Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2013, présentée pour Mme D... O...veuveM..., domiciliée..., Mme Z... M... épouseG..., M. E... G...et M. A... G..., domiciliés Domaine de Chossac à Beauzac (43590), Mme I...G..., domiciliée..., Mme R...G..., domiciliée..., Mme B... M...épouseQ..., M. V... Q..., M. Y... Q...et M. C... Q..., domiciliés 48 route de Saint-Paul à Aurec-sur-Loire (43110), Mme S...Q..., domiciliée..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses filles mineures W...et F...T..., AA...M...épouse U..., M. K... U...et M. J... U..., domiciliés 38 route de Saint-Paul à Aurec-sur-Loire (43110), M. P... U..., domicilié..., M. E... M..., Mme X... L...épouseM..., Mme H... M...et M. O... M..., domiciliés 68 route de Beauzac à BasenBasset (43210) ;
Les consorts M... demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1006830 du 31 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant :
- à titre principal, à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser, en leur qualité d'ayants droit de M. E...M..., les sommes de 100 000 euros en réparation de la perte de chance de survie et 50 000 euros au titre des souffrances endurées par celui-ci à la suite de l'accident médical survenu lors de l'intervention chirurgicale réalisée le 23 janvier 2008 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne, à verser à Mme D... M... les sommes de 30 000 euros en réparation de son préjudice d'affection et 15 000 euros en réparation de son préjudice d'accompagnement, à chacun des enfants de M. E... M... les sommes de 18 000 euros en réparation de leur préjudice d'affection et 10 000 euros en réparation de leur préjudice d'accompagnement, et en réparation de leur préjudice d'affection, les sommes de 8 000 euros chacun aux gendres et belle-fille, 10 000 euros chacun aux petits-enfants et 3 000 euros chacun aux arrière-petits-enfants de M. E...M...;
- à titre subsidiaire, à ce que soit ordonnée une expertise ;
2°) de faire droit à leur demande devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de la partie adverse une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent :
- que M. E...M..., âgé de 74 ans, a été pris en charge au CHU de Saint-Etienne dans les suites d'un infarctus survenu le 6 janvier 2008 ; qu'il a été décidé de pratiquer un triple pontage coronarien et d'y associer un remplacement de la valve aortique et une plastie mitrale ; que l'intervention, prévue pour le 7 février et avancée au 23 janvier, a duré près de 12 heures ; que, dans les heures qui ont suivi, l'état de M. M...s'est dégradé du fait d'une hémorragie et d'une valve mitrale trop serrée ; qu'il est décédé le 14 février 2008 ; que l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) a conclu à un accident médical sans faute et que la CRCI a rejeté leur demande d'indemnisation ;
- que l'expert considère qu'un accident médical sans faute est responsable du décès de M. M... à hauteur de 50 % ; que, contrairement à ce qu'estime la CRCI, il n'a pas exclu tout lien entre le rétrécissement mitral et le décès, et il a qualifié le rétrécissement mitral d'iatrogène ;
- que contrairement à ce qu'affirme l'expert, le rétrécissement mitral comporte un risque de mort subite ;
- que la part de responsabilité de l'accident médical dans le décès, fixée à 50 % par l'expert, ne correspond pas aux informations données à M. M...par le professeur Barral, qui a mentionné un risque de 7 à 8 % lors de la visite pré-opératoire ;
- que la symphyse péricardique ne peut être prise en compte dans l'état antérieur car elle n'a eu d'incidence que du fait de l'intervention, et qu'il y a lieu de fixer à 90 % l'imputabilité de l'accident médical ;
- qu'en vertu des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, la réparation des préjudices incombe à l'ONIAM ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 octobre 2013, présenté pour l'ONIAM qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à l'organisation d'une expertise ;
Il soutient :
- que M. E...M...a été pris en charge au CHU de Saint-Etienne pour un syndrome coronarien aigu avec infarctus survenu le 6 janvier 2008 ; qu'une coronographie réalisée le 9 janvier a mis en évidence une atteinte tritronculaire avec sténose des coronaires droite, latérale et interventriculaire, ainsi qu'une insuffisance mitrale et une insuffisance aortique ; qu'il a été décidé collégialement de pratiquer un triple pontage coronarien associé à un remplacement valvulaire et à une plastie mitrale ; que l'intervention a été avancée au 23 janvier du fait d'une lésion très serrée de la coronaire droite ; qu'elle s'est avérée particulièrement délicate en raison d'une symphyse péricardique très serrée ; qu'au cours de l'intervention, il a été noté une fuite au niveau de la suture de l'oreillette gauche ; que l'évolution a été marquée par une cholestase associée à une défaillance cardiovasculaire ; qu'une échographie du 6 février a mis en évidence une cholécystite et qu'une cholécystectomie a été réalisée le même jour ; que, le 14 février, M. M...a présenté une désaturation avec hypotension associée à un pic fébrile ; que, le lendemain vers minuit, il a présenté une asystolie brutale pour laquelle il a été traité sans succès et qu'il est décédé à 0 heure 34 ;
- que l'expert ne relève aucune faute dans la prise en charge de M.M... ; qu'il souligne que le geste chirurgical à réaliser était lourd ; que la symphyse péricardique a compliqué l'ensemble des gestes ; que, pour réduire le temps de clampage aortique, le chirurgien a préféré réaliser une réparation mitrale a minima plutôt que celle prévue, qui aurait allongé le temps d'ischémie ; que le résultat de la réparation mitrale n'était pas bon, qu'une reprise aurait probablement conduit au décès et qu'ainsi, le rétrécissement mitral constitue un échec thérapeutique en lien avec l'état antérieur du patient ;
- qu'en tout état de cause, l'expert exclut le rétrécissement mitral iatrogène comme cause du décès et souligne que cette cause est difficile à établir en l'absence d'autopsie, de sorte qu'il n'existe pas de lien direct et certain entre le décès et l'intervention et que c'est par erreur que l'expert a employé le terme d'accident médical ;
- que l'intervention a été avancée du 7 février au 23 janvier du fait d'une lésion très serrée d'une grosse coronaire droite ; que l'état critique de M. M...aurait conduit au décès en l'absence de geste médical ; que l'expert précise que le risque opératoire était important et que la symphyse péricardique non prévisible ajoute à la morbidité et à la mortalité opératoire, et que c'est par erreur qu'il estime que le décès est anomal à hauteur de 50 %, dès lors que le dommage ne peut être qualifié d'anormal au regard des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 octobre 2014, présenté pour les consorts M...qui concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 mars 2015, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que selon l'expert, il n'a commis aucune faute ; qu'une nouvelle expertise serait inutile ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 mars 2015, présenté pour l'ONIAM qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes motifs ;
Il soutient en outre que la condition tenant à l'anormalité du dommage, telle qu'elle a été précisée par deux décisions du Conseil d'Etat du 12 décembre 2014, n'est pas remplie ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 mars 2015, présenté pour les consortsM... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2015 :
- le rapport de M. Clot, président ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de Mme B...Q... ;
1. Considérant que M. E...M..., âgé de près de 75 ans, a été pris en charge au centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne pour un syndrome coronarien aigu avec infarctus inférieur survenu le 6 janvier 2008 ; qu'une coronarographie réalisée le 9 janvier a mis en évidence une atteinte coronarienne tritronculaire sous forme de sténose des coronaires droite, latérale et interventriculaire antérieure, associée à une insuffisance mitrale II à III et à une insuffisance aortique de grade III ; qu'il a été décidé de réaliser un triple pontage coronarien, un remplacement valvulaire aortique et une plastie mitrale ; que l'intervention, prévue pour le 7 février, a été avancée au 23 janvier du fait d'une lésion très serrée d'une grosse coronaire droite dominante ; qu'elle a duré près de 12 heures et a été compliquée par une symphyse péricardique très serrée, puis par une hémorragie lors de la décanulation ; que le patient a été transféré dans une situation précaire dans le service des soins intensifs de chirurgie cardiaque, où il a reçu des transfusions de produits sanguins, puis dans le service de réanimation, où l'évolution a été marquée par une cholestase et une défaillance cardiovasculaire ; qu'une cholécystectomie a été pratiquée le 6 février 2008 ; que, le 13 février, M. M...a présenté une désaturation avec hypotension associée à un pic fébrile ; qu'il est décédé le 14 février 2008 à 0 heure 34 d'une asystolie brutale sans signe précurseur, traitée sans succès ; que les ayants droit de M. M... ont saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Rhône-Alpes qui a désigné un expert, puis a rejeté leur demande d'indemnité ; que les consorts M...font appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à les indemniser de leurs préjudices consécutifs au décès de M. E...M... ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. (...) " ; que l'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 ;
4. Considérant que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ;
5. Considérant que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ;
6. Considérant, en premier lieu, que selon le rapport de l'expert désigné par la CRCI de Rhône-Alpes, qui ne retient aucun manquement aux règles de l'art dans la prise en charge de M. M... au CHU de Saint-Etienne, compte tenu des graves pathologies cardiaques que présentait ce patient, " l'indication opératoire était formelle " ; que cet expert estime que M. M... a été victime d'un accident médical que constitue le rétrécissement mitral (RM) iatrogène constaté à l'issue de l'intervention, résultant d'une sur-correction de l'insuffisance mitrale dont il souffrait ; que, s'il indique qu' " on peut exclure le RM iatrogène comme cause du décès ", ajoutant que " le RM ne donne pas de mort subite ", il impute à cet accident médical non fautif 50 % de la cause du décès, lequel résulte, selon lui, dans la même proportion, de l'état initial de la victime ; que, dans ces conditions, l'acte médical pratiqué n'a pas entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ;
7. Considérant, en second lieu, que le rapport de l'expert fait état d'un risque opératoire, dont le patient avait été informé, de 7 à 8 % ; que l'avis de la CRCI du 10 décembre 2008 mentionne, en se référant aux précisions apportées par l'expert, l'existence d'un risque de décès de 15 % pendant l'intervention chirurgicale et de l'ordre de 30 % en comptant la période postopératoire ; qu'ainsi, la survenance du dommage ne présentait pas une probabilité faible ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la réparation du dommage n'incombe pas à l'ONIAM ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, les consorts M...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête des consorts M...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...O...veuveM..., Mme Z... M...épouseG..., M. E... G..., M. A... G..., Mme I... G..., Mme R...G..., Mme B... M...épouseQ..., M. V... Q..., M. Y... Q..., M. C... Q..., Mme S...Q..., Mme N... M...épouseU..., M. K... U..., M. J... U..., M. P... U..., M. E... M..., Mme X... L...épouseM..., Mme H...M..., M. O... M..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2015, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 avril 2015.
''
''
''
''
N° 13LY00608 2