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25/06/2015 | FRANCE | N°13LY03073

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 25 juin 2015, 13LY03073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils mineur A...D..., a demandé au Tribunal administratif de Grenoble la condamnation du centre hospitalier spécialisé de la Savoie à lui verser la somme de 4 175 497 euros, outre intérêts de droit à compter de la date d'enregistrement de sa demande, en réparation de ses préjudices économiques et moraux résultant du décès de son conjoint, M. D..., dans cet établissement le 27 juillet 2011.

Par un jugement

n° 1203487 du 4 octobre 2013, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils mineur A...D..., a demandé au Tribunal administratif de Grenoble la condamnation du centre hospitalier spécialisé de la Savoie à lui verser la somme de 4 175 497 euros, outre intérêts de droit à compter de la date d'enregistrement de sa demande, en réparation de ses préjudices économiques et moraux résultant du décès de son conjoint, M. D..., dans cet établissement le 27 juillet 2011.

Par un jugement n° 1203487 du 4 octobre 2013, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2013, Mme C...B..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils mineur A...D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 4 octobre 2013 ;

2°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de la Savoie à lui verser une somme de 4 190 947 euros en réparation de ces préjudices économiques et moraux, outre intérêts à compter de la date d'enregistrement de sa demande ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé de la Savoie une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier a commis une faute en n'assurant pas une surveillance continue de M. D...compte tenu de son état et en le laissant utiliser seul une douche équipée d'un flexible sans la surveillance d'une aide soignante ou d'une infirmière ;

- l'organisation matérielle du service s'est révélée défectueuse, ce qui constitue une faute dans l'organisation du service, l'établissement n'ayant pris aucune mesure de précaution nécessaire pour limiter le risque de pendaison de M. D...qui n'avait consulté aucun médecin psychiatre durant ses premières heures d'hospitalisation ;

- son préjudice moral s'élève à 30 000 euros et celui de son fils à 20 000 euros ;

- son préjudice économique s'élève à 3 536 193 euros et celui de son fils à 604 754 euros.

Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2014, le centre hospitalier spécialisé de la Savoie conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la Cour limite le montant des préjudices moraux et sursoit à statuer sur les préjudices économiques dans l'attente des justificatifs, à titre infiniment subsidiaire au rejet de ces dernières demandes et, à titre encore plus infiniment subsidiaire, à la limitation du montant des préjudices économiques ;

- à la mise à la charge de Mme B...de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- Mme B...n'ayant pas mis en cause les organismes sociaux auxquels était affilié M.D..., en méconnaissance de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, sa demande était irrecevable ;

- il n'a commis aucune faute dans l'établissement du diagnostic et dans la prise en charge médicale de M. D...;

- la surveillance était adaptée à l'état du patient qui ne présentait aucun risque suicidaire faisant craindre un passage à l'acte ;

- la sécurité au sein du bâtiment d'hospitalisation était adaptée ;

- à titre subsidiaire, si la Cour estime que l'hôpital a commis des fautes en lien avec le décès, le dommage subi doit s'analyser en une perte de chance de survie qui ne saurait excéder 50 % ; les préjudices moraux devront ainsi être limités à 7 500 euros pour Mme B... et 5 000 euros pour l'enfant A...compte tenu de ce taux de perte de chance ; concernant les préjudices économiques, la Cour devra surseoir à statuer dans l'attente de la mise en cause de la caisse, de la production du contrat Axa France Vie et des justificatifs des versements effectués par Axa France Vie ; il appartient à la requérante de produire des documents complémentaires concernant les revenus du couple et une éventuelle pension de réversion ou un capital décès perçu ou à percevoir du fait du décès de son concubin ; dans l'attente de ces éléments, le préjudice économique devra être fixé à un montant de 169 753,11 euros pour Mme B...et à 17 603,75 euros pour l'enfant, après application de ce taux de perte de chance.

Par un mémoire enregistré le 17 janvier 2014, le centre hospitalier spécialisé de la Savoie conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que :

- le taux de perte de chance de survie ne saurait finalement excéder 25 % ;

- les préjudices moraux devront ainsi être limités à 3 750 euros pour Mme B...et 2 500 euros pour l'enfant A...compte tenu de ce taux de perte de chance ;

- le préjudice économique devra être fixé à un 84 876,55 euros pour Mme B...et à 8 801,87 euros pour l'enfant, après application de ce taux de perte de chance.

Par un mémoire enregistré le 18 avril 2014, Mme B... conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que les organismes sociaux étaient informés de la procédure engagée devant le Tribunal ; que la Cour ne pourra que déclarer sa demande recevable et appeler en cause, le cas échéant, les organismes sociaux auxquels M. D...était affilié.

Par un mémoire enregistré le 22 mai 2014, le centre hospitalier spécialisé de la Savoie conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 16 juillet 2014 la clôture d'instruction a été fixée au 20 août 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 17 février 2015 la clôture d'instruction a été reportée au 13 mars 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segado,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Romatif, avocat du centre hospitalier spécialisé de la Savoie.

1. Considérant que M. E...D..., âgé de 42 ans, souffrait depuis quinze jours d'une aggravation d'un syndrome dépressif pour lequel il était suivi depuis deux ans par son médecin traitant, lorsqu'il a été adressé par ce dernier au service des urgences du centre hospitalier d'Albertville le 26 juillet 2011 à 18 heures 13 pour cette " décompensation psychique " ; que M. D...a été ensuite transféré le jour même à 22 heures au centre hospitalier spécialisé de la Savoie sous le régime de l'hospitalisation sous contrainte à la demande de MmeB..., sa compagne et au vu de deux certificats médicaux établis par deux médecins du service des urgences du centre hospitalier d'Albertville eu égard à ce syndrome qui était accompagné d'un délire mystique et de persécution ; que M.D..., qui dormait profondément en raison d'un sédatif qui lui avait été précédemment administré, n'a pu consulter un psychiatre à son arrivée au centre hospitalier spécialisé ; que le lendemain vers 7 heures 30, M. D...s'est entretenu avec une infirmière ; qu'à 8 heures 05, il lui a fait part de son souhait de prendre une douche ; qu'à 8 heures 15 l'infirmière, revenue s'assurer de l'état de santé de M.D..., a constaté que ce dernier s'était pendu au flexible de la douche ; que M. D... a été transféré au service de réanimation du centre hospitalier de Chambéry où il est décédé deux jours plus tard ; que MmeB..., agissant en son nom personnel et pour le compte de son fils mineurA..., relève appel du jugement du 4 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé de la Savoie à les indemniser de leurs préjudices économiques et moraux résultant du décès de son conjoint ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.D..., qui était suivi depuis deux ans pour un état dépressif, ne présentait aucun antécédent suicidaire au moment où il a été admis au centre hospitalier spécialisé de la Savoie ; que ni le courrier du médecin traitant de M.D..., établi le 26 juillet 2011, sollicitant sa prise en charge après avoir notamment indiqué que l'intéressé a fait une crise mystique, disant " retrouver Dieu ", et qu'il était placé sous antidépresseur, ni les certificats médicaux établis par deux médecins du service des urgences du centre hospitalier d'Albertville ayant servi pour l'hospitalisation de l'intéressé sans son consentement au centre hospitalier spécialisé de la Savoie indiquant, pour le premier, que M. D...présentait un syndrome dépressif avec délire mystique et persécution, et pour le second, qu'il présentait une décompensation psychique avec désocialisation et " éléments délirants mystique et persécution ", ni le compte rendu du service d'accueil des urgences qui a aussi relevé que le patient souffrait d'un syndrome dépressif avec des troubles psychotiques, des insomnies, des problèmes de concentration, et un délire mystique et de persécution, n'ont fait état d'un risque suicidaire lors de son entrée au centre hospitalier spécialisé de la Savoie ;

3. Considérant que, si l'intéressé n'a pu bénéficier d'un entretien avec un médecin lors de son arrivée au centre hospitalier spécialisé de la Savoie dès lors qu'il dormait profondément en raison d'un sédatif qui lui avait été précédemment administré, il résulte de l'instruction et notamment du dossier d'hospitalisation du centre hospitalier spécialisé de la Savoie que le docteur Kismoune était présente lors de l'arrivée de M.D..., qu'elle a fait réaliser un examen médical concernant les fonctions cardiaques et respiratoires, qu'elle s'est entretenue avec le médecin urgentiste du centre hospitalier d'Albertville qui avait précédemment pris en charge l'intéressé, qu'elle a pris connaissance des éléments relatifs à l'état de santé de ce dernier et à son syndrome dépressif avec délire mystique et de persécution, et qu'elle a prescrit un traitement médicamenteux adapté à l'état de santé de M. D... ;

4. Considérant que si, comme l'expose la requérante, M. D...devait faire l'objet d'une surveillance constante, laquelle est fonction de la pathologie du patient, il résulte de l'instruction que celui-ci a été placé à son arrivée dans une chambre double, à proximité de la salle de soins des infirmiers, permettant à l'équipe de soins d'intervenir à tout moment en cas de besoin, les infirmières ayant assuré une surveillance durant la nuit et son sommeil ; qu'à son réveil vers 7 heures 30, une infirmière s'est entretenue avec lui ; que si cette infirmière l'a alors trouvé angoissé avec des idées noires et de persécutions, elle a ensuite relevé " un léger mieux " vers 8 heures 05 après s'être entretenu avec l'intéressé, qui était entre temps allé fumer dans le jardin et qui lui avait fait part de son souhait de prendre une douche ;

5. Considérant qu'aucun des éléments précédemment exposés, notamment l'état de santé et le comportement de l'intéressé, ne pouvaient laisser présager un risque de passage à l'acte ; qu'ainsi, ni la circonstance que l'infirmière l'a laissé seul pendant dix minutes pour prendre sa douche, ni celle que l'intéressé a été retrouvé pendu au flexible de la douche, ni celle qu'un médecin n'a pu s'entretenir avec lui ne sont révélatrices d'une faute de surveillance, d'organisation ou de fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier spécialisé de la Savoie ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de la Savoie à la demande devant le tribunal administratif, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé de la Savoie à l'indemniser, ainsi que son fils, des préjudices subis du fait du décès de M.D... ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier spécialisé de la Savoie sur le fondement de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... et les conclusions présentées par le centre hospitalier spécialisé de la Savoie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au centre hospitalier spécialisé de la Savoie

Délibéré après l'audience du 4 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juin 2015.

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N° 13LY03073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03073
Date de la décision : 25/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CABINET CHOULET- PERRON-BOULOUYS- AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-06-25;13ly03073 ?
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