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12/05/2015 | FRANCE | N°15LY00529

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 mai 2015, 15LY00529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...O..., Mme AE...AH..., Mme F...AD..., Mme L...AA..., Mme M...U..., Mme K...V..., Mme Z...I...épouseG..., Mme AF...Q..., Mme X...P..., Mme N...E...épouseY..., Mme J... AG...épouseR..., Mme AC...H..., Mme W...S..., Mme T... C...et M. AB...B...ont demandé au Tribunal administratif de Grenoble l'annulation de la décision en date du 5 août 2014 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Rhône-Alpes a homologué le docu

ment unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), présenté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...O..., Mme AE...AH..., Mme F...AD..., Mme L...AA..., Mme M...U..., Mme K...V..., Mme Z...I...épouseG..., Mme AF...Q..., Mme X...P..., Mme N...E...épouseY..., Mme J... AG...épouseR..., Mme AC...H..., Mme W...S..., Mme T... C...et M. AB...B...ont demandé au Tribunal administratif de Grenoble l'annulation de la décision en date du 5 août 2014 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), présenté par la société Cifea-Dmk.

Par un jugement n° 1405862 du 19 décembre 2014, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et mis à la charge de l'Etat une somme de 100 euros à verser à chacun des requérants sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 17 février 2015 sous le n° 15LY00529, la société Cifea-Dmk demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 19 décembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... O...et autres devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge solidairement de Mme D... O...et autres une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, l'administration a produit les éléments établissant qu'elle a effectivement contrôlé les liens unissant la société Evolem avec la société Cifea-Dmk et a pu, au vu de ces éléments, estimer que ces liens sont uniquement de nature capitalistique, que les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation des sociétés ne permettent pas d'effectuer une permutation de tout ou partie du personnel et qu'il n'existe pas de groupe entre elles ; qu'il ne saurait être reproché au PSE une absence de propositions de reclassement interne au sein des sociétés filiales d'Evolem compte tenu de l'absence de groupe de reclassement ;

- la décision d'homologation est suffisamment motivée et l'administration n'a pas méconnu l'étendue de son contrôle au regard des dispositions des articles L. 1233-24-2 et L. 1233-57-3 du code du travail ; l'administration n'avait pas à vérifier si la société avait informé et consulté le comité d'entreprise avant le 1er juillet 2014 ; l'administration a bien contrôlé la mise en place réelle de mesures de reclassement et d'accompagnement prévues aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail ; les observations du DIRECCTE et du comité d'entreprise ont été prises en compte ;

- le contenu du PSE n'est pas insuffisant ; aucun reclassement ne devait être recherché au sein des sociétés du groupe Evolem dans le cadre d'un reclassement interne alors qu'elle ne fait pas partie de ce groupe, la recherche devant s'effectuer à ce niveau dans le cadre du reclassement externe ; les salariés ne sauraient soutenir que le budget alloué au titre des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience, de reconversion serait insuffisant ; elle avait déjà mis en place des modifications et réductions d'horaire et de charge de travail qui se sont révélées sans résultat, conduisant à la nécessité de ce plan de licenciement ; concernant les critères de licenciement et les catégories professionnelles, les demandeurs font partie de la catégorie des agents de production, aucun agent de production ne se trouvait à Levallois-Perret, comme a pu le constater l'administration, l'équilibre des critères est assuré conformément à l'article L. 1233-5 du code du travail et ont été fondés, concernant la polyvalence et la qualité/assiduité, sur la base d'éléments objectifs ;

- le comité d'entreprise a été régulièrement informé de la procédure de licenciement collectif ; le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a été consulté avant le comité d'entreprise ; le délai de 15 jours entre les deux réunions du comité d'entreprise est conforme aux dispositions du code du travail et celui-ci a pu émettre un avis éclairé.

Par une ordonnance du 19 février 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 20 mars 2015 en application des articles R. 611-11, R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 5 mars 2015, Mme O..., Mme AH..., Mme AD..., Mme AA..., Mme U..., Mme V..., Mme I... épouseG..., Mme Q..., Mme P..., Mme E... épouseY..., Mme AG... épouseR..., Mme H..., Mme S..., Mme C... et M. B... concluent :

- au rejet de la requête ;

- à la mise à la charge de la société Cifea-Dmk d'une somme de 500 euros à verser à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 500 euros à verser à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la société Cifea-Dmk appartient au groupe Bruno Rousset qui est plus large que le groupe Evolem et elle aurait dû faire partie du comité de groupe ; l'administration n'a pas vérifié ces différents points ;

- le PSE ne correspond absolument pas aux moyens du groupe Bruno Rousset ;

- la société Cifea-Dmk n'a pas fait de recherche dans le cadre du périmètre du groupe de reclassement constitué par l'ensemble des sociétés figurant dans les comptes consolidés de la société Bruno Rousset, n'a pas mentionné qu'elle allait respecter la procédure des articles L. 1233-24-1 et suivants du code du travail en envoyant à tous les salariés un formulaire pour savoir s'ils souhaitaient recevoir des propositions de postes dans les sociétés du groupe situées à l'étranger et n'a pas ainsi mentionné ces postes de reclassement dans une annexe du plan de sauvegarde de l'emploi ; l'administration n'a pas contrôlé ce point ;

- aucune tentative de reclassement des salariés au sein de la société n'a été réalisée, la société ne critiquant pas le motif d'annulation retenu par le Tribunal concernant le défaut de reclassement interne au sein de la société et le défaut de contrôle opéré par l'administration sur ce point ;

- l'administration n'a pas vérifié si la société avait procédé à une recherche sérieuse du reclassement externe ;

- l'administration n'a pas examiné le PSE au regard des moyens du groupe Bruno Rousset ;

- l'administration aurait dû exiger la proposition du congé de reclassement et non du contrat de sécurisation professionnelle dès lors que la société appartient au groupe Bruno Rousset qui emploie plus de 1 000 salariés ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée, cette insuffisance de motivation révélant un défaut d'examen du plan de sauvegarde de l'emploi ; ainsi, la décision d'homologation n'atteste pas que l'administration a vérifié l'ensemble des points sur lesquels doit porter son contrôle, prévus à l'article L. 1233-57-3 du code du travail ; l'administration ne prouve pas avoir vérifié l'existence et la pertinence des éléments prévus du 1° au 5° de l'article L. 1233-24-2 du code du travail ; l'administration n'a pas vérifié les critères légalement définis du 1° au 3° de l'article L. 1233-57-3 du code du travail qui n'est pas visé par la décision ; l'administration, dans le cadre de son contrôle, n'a pas pris en compte le rapport le plus récent établi par le comité d'entreprise au titre de l'article L. 2323-26-2 du code du travail ; la décision contestée ne précise pas si les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi prévues aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail ont été prévues et sont conformes aux critères dégagés par les dispositions du 1° au 3° de l'article L. 1233-57 du code du travail ; l'administration a statué dans un délai trop bref pour avoir effectué toutes les vérifications imposées par les articles L. 1233-61 à L. 1233-64 et L. 1233-57-3 du code du travail ;

- le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi est insuffisant au regard des moyens du groupe Evolem et du groupe plus large Bruno Rousset ; aucun reclassement interne n'a été recherché au sein du groupe Evolem et plus largement dans le groupe Bruno Rousset ; la société a recruté massivement des intérimaires à partir d'août 2014, ayant même demandé aux salariés, par courrier du 19 septembre 2014, de faire acte de candidature auprès des agences d'intérim, établissant ainsi que le reclassement était possible au niveau de l'entreprise ; l'employeur aurait dû évoquer la possibilité ou l'impossibilité de créer des activités nouvelles par l'entreprise ; aucune mesure de reclassement externe n'a été prévue ; les mesures relatives aux actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents de même que les mesures financières d'accompagnement à la reconversion ne sont pas adaptées à la situation des salariés, peu qualifiés ; aucune mesure prévue au 6° de l'article L. 1233-62 du code du travail n'a été prévue ; les critères d'ordre des licenciements sont inadaptés, l'administration n'ayant pas vérifié qu'ils ont été appliqués aux 170 salariés sur l'ensemble des sites et l'équilibre des critères retenus n'est pas assuré ;

- la procédure de consultation du comité d'entreprise est irrégulière dès lors que l'administration n'a pas avisé le comité d'entreprise de la réception d'un dossier complet ; il n'est pas établi que la consultation du CHSCT, le 16 juillet 2014, ait été préalable à la première consultation du comité d'entreprise sur le projet de réorganisation, ni que le comité d'entreprise ait eu connaissance de l'avis du CHSCT ; l'administration n'a pas adressé au comité d'entreprise copie de ses observations à l'employeur en date du 29 juillet 2014 et l'employeur n'a envoyé ses réponses des 30 et 31 juillet 2014 en méconnaissance de l'article L. 1233-57-6 du code du travail ; l'administration aurait dû exiger l'organisation d'une nouvelle réunion, le délai de quinze jours ayant été trop court et le comité d'entreprise n'a pas été en mesure de rendre un avis éclairé.

Par un mémoire enregistré le 19 mars 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet des conclusions en défense de Mme O... et autres et à l'annulation du jugement du 19 décembre 2014 du Tribunal administratif de Grenoble.

Il soutient que :

- les liens entre Evolem et Ciefa-Dmk sont insuffisants pour caractériser l'existence d'un groupe au sens des dispositions relatives aux licenciements collectifs pour motif économique, et les salariés ne sauraient a fortiori invoquer l'existence d'un groupe avec la Holding Bruno Rousset qui détient Evolem ;

- il se réfère à son recours concernant le contrôle opéré par l'administration et la pertinence du plan ;

- à défaut d'appartenance à un groupe comprenant au moins 1 000 salariés, la société n'avait pas à proposer un congé de reclassement aux salariés au regard de l'article L. 1233-66 ;

- la décision est suffisamment motivée dès lors qu'elle reprend les principaux axes de contrôle énoncés aux articles L. 1233-57-3 et L. 1233-57 ; l'administration n'a pas méconnu l'étendue de son contrôle par rapport aux articles L. 1233-24-2 (1° à 5°), L. 1233-57-3 (1° à 3°) et 5° et 6° aliénas, et L. 1233-61 à L. 1233-63, la décision étant suffisamment motivée sur ces différents points ;

- le délai dans lequel a été homologué le plan ne saurait révéler une insuffisance ou un défaut de contrôle et de vérification de la part de l'administration ;

- l'administration a avisé le comité d'entreprise du dépôt du dossier complet de demande d'homologation ;

- il ne peut être utilement invoqué que le comité d'entreprise n'a pas eu connaissance de l'avis du CHSCT et que cette situation aurait vicié substantiellement la procédure suivie par l'employeur ; les salariés ne justifient pas que le comité d'entreprise n'aurait pas eu connaissance de l'avis du CHSCT ; la consultation du CHSCT n'est pas obligatoire dans la procédure relative au PSE ; le CHSCT a été consulté par l'employeur dans le cadre de sa compétence générale pour toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de travail, prévue à l'article L. 4612-8 du code du travail ; le comité d'entreprise n'a pas saisi le CHSCT et l'avis de ce dernier n'avait à être transmis au comité d'entreprise que dans cette hypothèse ; l'avis du CHSCT était neutre et a été affiché dans les locaux ; la secrétaire du CHSCT est membre du comité d'entreprise et a assisté aux deux réunions ; enfin, la réunion du CHSCT doit seulement être préalable à la dernière réunion du comité d'entreprise au cours de laquelle ce dernier formule son avis ; le comité d'entreprise a eu connaissance des observations de l'administration et de la réponse de la société ; il n'y avait pas lieu à une réunion supplémentaire du comité d'entreprise ; la circonstance que l'administration soit tenue informée du détail du projet en amont de l'information du comité d'entreprise et du CHSCT ne saurait vicier l'avis de ces instances et l'échange ainsi réalisé avec l'entreprise n'avait pas pour objet d'échanger sur le détail du projet mais sur les difficultés de l'entreprise et la procédure à suivre ;

- le contenu du PSE est suffisant ; l'administration a pris en compte la situation financière difficile de la société ; le groupe Evolem ne relève pas du périmètre de recherche de reclassement interne ; concernant le recours à des intérimaires, il n'appartient pas à l'administration d'apprécier le motif économique retenu dans le cadre d'un PSE ; ce recours résulte du fait que l'entreprise a été confrontée à un nombre conséquent d'arrêts de travail et à un pic d'activité à la fin du mois de septembre 2014 ; cet élément est postérieur à la décision d'homologation et ne rentre pas dans le champ du contrôle de l'administration ; les mesures de reclassement externe ont été améliorées à la suite des observations du DIRECCTE ; les efforts de formation ont été suffisants et ont été contrôlés par l'administration ; l'employeur comme l'administration ont pris en compte les mesures alternatives aux suppressions de l'emploi comme l'aménagement du temps de travail et la création d'activités nouvelles ; concernant la création d'activités nouvelles par l'entreprise, l'employeur a développé une nouvelle activité avec les portails et investi dans des nouveaux moyens d'impression, a informé le comité d'entreprise de nouvelles gammes de produits digitaux pour le dernier trimestre 2014, et l'administration a contrôlé ce point ; concernant le périmètre d'application des critères d'ordre de licenciement, les nouvelles dispositions de la loi du 14 juin 2013 autorisent l'employeur à fixer un périmètre autre que celui de l'entreprise au niveau de l'établissement ; la société a pu ainsi retenir un périmètre d'application au niveau du seul établissement de Rumilly, et en tout état de cause, les critères d'ordre de licenciement ne pouvaient recevoir application sur l'établissement de Levallois-Perret compte tenu des emplois commerciaux occupés par les salariés du site ; le document présentait en outre l'ensemble des salariés des deux sites et leur catégorie professionnelle et la détermination de ces catégories par l'entreprise n'a fait l'objet d'aucune contestation ; concernant le choix des critères, le document unilatéral reprend uniquement les quatre critères légaux en les pondérant de manière différenciée ; ces critères revêtent un caractère objectif et non discriminatoire.

Par un mémoire enregistré le 19 mars 2015, la société Cifea-Dmk conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que :

- elle ne constitue pas un groupe avec la société Bruno Rousset ; cette dernière est elle-même une holding " chapeautant " d'autres holdings, il n'y a aucun lien fonctionnel entre cette société et la société Cifea-Dmk pas plus qu'avec Evolem, il n'y a pas de permutation possible de tout ou partie du personnel ni d'activités similaires entre Cifea-Dmk et ces holdings, les sociétés du groupe Evolem/Rousset n'ont aucun lien avec Cifea-Dmk, il n'existe aucune participation croisée, ni complémentarité d'activité, les holdings ne s'immiscent pas dans la gestion ordinaire des sociétés contrôlées, et les administrateurs sont différents ;

- elle a respecté ses obligations légales en matière de reclassement interne au sein de Cifea-Dmk et c'est à tort que le Tribunal a estimé, d'une part, qu'elle ne faisait état d'aucune description de la structure, des effectifs de l'entreprise, d'aucune mention de la répartition des catégories socioprofessionnelles entre les deux sites ni d'aucune action menée en vue d'un reclassement interne et, d'autre part, que l'administration n'établissait pas la réalité et la portée de son contrôle sur ce point ; ainsi, étaient joints au PSE la note économique qui traitait des catégories professionnelles concernées et des recherches de reclassement (II.2 et II.3), la liste complète des catégories socioprofessionnelles de l'ensemble du personnel, la note économique n° 2 évoquant ces catégories et les recherches de reclassement et le document de développement de la VAE au bénéfice des salariés de l'industrie.

Par une ordonnance du 20 mars 2015, la clôture d'instruction a été reportée au 2 avril 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées par une lettre en date du 10 avril 2015, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Rhône-Alpes pour homologuer le document unilatéral établi par la société Cifea Dmk en l'absence d'une désignation prévue par les articles L. 1233-57-8 et R. 1233-3-5 du code du travail relatifs aux projets de licenciement collectif portant sur des établissements relevant de la compétence d'autorités différentes, le projet de la société Cifea Dmk concernant deux établissements situés respectivement à Rumilly (Haute- Savoie) et à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine).

Par un courrier enregistré le 13 avril 2015, la société CIFEA DMK a présenté ses observations au moyen d'ordre public qui lui a été communiqué.

Elle soutient que le DIRECCTE de Rhône-Alpes était compétent pour homologuer le plan sauvegarde de l'emploi qui ne concerne que la suppression de postes basés à Rumilly.

Par un courrier enregistré le 14 avril 2015, Mme O... et autres ont présenté leurs observations au moyen d'ordre public qui leur a été communiqué.

Ils soutiennent que l'absence d'une décision du ministre désignant le DIRECCTE compétent lorsque le licenciement collectif porte sur des établissements différents entache la procédure d'irrégularité.

Par un courrier enregistré le 14 avril 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a présenté ses observations au moyen d'ordre public qui lui a été communiqué.

Il soutient que le DIRECCTE de Rhône-Alpes était compétent pour homologuer le plan de sauvegarde de l'emploi dès lors que ce plan ne concerne que la suppression de postes basés à Rumilly et qu'en tout état de cause, le site de Levallois-Perret ne dispose pas de l'autonomie de gestion.

II. Par un recours enregistré le 19 février 2015 sous le n° 15LY00586, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 19 décembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D...O...et autres devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- la société Cifea-Dmk ne peut-être considérée comme appartenant au groupe Evolem, qui ne détient qu'indirectement une partie de son capital et ne s'immisce pas dans la direction et la gestion de la société ;

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, l'administration a bien recherché l'appartenance de Cifea-Dmk à un groupe ;

- il ne peut être exigé de rechercher des solutions de reclassement interne des salariés dans les autres entreprises dans lesquelles Evolem a une participation alors que la société Ciefa-Dmk n'appartient pas à un groupe de reclassement Evolem et que ni les activités ni l'organisation des sociétés dans lesquelles le fonds d'investissements Evolem détient également une participation n'offrent la possibilité de la permutation du personnel ;

- c'est à tort que le Tribunal a retenu une insuffisance des mesures de reclassement interne et externe ainsi qu'une insuffisance du contrôle opéré par l'autorité administrative en la matière alors que le PSE a prévu les mesures de reclassement interne au sein de la société Cifea-Dmk et de reclassement externe qui ont été améliorées à la demande de la DIRECCTE, et que l'administration a procédé au contrôle du périmètre des recherches de reclassement interne et de la réalité des recherches de reclassement externe ;

- l'administration a bien examiné la pertinence du plan au regard des moyens de l'entreprise et, même si l'appartenance à un groupe n'était pas caractérisée, elle a été informée de ce que la société Evolem avait été sollicitée pour les reclassements internes et pour abonder aux mesures du plan et que, malgré les efforts de la société Ciefa-Dmk, la société Evolem a répondu négativement à cette demande ;

- ainsi, c'est à tort que le Tribunal a pu retenir que l'insuffisance de motivation révélait un défaut de contrôle au fond et était de nature à justifier l'annulation de la décision qui procède à son homologation.

Par ordonnance du 23 février 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mars 2015.

Par un mémoire enregistré le 5 mars 2015, Mme O..., Mme AH..., Mme AD..., Mme AA..., Mme U..., Mme V..., Mme I... épouseG..., Mme Q..., Mme P..., Mme E... épouseY..., Mme AG... épouseR..., Mme H..., Mme S..., Mme C..., M. B... concluent :

- au rejet du recours du ministre ;

- à la mise à la charge de la société Cifea-Dmk d'une somme de 500 euros à verser à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 500 euros à verser à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la société Cifea-Dmk appartient au groupe Bruno Rousset qui est plus large que le groupe Evolem et elle aurait dû faire partie du comité de groupe ; l'administration n'a pas vérifié ces différents points ;

- le PSE ne correspond absolument pas aux moyens du groupe Bruno Rousset,

- la société Cifea-Dmk n'a pas fait de recherche dans le cadre du périmètre du groupe de reclassement constitué par l'ensemble des sociétés figurant dans les comptes consolidés de la société Bruno Rousset, n'a pas mentionné qu'elle allait respecter la procédure des articles L. 1233-24-1 et suivants du code du travail en envoyant à tous les salariés un formulaire pour savoir s'ils souhaitaient recevoir des propositions de postes dans les sociétés du groupe situées à l'étranger et n'a pas ainsi mentionné ces postes de reclassement dans une annexe du plan de sauvegarde de l'emploi ; l'administration n'a pas contrôlé ce point ;

- aucune tentative de reclassement des salariés au sein de la société n'a été faite, la société ne critiquant pas le motif d'annulation retenu par le Tribunal concernant le défaut de reclassement interne au sein de la société et le défaut de contrôle opéré par l'administration sur ce point ;

- l'administration n'a pas vérifié si la société avait procédé à une recherche sérieuse du reclassement externe ;

- l'administration n'a pas examiné le PSE au regard des moyens du groupe Bruno Rousset ;

- l'administration aurait dû exiger la proposition du congé de reclassement et non du contrat de sécurisation professionnelle dès lors que la société appartient au groupe Bruno Rousset qui emploie plus de 1 000 salariés ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée, cette insuffisance de motivation révélant un défaut d'examen du plan de sauvegarde de l'emploi ; ainsi, la décision d'homologation n'atteste pas que l'administration a vérifié l'ensemble des points sur lesquels doit porter son contrôle, prévus à l'article L. 1233-57-3 du code du travail ; l'administration ne prouve pas avoir vérifié l'existence et la pertinence des éléments prévus par les dispositions du 1° au 5° de l'article L. 1233-24-2 du code du travail ; l'administration n'a pas vérifié les critères légalement définis par les dispositions du 1° au 3° de l'article L. 1233-57-3 du code du travail qui n'est pas visé par la décision ; l'administration, dans le cadre de son contrôle, n'a pas pris en compte le rapport le plus récent établi par le comité d'entreprise au titre de l'article L. 2323-26-2 du code du travail ; la décision contestée ne précise pas si les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi prévues aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail ont été prévues et sont conformes aux critères dégagés du 1° au 3° de l'article L. 1233-57 du code du travail ; l'administration a statué dans un délai trop bref pour avoir effectué toutes les vérifications imposées par les articles L. 1233-61 à L. 1233-64 et L. 1233-57-3 du code du travail ;

- le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi est insuffisant dès lors que les mesures du PSE sont totalement insuffisantes au regard des moyens du groupe Evolem et du groupe plus large Bruno Rousset ; aucun reclassement interne n'a été recherché au sein du groupe Evolem et plus largement dans le groupe Bruno Rousset ; la société a recruté massivement des intérimaires à partir d'août 2014, ayant même demandé aux salariés par courrier du 19 septembre 2014 de faire acte de candidature auprès des agences d'intérim, établissant ainsi que le reclassement était possible au niveau de l'entreprise ; l'employeur aurait dû évoquer la possibilité ou l'impossibilité de créer des activités nouvelles par l'entreprise ; aucune mesure de reclassement externe n'a été prévue ; les mesures relatives aux actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents de même que les mesures financières d'accompagnement à la reconversion ne sont pas adaptées à la situation des salariés, peu qualifiés ; aucune mesure prévue au 6° de l'article L. 1233-62 du code du travail n'a été prévue ; les critères d'ordre des licenciements sont inadaptés, l'administration n'ayant pas vérifié qu'ils ont été appliqués aux 170 salariés sur l'ensemble des sites et l'équilibre des critères retenus n'est pas assuré ;

- la procédure de consultation du comité d'entreprise est irrégulière dès lors que l'administration n'a pas avisé le comité d'entreprise de la réception d'un dossier complet ; il n'est pas établi que la consultation du CHSCT, le 16 juillet 2014, a été préalable à la première consultation du comité d'entreprise sur le projet de réorganisation ni que le comité d'entreprise a eu connaissance de l'avis du CHSCT ; l'administration n'a pas adressé au comité d'entreprise copie de ses observations à l'employeur en date du 29 juillet 2014 et l'employeur n'a pas envoyé ses réponses des 30 et 31 juillet 2014 en méconnaissance de l'article L. 1233-57-6 du code du travail ; l'administration aurait dû exiger l'organisation d'une nouvelle réunion, le délai de quinze jours ayant été trop court et le comité d'entreprise n'a pas été en mesure de rendre un avis éclairé.

Les parties ont été informées par une lettre en date du 10 avril 2015, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Rhône-Alpes pour homologuer le document unilatéral établi par la société Cifea-Dmk en l'absence d'une désignation prévue par les articles L. 1233-57-8 et R. 1233-3-5 du code du travail relatifs aux projets de licenciement collectif portant sur des établissements relevant de la compétence d'autorités différentes, le projet de la société Cifea-Dmk concernant deux établissements situés respectivement à Rumilly (Haute- Savoie) et à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine).

Par un courrier enregistré le 13 avril 2015, la société Cifea-Dmk a présenté ses observations au moyen d'ordre public qui lui a été communiqué.

Elle soutient que le DIRECCTE de Rhône-Alpes était compétent pour homologuer le plan sauvegarde de l'emploi qui ne concerne que la suppression de postes basés à Rumilly.

Par un courrier enregistré le 14 avril 2015, Mme O... et autres ont présenté leurs observations au moyen d'ordre public qui leur a été communiqué.

Ils soutiennent que l'absence d'une décision du ministre désignant le DIRECCTE compétent lorsque le licenciement collectif porte sur des établissements différents entache la procédure d'irrégularité.

Par un courrier enregistré le 14 avril 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a présenté ses observations au moyen d'ordre public qui lui a été communiqué.

Il soutient que le DIRECCTE de Rhône-Alpes était compétent pour homologuer le plan sauvegarde de l'emploi dès lors que ce plan ne concerne que la suppression de postes basés à Rumilly et qu'en tout état de cause le site de Levallois-Perret ne dispose pas de l'autonomie de gestion.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,

- et les observations de Me Bachelet, avocat de la société Ciefa-Dmk, et de MmeA..., chef de département à la DIRECCTE de Rhône-Alpes, représentant le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

1. Considérant que la requête de la SAS Cifea-Dmk et le recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que la SAS Cifea-Dmk, qui est implantée sur les sites de Rumilly (Haute-Savoie) et de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), exerce une activité de conseils et de prestation techniques de marketing direct ; que le capital de cette société est détenu totalement par la société MKG Holding qui est un fonds d'investissement, cette dernière étant détenue à près de 80 % par la société financière Evolem 2 dont la holding société Evolem détient la totalité du capital, cette holding étant elle-même détenue en totalité par la SAS Bruno Rousset ; que le marché du marketing direct en France connaissant une décroissance continue après 2007, la société Cifea-Dmk a été amenée à développer de nouvelles activités à compter de l'année 2009 en s'engageant notamment dans la création de portails accessibles par le web (Marketing Center) et en investissant dans la nouvelle technologie couleur quadrinumérique permettant de compenser la décroissance de son activité traditionnelle ; que, malgré la politique ainsi menée, la société Cifea-Dmk, qui avait retrouvé au titre de l'exercice clos au 31 mars 2013 un niveau d'activité proche de celui de l'exercice clos le 31 mars 2009 correspondant à 18 millions d'euros, a connu une baisse importante de son chiffre d'affaires de 15,7 % au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014 par rapport à l'exercice précédent, le chiffre d'affaires réalisé étant d'environ 15 millions d'euros ; que, par ailleurs, la société a subi une forte dégradation de son résultat d'exploitation ; que, compte tenu de ces éléments, et afin de sauvegarder sa compétitivité, la société, qui employait 157 salariés permanents au 1er juillet 2014, dont 146 à Rumilly et 11 dans l'établissement secondaire de Levallois-Perret, a décidé d'adopter des mesures en vue d'adapter la structure du personnel affecté à la partie industrielle de son activité en prévoyant, dans le cadre de cette réorganisation, le non remplacement des départs, la réduction des heures supplémentaires et l'abaissement du nombre d'intérimaires, ainsi que l'établissement d'un plan de licenciement comportant la suppression de 20 emplois ; que, le 16 juillet 2014, le comité d'entreprise et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ont été informés et consultés sur le projet de restructuration et de licenciement de 20 salariés portant sur un chargé de production-salle édition, dix-huit agents et opérateurs de production et une assistante de direction production ; que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail, et de l'emploi (DIRECCTE) de Rhône-Alpes a été saisi le 17 juillet 2014 d'un projet de licenciement ; qu'il a fait part de ses observations à la société Cifea-Dmk le 29 juillet 2014 ; qu'après différents échanges téléphoniques et de courriels avec l'administration, la société a répondu par un courrier du 31 juillet 2014 aux observations du DIRECCTE ; que le comité d'entreprise s'est réuni une seconde fois le 1er août 2014 ; que la société Cifea-Dmk a transmis le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, prévu à l'article L. 1233-24-4 du code du travail, par voie dématérialisée à l'administration le 4 août 2014 ; que, par décision du 5 août 2014, le DIRECCTE de Rhône-Alpes a homologué ce document ; que, par jugement du 19 décembre 2014, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision à la demande de 15 salariés et mis à la charge de l'Etat une somme de 100 euros à verser à chacun de ces salariés sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la SAS Cifea-Dmk et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social relèvent appel de ce jugement ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1(...) Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71. " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-57-4 dudit code : " (...) La décision prise par l'autorité administrative est motivée (...) " ;

4. Considérant, en outre, qu'aux termes de l'article L. 1233-24-4 du code du travail : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. " ; que les éléments prévus aux 1° et 5° dudit article L. 1233-24-2 portent sur les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise (1°), la pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 (2°), le calendrier des licenciements (3°), le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées (4°) et les modalités de mise en oeuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement prévues aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1 (5°) ;

5. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail, auquel renvoie l'article L. 1233-57-3 précité: " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre./ Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-62 dudit code, auquel renvoie ce même article : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : 1° Des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; 6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. " ;

6. Considérant qu'il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions que le contrôle de l'administration saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral doit porter, d'abord, sur la présence, dans le document qui lui est soumis, de tous les éléments exigés par le code du travail et notamment ceux prévus par les dispositions de l'article L. 1233-24-2 de ce code et sur leur conformité aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles, ensuite, sur la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et, enfin, et sur le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63, avec une appréciation globale de la qualité des mesures y figurant au regard des critères fixés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 1233-57-3 du code du travail ; qu'il appartient ainsi à l'administration, saisie d'une demande tendant à l'homologation d'un document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi, de vérifier la pertinence de ce plan et des mesures contenues au regard des moyens dont disposent l'entreprise, mais également, l'unité économique et sociale dont elle fait partie et le groupe auquel elle appartient ; qu'enfin, la motivation de la décision d'homologation doit, en conséquence, faire apparaître que l'administration a vérifié l'ensemble des points sur lesquels doit porter son contrôle et a mis en oeuvre les critères légalement définis aux 1° à 3° de l'article L. 1233-57-3 du code du travail ;

7. Considérant que, concernant la motivation, la décision du 5 août 2014 fait état du caractère complet de la demande, de la présence de l'ensemble des éléments prévus aux 1° et 5° de l'article L. 1233-24-2 du code du travail, de la volonté de l'entreprise de mettre en place le contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 et de ce que, en référence à l'article L. 1233-24-4, ce document est conforme aux dispositions législatives et conventionnelles ; que cette décision, qui n'avait pas à retracer toutes les étapes de la procédure, comme il a été dit précédemment, a indiqué que le comité d'entreprise et le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail ont été régulièrement consultés ;

8. Considérant toutefois que, comme le soutiennent les intimés, cette décision ne comprend aucune mention de l'appréciation globale que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi devait porter sur le respect, par le document unilatéral, des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail au regard notamment des moyens de l'entreprise implantée sur deux sites ; que le courrier d'observations du 29 juillet 2014 adressé à la société, auquel se réfère la décision litigieuse, qui se borne, concernant le reclassement interne des salariés, à examiner les modalités de traitement des demandes de reclassement présentées par ces derniers, ne mentionne pas les modalités du contrôle opéré par l'administration concernant les efforts de reclassement interne dans l'entreprise et la pertinence du plan et des mesures qu'il contient au regard des moyens de l'entreprise ;

9. Considérant que si l'administration fait valoir qu'elle n'avait pas à faire figurer dans sa décision l'ensemble de ses éléments d'analyse sur chacun des points développés dans le plan de sauvegarde de l'emploi, il lui appartenait, sans se limiter à indiquer que " les mesures sociales d'accompagnement avaient été améliorées pour tenir compte des observations formulées par l'administration par son courrier du 29 juillet 2014 ", de préciser si, au regard du nombre d'emplois supprimés et du nombre de salariés de l'entreprise, et au terme d'une analyse globale de l'ensemble des mesures présentées dans le plan de sauvegarde de l'emploi, ce plan pouvait être regardé comme satisfaisant, notamment au regard des moyens de l'entreprise, mais aussi des mesures d'accompagnement et des efforts d'adaptation et de formation qu'il lui appartenait aussi de vérifier en vertu de l'article L. 1233-57-3 du code de travail que la décision, en outre, ne mentionne pas ni ne vise ; qu'ainsi, en l'absence de cette mention, la motivation de la décision du 5 août 2014 est insuffisante ;

10. Considérant que, par ailleurs, concernant le contrôle opéré par l'administration sur les obligations de la société en matière de reclassement au sein de l'entreprise et les moyens dont elle disposait pour le plan de sauvegarde de l'emploi, il ressort des pièces du dossier que si ce plan a mentionné que le projet de licenciement portait sur la suppression de 20 postes concernant l'activité de production exercée sur le seul site de Rumilly, mais dont une suppression de poste concernait les fonctions d'assistante de direction, si ce plan a aussi mentionné, au titre des recherches internes au sein de la société, que deux postes créés seraient proposés et qu'aucune solution de reclassement n'avait été identifiée, sans aucune autre précision concernant cette absence de solution, et si ce document a dressé en annexe la liste des emplois occupés par les salariés et leur qualification, ce document ne fait état d'aucune description de la structure des effectifs de l'ensemble de l'entreprise par catégories professionnelles avec la répartition des catégories professionnelles entre les deux sites de la société ; qu'ainsi, il ne permet pas de connaître précisément la composition et la répartition du personnel, par catégorie, entre les deux sites ;

11. Considérant, en outre, que le fait que, comme il vient d'être dit, la décision en litige ne comporte aucune mention de l'appréciation globale que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi devait faire du respect, par le document unilatéral, des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail au regard notamment des moyens de l'entreprise implantée sur deux sites, ni le courrier d'observations du 29 juillet 2014 ni aucun autre élément du dossier ne mentionne les modalités du contrôle opéré par l'administration concernant les efforts de reclassement interne dans l'entreprise et la pertinence du plan de sauvegarde de l'emploi et des mesures qu'il contient au regard des moyens de l'entreprise ; que, comme le font valoir les intimés, il ne ressort ni des éléments ainsi exposés, ni d'aucune autre pièce du dossier, notamment de la décision litigieuse et du document soumis à homologation, que l'administration a procédé, comme elle y était tenue, à la vérification des efforts consentis par l'employeur, dans le plan de sauvegarde de l'emploi, en fonction des moyens dont disposait l'entreprise sur les deux sites comme le prévoit notamment l'article L. 1233-57-3 du code du travail ; que, par suite, et comme l'a jugé le Tribunal, l'administration a commis une erreur de droit en méconnaissant l'étendue du contrôle qu'il lui incombait d'exercer sur ce point ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Cifea-Dmk et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision contestée ;

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le paiement à chacun des intimés d'une somme de 50 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu également, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Cifea-Dmk le paiement à chacun des intimés de la même somme au titre de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Cifea-Dmk et le recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sont rejetés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme O..., à Mme AH..., à Mme AD..., à Mme AA..., à Mme U..., à Mme V..., à Mme I... épouseG..., à Mme Q..., à Mme P..., à Mme E... épouseY..., à Mme AG... épouseR..., à Mme H..., à Mme S..., à Mme C... et à M. B... la somme de 50 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Cifea-Dmk versera à Mme O..., à Mme AH..., à Mme AD..., à Mme AA..., à Mme U..., à Mme V..., à Mme I... épouseG..., à Mme Q..., à Mme P..., à Mme E... épouseY..., à Mme AG... épouseR..., à Mme H..., à Mme S..., à Mme C... et à M. B... la somme de 50 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cifea-Dmk, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à Mme D...O..., à Mme AE...AH..., à Mme F...AD..., à Mme L...AA..., à Mme M...U..., à Mme K...V..., à Mme Z... I...épouseG..., à Mme AF... Q..., à Mme X...P..., à Mme N... E...épouseY..., à Mme J... AG...épouseR..., à Mme AC...H..., à Mme W...S..., à Mme T... C...et à M. AB... B....

Délibéré après l'audience du 7 mai 2015 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mai 2015.

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N° 15LY00529,...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00529
Date de la décision : 12/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CABINET BACHELET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-05-12;15ly00529 ?
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