les sociétés susmentionnées au nom des clients français ; que, d'une part, si l'administration invoque " l'existence d'un double jeu " de factures en provenance de la société DMF Europea S.L, elle n'établit ni même n'allègue que les factures établies par cette dernière société au nom des clients français seraient fictives ou falsifiées alors que la société Plaisir Auto fait valoir, sans être contredite, que cette pratique de double facturation ne peut lui être imputée ; qu'en outre, le flux financier dont fait état l'administration selon lequel la société Plaisir Auto encaisse les sommes payées par les clients français et les reverse sans délai aux sociétés espagnoles ou luxembourgeoises n'établit pas que la société requérante aurait acquis puis revendu ces véhicules ; que, d'autre part, la circonstance que les informations obtenues dans le cadre de l'assistance administrative ont révélé les véhicules en cause avaient été acquis par les sociétés espagnoles et luxembourgeoises auprès de fournisseurs essentiellement allemands sous le régime général des acquisitions intracommunautaires et que ces sociétés ne pouvaient dès lors appliquer le régime de taxation de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge n'établit pas pour autant que la société Plaisir Auto a acquis les véhicules en cause ; qu'enfin, si l'administration fait valoir que la société Plaisir Auto n'avait pas la qualité d'intermédiaire transparent, qu'elle n'ignorait pas que la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge n'était pas applicable et que le volume d'affaires qu'elle réalisait avec les sociétés DMF Europea S.L, AA Center S.L et Véhiculos Fusion S.L était important, ces circonstances ne permettent pas d'établir que la société requérante a acquis les véhicules en cause et a exercé une activité de négociant de véhicules d'occasion effectuant des opérations d'achat-revente de véhicules ;

7. Considérant que, dans ces conditions, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Auto Plaisir au titre d'une activité de négociant ne sont pas fondés ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de la procédure et les autres moyens invoqués, la SARL Plaisir Auto est fondée à soutenir c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er novembre 2004 au 31 mars 2007 ainsi que des pénalités y afférentes et de l'amende de 5 % prévue à l'article 1788 A. 4 du code général des impôts ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à la société Plaisir Auto d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0907164 du Tribunal administratif de Lyon en date du 22 janvier 2013 est annulé.

Article 2 : La société Plaisir Auto est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au de la période du 1er novembre 2004 au 31 mars 2007 ainsi que des pénalités correspondantes et de l'amende de 5% qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1788 A 4° du code général des impôts.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 ( mille cinq cents) euros à la société Plaisir Auto.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Plaisir Auto et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2015, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Bourion, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juillet 2015.

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