Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2014, présentée par le préfet du Puy-de-Dôme ;
le préfet du Puy-de-Dôme demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201330 du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 30 mars 2012 par laquelle le conseil municipal de Saint-Bonnet-Le-Bourg a procédé à la répartition du produit des coupes de bois de l'année 2011 entre les ayants droit de la section de commune de Boissonne ;
2°) d'annuler ladite délibération ;
il soutient que :
- le juge administratif est compétent pour examiner la légalité d'une délibération au regard de l'article 432-12 du code pénal ;
- le conseiller municipal qui a participé au vote avait un intérêt particulier avéré en ce qu'il était bénéficiaire des revenus tirés des coupes de bois ;
- le partage en espèces du revenu tiré de l'affouage est prohibé par les articles L. 2411-10 et L. 2411-15 du code général des collectivités territoriales ; cet état du droit n'a pas été modifié par l'article L. 145-3 du code forestier ;
- une simple coupe de bois destinée à la vente ne peut être considérée comme un affouage tel qu'il est défini dans le code forestier ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 2 avril 2014 à la commune de Saint-Bonnet-Le-Bourg agissant pour la section de commune de Boissonne, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu l'ordonnance du 2 avril 2014 fixant la clôture d'instruction au 15 mai 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance du 1er octobre 2014 portant réouverture de l'instruction en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 octobre 2014, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
il soutient, en outre, que :
- la délibération contestée ne remplit pas les conditions de l'affouage telles qu'elles sont définies par le code forestier ; une délibération définissant les formes et les quantités de l'affouage aurait dû être adressée à l'Office national des forêts (ONF) préalablement au lancement de la procédure ;
- le bois d'affouage destiné à satisfaire des besoins ruraux ou domestiques est constitué essentiellement de feuillus et de ligneux de seconde qualité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; le conseil municipal de la commune a validé des coupes de bois destinées à des professionnels et non des coupes affouagères destinées aux besoins ruraux ou domestiques des ayants droit de la section ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code forestier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2015 :
- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;
1. Considérant que par une délibération du 30 mars 2012, le conseil municipal de Saint -Bonnet-Le-Bourg a procédé à la répartition du produit des coupes de bois de l'année 2011 entre les ayants droit de la section de Boissonne ; que le préfet du Puy-de-Dôme a déféré cette délibération au tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que le préfet relève appel du jugement du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté son déféré à l'encontre de cette délibération ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable au litige : " Constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. / La section de commune a la personnalité juridique." ; qu'aux termes de l'article L. 2411-10 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature. / Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle de pâturage conclue dans les conditions prévues à l'article L. 481-1 du code rural ou par convention de mise à disposition d'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural au profit des exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe, ainsi que le siège d'exploitation sur la section. L'autorité municipale peut attribuer, le cas échéant, le reliquat de ces biens au profit d'exploitants agricoles sur la section ayant un bâtiment d'exploitation hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section, ou à défaut au profit de personnes exploitant des biens sur le territoire de la section et résidant sur le territoire de la commune ; à titre subsidiaire, elle peut attribuer ce reliquat au profit de personnes exploitant seulement des biens sur le territoire de la section ou, à défaut, au profit des exploitants ayant un bâtiment d'exploitation sur le territoire de la commune. / (...) L'ensemble de ces dispositions, qui concerne les usages agricoles et pastoraux des biens de section, ne fait pas obstacle au maintien, pour les ayants droit non agriculteurs, des droits et usages traditionnels tels que l'affouage, la cueillette, la chasse notamment, dans le respect de la multifonctionnalité de l'espace rural. / Chaque fois que possible, il sera constitué une réserve foncière destinée à permettre ou faciliter de nouvelles installations agricoles. / Les revenus en espèces ne peuvent être employés que dans l'intérêt des membres de la section. Ils sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale. " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 145-1 du code forestier alors en vigueur : " Pour chaque coupe des forêts des communes et sections de commune, le conseil municipal (...) peut décider d'affecter tout ou partie du produit de la coupe au partage en nature entre les bénéficiaires de l'affouage pour la satisfaction de leurs besoins ruraux ou domestiques, sous réserve de la possibilité, pour ces bénéficiaires, de ne vendre que les bois de chauffage qui leur ont été délivrés en nature / Les bois non destinés au partage en nature sont vendus par les soins de l'Office national des forêts dans les conditions prévues au chapitre IV du présent titre. L'Office délivre les bois au vu d'une délibération du conseil municipal déterminant le mode de partage choisi en application de l'article L. 145-2 ainsi que les délais et les modalités d'exécution et de financement de l'exploitation. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 145-2 du même code : " S'il n'y a titre contraire, le partage de l'affouage, qu'il s'agisse des bois de chauffage ou des bois de construction, se fait de l'une des trois manières suivantes : / 1° Ou bien par feu, c'est-à-dire par chef de famille ou de ménage ayant domicile réel et fixe dans la commune avant la publication du rôle ; / 2° Ou bien moitié par chef de famille ou de ménage et moitié par tête d'habitant remplissant les mêmes conditions de domicile. / (...) ; / 3° Ou bien par tête d'habitant ayant domicile réel et fixe dans la commune avant publication du rôle Chaque année, dans la session de printemps, le conseil municipal détermine lequel de ces trois modes de partage sera appliqué. " ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 145-3 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la délibérations litigieuse : " Le conseil municipal peut aussi décider la vente de tout ou partie de l'affouage au profit de la caisse communale ou des affouagistes (...) par les soins de l'Office national des forêts " ; qu'aux termes de l'article R. 145-2 dudit code : " Les communes font connaître en temps opportun à l'Office national des forêts la quantité de bois qui leur est nécessaire tant pour le chauffage que pour la construction et les réparations. (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus qu'une section de commune est une personne morale de droit public qui possède à titre permanent et exclusif des biens ou des droits qui sont distincts de ceux de la commune ; que, si les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature, ils ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur ces biens ou ces droits ; qu'ainsi, la section de commune dont les revenus en espèces doivent être employés dans son intérêt exclusif, ne peut les redistribuer entre ses ayants droit, à l'exception, lorsque cette section est propriétaire de bois soumis à l'affouage, du produit de la vente de tout ou partie de cet affouage ; que le partage de l'affouage concerne la coupe de bois destinée à la satisfaction des besoins ruraux ou domestiques, bois de chauffage, de construction ou de réparation, des bénéficiaires de l'affouage ; qu'ainsi, le conseil municipal, après avoir préalablement fixé le mode de partage et la quantité de bois destinée à l'affouage, quantité portée à la connaissance de l'Office national des forêts chargé de la coupe, peut partager le produit de la vente de l'affouage entre les ayants droit de la section de commune ;
5. Considérant que par une délibération du 30 mars 2012, le conseil municipal de Saint-Bonnet-Le-Bourg a procédé à la répartition du produit d'une coupe de bois effectuée au cours de l'année 2011 sur les parcelles de la section de commune de Boissonne, entre ses deux ayants droit, après avoir conservé 25 % de la somme pour la section ; qu'il n'est pas contesté, comme le soutient le préfet, que le conseil municipal n'avait préalablement ni fixé le mode de partage, ni la quantité de bois destinée à l'affouage ; qu'en outre, il résulte des pièces du dossier, que le conseil municipal, par une délibération du 4 mars 2011, avait décidé de vendre en bloc ces coupes de bois à un professionnel de la filière bois ; qu'au demeurant, un courrier ainsi qu'une fiche établie par l'Office national des forêts, produits pour la première fois en appel, précisent qu'il s'agit d'une coupe de bois vendue en bloc à des professionnels de la filière bois et qu'il n'a pas été saisi préalablement d'une délivrance de bois au titre de l'affouage ; que, par suite, la délibération litigieuse ne peut être regardée que comme ayant partagé des revenus d'une coupe de bois et non d'une coupe délivrée pour l'affouage ; que le conseil municipal de Saint-Bonnet-Le-Bourg ne pouvait donc procéder au partage de ces revenus ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté son déféré ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 décembre 2013 est annulé.
Article 2 : La délibération du 30 mars 2012 du conseil municipal de Saint-Bonnet-Le-Bourg est annulée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à la commune de Saint-Bonnet-Le-Bourg.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 31 mars 2015 à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Courret, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 avril 2015.
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N° 14LY00274