Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 septembre 2013, présentée pour la société Mistigris Communication, dont le siège est au 50 rue des Neuf Soleils à Clermont-Ferrand (63000) ;
La société Mistigris Communication demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201275 du 12 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande de restitution d'une somme de 41 716 euros correspondant au crédit d'impôt en faveur des métiers d'art qu'elle a dégagé au titre de l'impôt sur les sociétés à raison des dépenses qu'elle a exposées durant l'année 2010 ;
2°) de prononcer la restitution de ce crédit d'impôt ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société Mistigris Communication soutient :
- que son activité entre dans le champ d'application de l'article 244 quater O du code général des impôts car elle crée des produits nouveaux ; qu'en jugeant qu'il fallait que les produits créés par la société se distinguent nettement de ceux qui existent déjà le tribunal administratif a donné une interprétation erronée de ces dispositions du code général des impôts qui exige seulement que les produits se distinguent de ceux déjà existant ; que son activité, qui se situe dans le champ de la conception et de la création de nouveaux produits, ne consiste pas à livrer des produits " sur mesure " aux clients au sens où le client participerait à la création graphique du produit ou au sens où le produit procèderait d'une adaptation de produits déjà existants ;
- qu'elle remplit l'autre condition pour se voir attribuer le crédit d'impôt, ce que l'administration n'a jamais contesté, dans la mesure où tout son personnel est affecté à des métiers d'art ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui conclut au rejet de la requête ;
Le ministre de l'économie et des finances soutient :
- que si la société Mistigris Communication, qui exerce le métier d'infographiste, remplit la première condition pour pouvoir bénéficier du crédit d'impôt contesté dans la mesure où il s'agit de l'un des métiers d'art figurant sur la liste de l'arrêté du 1er décembre 2003 pris pour l'application du 1° de l'article 244 quater O, elle ne démontre pas qu'elle remplit la seconde condition, à savoir procéder à la conception de nouveaux produits ; que cette notion, qui reprend la notion visée à l'article L. 511-1 du code de la propriété intellectuelle, doit s'entendre de façon restrictive ; que la seule production de pièces réalisées sur mesure conformément à la commande d'un client, qui procède uniquement d'une adaptation d'un ou plusieurs produits existants ou de la modification d'une caractéristique de ces mêmes produits, quand bien même le bien réalisé serait unique, ne peut en principe être qualifié de produit nouveau ;
- que la société entend faire admettre au titre du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art des sommes exposées pour réaliser ses produits et non les seules sommes exposées pour en assurer la conception ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 mars 2014, présenté pour la société Mistigris Communication qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mars 2015, présentée pour la société Mistigris Communication ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu l'arrêté du 12 décembre 2003 fixant la liste des métiers de l'artisanat d'art ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2015 :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,
- les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la société Mistigris Communication ;
1. Considérant que la société Mistigris Communication a déposé, le 10 juin 2011, une réclamation auprès de l'administration fiscale afin que lui soit restituée une somme de 41 716 euros correspondant au montant du crédit d'impôt en faveur de métiers d'art dont elle estimait disposer au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010 ; que les services fiscaux ayant rejeté sa demande le 24 mai 2012, elle a saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand afin que lui soit restitué le crédit d'impôt ; que la société Mistigris Communication relève appel du jugement du 12 juillet 2013 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins de restitution :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater O du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " I.-Les entreprises mentionnées au III et imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies , 44 undecies , 44 terdecies et 44 quaterdecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : / 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement chargés de la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; / 2° Des dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf qui sont directement affectées à la conception des nouveaux produits mentionnés au 1° et à la réalisation de prototypes ; / 3° Des frais de dépôt des dessins et modèles relatifs aux nouveaux produits mentionnés au 1° ; / 4° Des frais de défense des dessins et modèles, dans la limite de 60 000 euros par an ; / 5° Des autres dépenses de fonctionnement exposées à raison des opérations de conception de nouveaux produits et à la réalisation de prototypes ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel mentionnées au 1° ; / 6° Des dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections confiées par ces entreprises à des stylistes ou bureaux de style externes. (...) / III.-Les entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt mentionné au I sont : / 1° Les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises représentent au moins 30 % de la masse salariale totale ; (...)" ; qu'aux termes de l'article 49 septies ZL de l'annexe III à ce code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, les opérations de conception de nouveaux produits s'entendent des travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes. " ;
3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ du bénéfice d'un crédit d'impôt ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que pour bénéficier du crédit d'impôt en faveur des métiers d'arts, l'entreprise doit, notamment, remplir trois conditions cumulatives à savoir comporter des salariés exerçant l'un des métiers d'art figurant sur la liste fixée par un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises du 12 décembre 2003, concevoir des " nouveaux produits ", au sens de l'article 49 septies ZL de l'annexe III au CGI, c'est-à-dire réaliser des " travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes " et avoir des charges de personnel afférentes aux salariés exerçant l'un de ces métiers d'art représentant au moins 30 % de la masse salariale totale ; que l'économie générale du dispositif ainsi mis en place par le législateur dans un but d'innovation, ainsi qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi, suppose que le contribuable qui entend s'en prévaloir dédie une partie de ses charges à la mise au point de nouveaux produits afin de répondre aux attentes, exprimées ou non, de futurs clients ;
5. Considérant que la société Mistigris Communication a, selon ses statuts, " pour objet la publicité au sens le plus large du terme. Le conseil, la conception, création, reproduction de tous documents, ouvrages, objets utilisés par les entreprises et les particuliers pour leur communication et leur publicité " ; qu'elle exerce une activité de création graphique et d'infographie dans les domaines de la " communication corporate ", de la presse d'entreprise et des relations de presse ;
6. Considérant qu'il est constant que le métier d'infographiste constitue un métier d'art qui figure, en tant que métier lié aux arts graphiques, sur la liste des métiers de l'artisanat d'art fixée par l'arrêté du 12 décembre 2003 auquel renvoient les dispositions précitées du III de l'article 244 quater O du code général des impôts ; que ces dernières dispositions, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, n'excluent pas, par principe, du bénéfice du crédit d'impôt les entreprises prestataires de services ; que lesdites dispositions n'excluent pas non plus la production de biens incorporels ; que si la société Mistigris Communication crée et réalise différents produits, notamment des images, logos, présentations graphiques, destinés à servir de vecteur de communication ou de publicité, qui sont le résultat, pour chacun d'entre eux, d'un travail de création original, toutefois, ce faisant, elle ne fait que répondre aux commandes qu'elle reçoit ; que la société Mistigris Communication n'établit pas par ailleurs dédier une part de son activité à la création de nouveaux produits en vue de répondre aux attentes, exprimées ou non, de futurs clients ; que, par suite, les travaux qu'elle réalise dans ce cadre, selon la commande de ses clients, ne constituent pas des opérations de conception de nouveaux produits au sens des dispositions précitées de l'article 244 quater O du code général des impôts et de l'article 49 septies ZL de l'annexe III du même code ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société Mistigris Communication n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Société Mistigris Communication est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié la Société Mistigris Communication et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Bouissac, présidente,
M. Besse, premier conseiller,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 avril 2015.
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N° 13LY02447
jb