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07/07/2015 | FRANCE | N°14LY02846

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 juillet 2015, 14LY02846


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à l'indemniser des préjudices résultant de l'intervention qu'elle a subie le 13 février 2006 et qu'elle évalue à la somme de 250 000 euros ;

- de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert dans le cadre de l'instance n° 1200886 ;

- de condamner cet établissement aux dépens de l'instance.

Dans le dernier état de

ses écritures devant le tribunal administratif, elle a demandé qu'une contre-expertise soit ordonné...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à l'indemniser des préjudices résultant de l'intervention qu'elle a subie le 13 février 2006 et qu'elle évalue à la somme de 250 000 euros ;

- de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert dans le cadre de l'instance n° 1200886 ;

- de condamner cet établissement aux dépens de l'instance.

Dans le dernier état de ses écritures devant le tribunal administratif, elle a demandé qu'une contre-expertise soit ordonnée et qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du rapport de l'expert.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme a demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser une somme de 7 820,59 euros correspondant aux dépenses qu'elle a exposées pour son assurée, avec les intérêts et les intérêts des intérêts et une somme de 997 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du rapport de l'expert désigné dans l'instance n°1200886.

Par un jugement n° 1200885 du 8 juillet 2014, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de Mme A...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et a mis à la charge de l'Etat, dans le cadre de l'aide juridictionnelle, les frais de l'expertise.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 septembre 2014, Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2014 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

2°) d'ordonner avant dire-droit une contre-expertise ;

3°) de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert ;

4°) à titre subsidiaire, de juger que la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est engagée ;

5°) d'ordonner avant dire-droit une expertise médicale pour déterminer ses préjudices selon la nomenclature Dintilhac ;

6°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été opérée au centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand le 13 février 2006 d'une polypose nasale ; son état s'est cependant dégradé et elle a dû être hospitalisée à plusieurs reprises ; des examens complémentaires ont permis d'établir la présence des streptocoques et staphylocoques aureus, dont elle impute la transmission à l'intervention du 13 février 2006 et à l'absence de soins consciencieux, attentifs et conformes aux données de la science ; elle aurait aussi été soignée pour le syndrome de Churg Strauss alors qu'elle ne souffrait pas de cette maladie ; elle souffre désormais d'asthme cortico-dépendant alors qu'elle ne souffrait pas d'asthme avant cette opération et n'a pas été informée de ce risque de dépendance ;

- le jugement est irrégulier car les premiers juges n'ont pas répondu à sa demande de contre-expertise formulée par mémoire du 9 avril 2014 ;

- la chronologie ne permet pas de corroborer l'analyse de l'expert judiciaire sur la préexistence du staphylocoque à l'intervention chirurgicale ; l'expert a précisé qu'elle a été prise en charge par le CHU pour une polypose nasale résistante et dépendante à la cortisone car elle souffrait d'un " bronchospasme de toux à répétition, d'une hyper-éosinophilie sanguine et d'une polypose nasosinusienne " ; l'expert n'a jamais évoqué une infection antérieure à l'intervention ; son asthme, contrairement à ce qu'indique l'expert, n'était pas déclaré avant l'intervention du 13 février 2006 et la corticothérapie suivie se résumait à 2 à 3 cures de Solupred par an ; l'intervention devait permettre une reperméabilisation de la fosse nasale après ces 3 cures ; lors de la première consultation post-chirurgicale du 31 mai 2006, soit 3 mois après l'intervention, il a seulement été prescrit une corticothérapie nasale quotidienne sans interruption devant être suivie à vie, ce qui suppose que les prélèvements réalisés lors de l'opération sont revenus négatifs, sans quoi il aurait dû lui être prescrit une antibiothérapie majeure alors qu'aucun suivi n'a été proposé par le centre hospitalier ;

- l'expert confirme que son état a évolué vers une " atteinte pulmonaire secondaire " et qu'il lui a été diagnostiqué soit une pathologie pulmonaire à éosinophiles, soit une maladie de Churg et Strauss, qui est une vascularite ou une maladie auto-immune ; la gêne respiratoire mixte nasale et bronchique a été détectée très vite et postérieurement à l'intervention du 13 février 2006, comme le mentionne le compte-rendu de la consultation du 13 juillet 2006, et non pas en 2008, comme l'indique l'expert ;

- les clichés thoraciques du 24 juillet 2006 confirment l'existence d'un foyer infectieux siégeant certainement à la base antérieur du lobe supérieur droit ;

- son état s'est dégradé du fait d'une broncho-pneumopathie aigue infectieuse dyspnéisante, ce qui a conduit à la majoration de son traitement et à une prise en charge pour affection de longue durée à compter du 24 octobre 2007 ;

- l'expert a omis d'indiquer l'existence de nombreuses colonies de streptocoques pneunomia lors de l'examen du 6 mars 2008 et s'est borné à évoquer le staphylocoque retrouvé non lors de la biopsie du 26 juin 2009, mais lors de la biopsie du 3 juillet 2009 suite à son hospitalisation du 23 au 26 juin 2009, causée par une aggravation du " syndrome inflammatoire biologique avec sueur nocturne, amaigrissement et lésion cutanée " ;

- une hospitalisation pour biopsies a été réalisée le 2 juillet 2009 sous anesthésie générale ; ces biopsies ont confirmé la présence d'un staphylloccus aureus multi-résistant dans la fosse nasale gauche mais aussi dans le sinus maxillaire droit, alors que l'expert a omis d'évoquer cette multi-résistance ;

- alors qu'elle est porteuse d'une bactérie multi-résistante aux antibiotiques (BMR), le CHU, malgré plusieurs hospitalisations, ne mentionne pas cette BMR ni le streptocoque au niveau pulmonaire ;

- l'expert se contredit en affirmant, d'une part, que les infections dont elle souffre " sont strictement chirurgicales après chirurgie ethmoïdale " et, d'autre part, que " le staphylocoque dont elle parle préexistait à la chirurgie ", " que 2/3 des patients atteints de polypose nanosinusienne sont porteurs de staphylocoque aureus, qu'elle aurait pu développer cette pathologie spontanément en dehors de toute chirurgie des sinus " ; l'expert reconnaît une infection liée à l'acte chirurgicale mais ne la reconnaît pas comme nosocomiale, sans aucune explication ;

- en matière d'infection, la jurisprudence ne distingue plus l'origine endogène ou exogène d'un germe ;

- elle apporte la preuve que l'infection n'existait pas avant l'intervention chirurgicale du 13 février 2006 et qu'il n'existait pas seulement un staphylocoque au niveau des sinus, mais également un streptocoque pneunomia au niveau pulmonaire ;

- le CHU n'apporte pas la preuve du contraire alors que l'expert parle d'infections " strictement chirurgicales " ;

- contrairement à ce qu'écrit l'expert, son état de santé n'est pas identique avant et après l'intervention chirurgicale du 13 février 2006 ;

- l'expert soutient à tort qu'elle aurait eu un traitement adapté à son état quel que soit le diagnostic car un seul traitement existerait dès lors que sa pathologie n'est pas décrite par l'expert ;

- ses séquelles et ses préjudices ne sont pas non plus décrits par l'expert ;

- dans de telles circonstances et au regard des contradictions du rapport de l'expert, une contre-expertise est nécessaire ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité du CHU est engagée pour l'infection liée aux soins et le développement de l'activation de polynucléaires à éosinophile, mais aussi pour défaut d'information sur les risques liés à l'intervention subie ;

Par ordonnance du 27 novembre 2014, la clôture d'instruction a été fixée au 26 décembre 2014.

Par un mémoire enregistré le 22 décembre 2014, le CHU de Clermont-Ferrand conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les premiers juges se sont bien prononcés sur sa demande d'expertise en ce qui concerne la responsabilité pour faute dans le cadre de la réalisation d'un geste chirurgical ou dans les suites postopératoires de celui-ci, ainsi que sur la demande de contre-expertise dans le cadre de l'examen d'une infection nosocomiale, en refusant d'y faire droit ;

- le rapport de l'expert a déjà répondu sur l'origine des germes et sur le fait de savoir s'ils sont consécutifs aux soins lui ayant été dispensés au CHU de Clermont-Ferrand ; ce rapport est clair et n'est entaché d'aucune contradiction ;

- l'expert n'ayant retenu aucun manquement imputable au CHU ni aucun lien de causalité entre la prise en charge et les séquelles de la requérante, l'évaluation des préjudices n'était pas nécessaire ;

- une nouvelle expertise serait dépourvue d'utilité ;

- Mme A...n'a pas été victime d'une infection nosocomiale dès lors qu'en cas d'infection préexistante à l'hospitalisation, la responsabilité de l'établissement ne peut pas être recherchée et que l'expert indique que la patiente était porteuse du germe et que ce germe constituait un foyer infectieux préexistant aux actes effectués par l'hôpital ;

- l'infection nosocomiale doit être survenue au décours de l'intervention ;

- l'infection ne peut être qualifiée de nosocomiale que lorsque le germe étant déjà présent dans l'organisme, il est devenu pathogène à l'occasion de l'intervention chirurgicale ;

- l'expert écarte l'existence d'un lien de causalité entre les soins dispensés et les séquelles dont Mme A... souffre, en l'occurrence son asthme, la pathologie pulmonaire n'étant pas secondaire à une inflammation descendante issue des sinus et estime qu'elle a une pathologie rare avec une " muqueuse respiratoire déjà défaillante dans sa totalité avant la chirurgie et l'hyper éosinophilie préexistait à la chirurgie " ; il indique que son état clinique est une maladie orpheline qui n'est pas secondaire à une prise en charge médicale ou chirurgicale, ;

- son asthme n'est pas secondaire à la chirurgie des sinus et des symptômes préexistaient en 2005, avant la chirurgie ; elle présente une malade rare faite d'asthme hyper-éosinophilique dont on ne connaît pas la cause ;

- il n'y a pas eu de défaut d'information sur les risques liés à l'intervention du 13 février 2006 car Mme A...a été informée de tous les risques et a signé la feuille de consentement ; ses troubles sont sans lien avec l'intervention du 13 février 2006 ; il n'existait aucune alternative thérapeutique à l'intervention.

Par ordonnance du 31 décembre 2014, la clôture de l'instruction a été reportée au 28 janvier 2015.

Par lettres du 4 mai 2015, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce que la procédure devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand aurait été irrégulière à défaut de mise en cause de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), l'expert ayant mentionné page 4 de son rapport que Mme A...était agent territorial et devait passer en invalidité catégorie 2 en avril 2013.

Un mémoire, enregistré le 19 mai 2015, a été présenté pour Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que MmeA..., née le 24 juin 1962, souffrait d'une gêne respiratoire se traduisant par une obstruction et des sécrétions nasales ; qu'en mai 2005 a été posé le diagnostic de polypose nasosinusienne de stade II bilatérale ; qu'après un traitement corticoïde de 2 à 3 cures de Solupred par an et en l'absence de résultats probants durables, sa polypose a été considérée comme cortico-dépendante et cortico-résistante en janvier 2006 ; qu'il lui a alors été proposé une opération chirurgicale, consistant en une éthmoïdectomie bilatérale sous contrôle endoscopique par voie endo-nasale, afin de reperméabiliser la fosse nasale ; que Mme A...a subi cette intervention au centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand le 13 février 2006, sous anesthésie générale ; que les prélèvements histologiques réalisés à cette occasion ont mis en évidence des lésions inflammatoires subaiguës et chroniques ; que Mme A... a quitté le centre hospitalier universitaire le 14 février 2006 ; que le 13 juillet 2006, Mme A...ayant indiqué présenter une gêne respiratoire mixte nasale et bronchique, une consultation en pneumologie lui a été prescrite ; qu'un handicap ventilatoire a alors été constaté imposant un arrêt de travail ; qu'en octobre 2007, les explorations fonctionnelles respiratoires ont confirmé un handicap ventilatoire sévère justifiant une prise en charge dans le cadre des affections de longue durée en décembre 2007 ; que du fait de bronchites à répétition avec toux et crachats quotidiens, d'une altération de son état général, d'un syndrome inflammatoire et d'une hyperéosiniphilie, elle a été hospitalisée entre le 23 et le 26 juin 2009 ; qu'une biopsie réalisée le 3 juillet 2009 a permis de détecter sur sa fosse nasale gauche ainsi que sur son maxillaire droit la présence de staphylloccus aureus multi-résistant et notamment résistant à toutes les béta-lactamines ; qu'elle a été identifiée comme porteuse d'une bactérie multi-résistante aux antibiotiques " staphylocoques aureus méticilline R " ; qu'en raison d'un tableau de poumon inflammatoire dans un contexte d'atopie avec polypose sinusienne a été suspectée une maladie de Churg et Strauss à traiter sous forme de corticothérapie ; que le 14 septembre 2009, elle a été incluse dans un protocole de recherche CHUSPAN sur la maladie de Churg et Strauss ; que le 11 octobre 2012 a été posé le diagnostic d'un asthme hyperéosinophilique ; qu'estimant avoir été contaminée par un staphylocoque doré lors de l'intervention du 13 février 2006 au CHU Clermont-Ferrand et avoir suivi un traitement inadapté à son état, Mme A... a le 13 janvier 2012 adressé une demande indemnitaire préalable à cet établissement qui l'a rejetée ; qu'elle a saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande d'expertise en référé et d'une demande tendant à la condamnation du CHU de Clermont-Ferrand ; que par ordonnance du 14 juin 2012, le juge des référés du tribunal administratif a ordonné une expertise ; que par jugement du 8 juillet 2014, le Tribunal a rejeté ses conclusions à fin de contre-expertise et ses conclusions indemnitaires ; que Mme A... fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le jugement attaqué mentionne, au point 5 de ses motifs, qu'il n'est pas besoin d'ordonner une contre-expertise portant sur l'existence d'une infection nosocomiale ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis de se prononcer sur cette partie des conclusions de Mme A...manque en fait ;

Sur le défaut d'information :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. " ;

4. Considérant que selon l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, " les explications et consentements ont été fournis à l'opérée " ; que, dès lors, aucune faute du CHU de Clermont-Ferrand sur ce point n'est établie ;

Sur l'existence d'une infection nosocomiale :

5. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. " ;

6. Considérant que si ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale ;

7. Considérant que l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a indiqué que " le staphylocoque Methi R retrouvé dans les fosses nasales de MmeA... [lors de la biopsie des sinus du 26 juin 2009] est un phénomène tout à fait classique après chirurgie ethmoïdale mais qui ne peut pas être considéré comme d'origine noscomiale ", tout en mentionnant que " les infections dont souffre Mme A...sont strictement chirurgicales après chirurgie ethmoïdale " et que le " staphylocoque dont elle parle pré-existait à la chirurgie : dans deux tiers des cas les patients atteints de polypose nanosinusienne sont porteurs de staphylocoque aureus " ; que l'expert indique également que ce staphylocoque pourrait être responsable de la production locale d'enterotoxine aboutissant au recrutement et à l'activation de polynucléaires à éosinophile dont est actuellement atteinte la requérante et que " ce staphylocoque aureus était donc présent dans les fosses nasales de Mme A...avant l'intervention et est peut être responsable de la formation de polypes " ;

8. Considérant que Mme A...fait valoir, que l'expertise est émaillée de nombreuses contradictions dès lors que l'expert reconnaît une infection liée à un acte chirurgical mais n'explique pas en quoi cette infection ne peut pas être reconnue comme nosocomiale, alors qu'il n'y a pas lieu de distinguer selon l'origine endogène ou exogène d'un germe ; qu'elle indique aussi n'avoir jamais été porteuse de ce germe avant l'intervention du 13 février 2006 et que le CHU n'apporte aucun élément de preuve contraire ; qu'elle souligne que cette expertise est lacunaire car l'expert n'a jamais mentionné le caractère multi-résistant du staphyloccocus aureus détecté lors de la biopsie du 2 juillet 2009 non seulement dans sa fosse nasale gauche, mais aussi dans son sinus maxillaire droit ;

9. Considérant que, dans ces circonstances, les éléments du dossier ne permettent pas à la Cour de se prononcer sur l'existence d'une infection survenue au cours ou au décours de l'opération chirurgicale du 13 février 2006, qui n'aurait été ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge et, par suite, sur l'éventuel droit à réparation de MmeA..., à la fois dans son principe et dans son montant ; que, dès lors, il y a lieu, avant plus amplement dire droit, d'ordonner une expertise aux fins précisées ci-après ;

DECIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de MmeA..., procédé à une expertise, par un seul expert, en présence du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme. L'expert aura pour mission :

- après s'être fait communiquer le dossier médical de Mme A...et avoir procédé à un examen de cette dernière, de décrire son état de santé avant l'intervention chirurgicale du 13 février 2006, les conditions dans lesquelles elle a été prise en charge au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand le 13 février 2006 pour être opérée d'une polypose nasale et lors de ses hospitalisations successives ultérieures se rattachant à cette opération ; de décrire les examens et analyses biologiques réalisés, les soins prodigués, les traitements prescrits lors et après chaque hospitalisation en les distinguant ; de décrire les pathologies dont elle souffre actuellement et les origines, infectieuses ou non, de ces pathologies ;

- de dire si les infections chirurgicales mentionnées par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif comme consécutives à la chirurgie ethmoïdale résultent d'une infection présente ou en incubation au début de sa prise en charge par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand dans le cadre de l'opération du 13 février 2006, ou dans le cadre de l'hospitalisation du 23 au 26 juin 2009 ayant conduit à la biopsie des sinus, ou si cette infection été contractée au cours ou au décours de l'une ou l'autre de ces prises en charge ;

- dans le cas où cette infection a été contractée au cours ou au décours de ces prises en charge par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a pu avoir ou a eu des conséquences sur son état de santé, de décrire ces conséquences notamment sur son asthme ; s'il y a lieu, d'évaluer les pertes de chance potentielles d'amélioration de son état du fait d'une telle infection ;

- de fixer la date de consolidation de l'état de santé de MmeA..., d'évaluer le taux d'incapacité temporaire totale et partielle, le taux d'incapacité permanente partielle et son éventuelle incidence professionnelle, la date de consolidation, l'importance des souffrances endurées sur une échelle de 1 à 7 et l'ensemble des préjudices qui en résultent pour Mme A...dont préjudice sexuel, esthétique, d'agrément en distinguant la part imputable à une infection nosocomiale, c'est-à-dire survenant au cours et au décours d'une prise en charge par l'établissement hospitalier et n'étant ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge et celle ayant pour origine une autre cause ou pathologie ;

- de préciser les effets attendus de l'opération du 13 février 2006 et l'état actuel de la patiente ;

- de faire toute constatation utile.

Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la Cour.

Article 3 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 4 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 5 : L'expert communiquera un pré-rapport aux parties, en vue d'éventuelles observations, avant l'établissement de son rapport définitif. Il déposera son rapport au greffe en deux exemplaires.

Article 6 : Des copies de son rapport seront notifiées par l'expert aux parties. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la Cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 7 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2015 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2015.

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N° 14LY02846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02846
Date de la décision : 07/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : TREINS KENNOUCHE POULET VIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-07-07;14ly02846 ?
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