Vu la requête, enregistrée le 30 août 2013, présentée pour M. B...A..., domicilié ...;
M. A... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0901646 du 28 juin 2013 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Clermont-en-Genevois soit condamnée à lui verser une indemnité de 90 000 euros en réparation des préjudices qu'il impute à la présence d'équipements municipaux à proximité de son domicile ;
2°) de condamner la commune de Clermont-en-Genevois à lui verser une indemnité d'un montant total de 152 800 euros, outre intérêts au taux légal à compter de sa demande, le 30 décembre 2008, et capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Clermont-en-Genevois la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance, comprenant les frais d'expertise ;
Il soutient que :
- la responsabilité sans faute de la commune est engagée, eu égard aux nuisances qu'il a dû subir depuis la création d'un " agora-espace " aménagé par la commune à proximité de son domicile, résultant de bruits, de nuisances olfactives et de dégradations, constitutives d'un préjudice anormal, et qui l'ont contraint avec sa famille à quitter son domicile ;
- la responsabilité de la commune est également engagée à raison de la carence fautive du maire à exercer ses pouvoirs de police municipale, sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;
- les préjudices subis présentent un caractère certain et spécial, portent atteinte à un intérêt légitime protégé et sont imputables à l'administration ;
- il est fondé à demander réparation des préjudices résultant de la dévaluation de son bien immobilier, de troubles de jouissance, liés à l'état de la route et aux jets de pierre, ainsi qu'un préjudice moral ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er octobre 2013, présenté pour la commune de Clermont-en-Genevois, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la réduction des demandes, et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- sa responsabilité sans faute ne peut être engagée à défaut pour M. A... de rapporter la preuve de l'anormalité de son préjudice et du lien de causalité entre l'ouvrage public et le préjudice invoqué ;
- aucune négligence constitutive d'une carence fautive dans l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police municipale ne peut être reprochée ;
- M. A... ne peut se prévaloir d'une situation juridiquement protégée compte tenu de sa situation d'illégalité au regard des règles fiscales ;
- les conclusions tendant à la réparation d'un préjudice du fait de l'état de la route ou de jets de pierre ne sont fondées sur aucun élément probant ; la dévalorisation alléguée du bien ne résulte que de rapports d'expertise non contradictoires ; il doit être tenu compte des efforts fournis par la commune pour satisfaire M. A..., et de la mauvaise foi de ce dernier ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2015, présenté pour M.A..., qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 2006-1099 du 31 août 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2015 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de MeC..., substituant Me Conrad, avocat de M.A... ;
1. Considérant que M. A..., habitant de la commune de Clermont-en-Genevois, y a été propriétaire, à compter de 1995, d'un ensemble immobilier comprenant un corps de ferme et des dépendances, constituant son habitation et celle de sa famille jusqu'à la cession de ces biens, le 4 décembre 2009 ; qu'à proximité de cette propriété a été installé, au cours de l'année 2004, sur un terrain appartenant à ladite commune, un espace de jeu aménagé de type " agora-espace ", ainsi qu'un parking gravillonné, situé à proximité d'un local technique municipal près duquel ont été installés des conteneurs à ordures et près duquel est également fixé l'arrêt de l'autobus de ramassage scolaire ; que M. A... a adressé à la commune de Clermont-en-Genevois, le 29 décembre 2008, une demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il prétendait subir à raison des nuisances, en particulier sonores, du fait de la présence et du fonctionnement de ces équipements, ainsi que du préjudice économique correspondant à une baisse de valeur vénale de son bien et résultant également de l'absence de mise en oeuvre par le maire de ses pouvoirs de police pour remédier à une telle situation ; que M. A... fait appel du jugement du 28 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'un terrain de sports aménagé par une commune constitue un ouvrage public dont la présence est susceptible d'engager envers les tiers la responsabilité de la commune propriétaire, même en l'absence de faute ; qu'il en est de même d'un parking de stationnement et d'un terrain aménagé pour les besoins du service de tri des ordures ménagères ; qu'il appartient toutefois aux tiers d'apporter la preuve de la réalité des préjudices allégués et du lien entre la présence ou le fonctionnement de l'ouvrage et lesdits préjudices ; que ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les ouvrages publics en cause sont implantés aux abords de la propriété de M. A..., à près de cinquante mètres de sa maison d'habitation ; que M. A... produit un rapport de mesure acoustique réalisé, à sa demande, par un expert le 25 novembre 2009, faisant état, durant sa mission, d'une durée totale de 2 heures 30, de trois dépassements de l'émergence maximale admise, prévue par le décret n° 2006-1099 du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage, en raison du bruit du moteur d'un véhicule automobile laissé allumé pendant plusieurs minutes, du bruit entendu lors de la dépose de sacs poubelles, et correspondant au bruit d'un véhicule sur le gravier, à l'ouverture et à la fermeture d'une portière de ce véhicule, et des rebonds d'un ballon manipulé par M. A... lui-même sur le terrain de sport, tout en relevant que le bruit dû au passage de l'autobus respecte l'exigence dudit décret, comme le bruit à l'intérieur du local technique municipal ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les nuisances sonores atteindraient un niveau élevé, eu égard, en particulier, à la fréquence et aux horaires d'utilisation des ouvrages en cause et au caractère intermittent de cette utilisation ; que les préjudices allégués par M. A..., à raison des troubles dont il se plaint et qui n'ont au demeurant pas pour origine la présence et le fonctionnement des ouvrages publics eux-mêmes, mais l'utilisation, de manière occasionnelle, qui en a été faite par des usagers, ne peuvent, dans ces conditions, être regardés comme présentant un caractère anormal - c'est-à-dire grave et spécial - excédant les sujétions susceptibles d'être, sans indemnité, normalement imposées dans l'intérêt général aux riverains des ouvrages publics ; que M. A... ne produit aucun élément de nature à établir l'existence d'un lien entre la présence de la route et des fissures qui seraient apparues sur certains murs de sa propriété ;
4. Considérant, en second lieu, qu'il résulte également de l'instruction qu'à la suite d'une lettre que lui avait adressée M. A... le 1er avril 2008, le maire de Clermont-en-Genevois a pris un arrêté, du 26 mai 2008, limitant l'utilisation de l'aire de jeu à certaines heures, prohibant l'accès du terrain aux chiens et aux véhicules à moteur, interdisant l'utilisation d'appareils sonores, et édictant une interdiction d'accès des abords du terrain aux véhicules à moteur après 22 h ; qu'il en résulte également que ledit maire a rappelé ces règles dans les bulletins municipaux, fait apposer des panneaux d'interdiction, et fait opérer des contrôles par la gendarmerie, qui n'a pas constaté d'infraction ; que dans ces conditions, et alors qu'il résulte également de l'instruction que, si le passage des véhicules, les jeux des enfants ou les différents bruits inhérents à la vie du quartier pouvaient apporter quelques troubles, ceux-ci n'étaient pas, par leur ampleur, tels que le maire fût tenu de faire usage des pouvoirs de police que lui confère l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, M. A... n'est pas fondé à demander une indemnisation des préjudices qu'il allègue au titre d'une carence fautive du maire de Clermont-en-Genevois dans l'exercice de ses pouvoirs de police municipale ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par la commune de Clermont-en-Genevois et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera la somme de 1 000 euros à la commune de Clermont-en-Genevois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et à la commune de Clermont-en-Genevois.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2015 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 avril 2015.
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N° 13LY02387