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28/05/2015 | FRANCE | N°14LY03260

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 mai 2015, 14LY03260


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler les décisions du 5 mai 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1404257 du

23 septembre 2014, le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du préfet du Rhône d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler les décisions du 5 mai 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1404257 du 23 septembre 2014, le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du préfet du Rhône du 5 mai 2014 et a enjoint audit préfet de délivrer à M. C... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2014, le préfet du Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1404257 du Tribunal administratif de Lyon du 23 septembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le refus de titre a méconnu les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, au motif que n'était pas démontré que l'intéressé pourrait avoir un accès effectif aux soins appropriés à sa pathologie et à son état de dépendance, alors qu'il résulte de la nomenclature algérienne que le médicament que prend M. C...est disponible en Algérie et qu'eu égard à l'existence d'un système de sécurité sociale basé sur la gratuité des soins, l'accès effectif aux soins est démontré ; l'intéressé n'a pas produit de justificatifs démontrant son état de dépendance et son absence de ressources, alors qu'il n'est pas isolé dans son pays où résident son épouse et ses huit enfants majeurs.

Par un mémoire enregistré le 24 avril 2015, présenté pour M.C..., celui-ci conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le préfet du Rhône ne justifiait pas de la possibilité pour lui d'accéder effectivement à un traitement adapté à son état de santé ;

- le préfet du Rhône ne s'est pas livré à un examen particulier de sa demande, dès lors qu'il n'a pas porté d'appréciation sur la circonstance que, selon le médecin de l'agence régionale de santé, il ne peut voyager sans risque ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- il remplissait les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;

- il était fondé à prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien à raison de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix années et devait bénéficier de la protection du 10 ° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Sur sa proposition, le rapporteur public, désigné par le président de la Cour en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du même code par le président de la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 7 mai 2015 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les observations de Me Aguettant, avocat du préfet du Rhône.

Une note en délibéré présentée pour M. C...a été enregistrée le 8 mai 2015.

1. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, d'admettre M. C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2. Considérant que M. C..., né en 1942, de nationalité algérienne, entré en France, une première fois, en 1989, selon ses affirmations, qui avait sollicité, le 28 octobre 1997, la régularisation de sa situation, mais dont la demande avait alors été rejetée par une décision du 8 avril 1998, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, a fait ensuite l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 18 novembre 1998, puis été condamné, par un arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 20 juin 2002, à une peine d'une année d'emprisonnement, assortie d'une interdiction judiciaire du territoire français de trois années ; qu'il a ensuite obtenu, à compter du 21 juin 2011, la délivrance d'un certificat de résidence d'un an au titre de son état de santé, qui a été renouvelé jusqu'au 20 juin 2013 ; que sa demande de renouvellement de ce titre, présentée le 8 juillet 2013, a été rejetée par une décision du préfet du Rhône du 5 mai 2014, assortie d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination ; que le préfet du Rhône fait appel du jugement du 23 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé, sur la demande de M. C..., lesdites décisions préfectorales du 5 mai 2014 ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays " ;

4. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, si le préfet n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments, relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, qui l'ont conduit à considérer, nonobstant l'avis médical émis par ledit médecin de l'agence régionale de santé, que le demandeur ne remplissait pas les conditions posées par les stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé ;

5. Considérant que si M. C... a soutenu que les soins rendus nécessaires par son état de santé, caractérisé par la maladie de Parkinson, et qui s'était dégradé, nécessitant l'usage d'un fauteuil électrique, n'existaient pas dans sa ville d'origine où il n'avait plus aucune attache familiale, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des documents produits par le préfet du Rhône, notamment l'annuaire des établissements de santé algériens, ainsi qu'une fiche sur le CHU Mustapha Pacha de Sidi M'B... à Alger mentionnant la prise en charge de la maladie de Parkinson, un extrait de la nomenclature des médicaments algériens faisant apparaître le Modopar, qui est le médicament prescrit à M. C..., que l'offre de soins pour la pathologie dont M. C... est atteint existe dans son pays d'origine ; qu'il ressort également des pièces du dossier, et en particulier d'une fiche de l'ambassade de France en Algérie faisant état d'un système de santé fondé sur la gratuité des soins, que le régime algérien de sécurité sociale prévoit la prise en charge des soins et des médicaments, le cas échéant à 100 %, en fonction des revenus des personnes concernées ; qu'ainsi, en estimant que M. C..., qui ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'il ne pourrait être pris en charge par sa famille résidant dans ce pays, en particulier ses huit enfants majeurs, pourrait effectivement bénéficier de soins en Algérie, le préfet du Rhône n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit et n'a pas fait une inexacte application du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que c'est, dès lors, à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler la décision de refus de titre de séjour en litige ainsi, par voie de conséquence, que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;

7. Considérant qu'il incombe au préfet de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen d'une demande de titre de séjour mention "vie privée et familiale" présentée, sur le fondement des stipulations précitées du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, par un étranger malade ;

8. Considérant que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, le 14 août 2013, que l'état de santé de M. C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine, que les soins nécessaires présentent un caractère de longue durée et que l'intéressé ne peut voyager sans risque vers son pays d'origine ; que le préfet a pu légalement, ainsi qu'il a été dit, en se fondant sur les documents mentionnés au point 5, estimer qu'un traitement approprié existe dans le pays d'origine de M.C... ; que toutefois, en l'absence de tout élément permettant de remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé sur l'impossibilité pour l'intéressé de voyager vers ce pays, le préfet ne pouvait, sans méconnaître les dispositions du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, refuser d'autoriser son séjour en France ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 5 mai 2014 refusant de délivrer un titre de séjour à M. C..., portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Zouine, avocat de M.C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 000 euros qu'il demande au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : M. C...est admis à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête du préfet du Rhône est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Zouine la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2015 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2015.

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N° 14LY03260


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03260
Date de la décision : 28/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CLAISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-05-28;14ly03260 ?
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