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10/03/2015 | FRANCE | N°14LY00259

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 10 mars 2015, 14LY00259


Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2014, présentée pour M. D...Laporte, domicilié... ;

M. Laporte demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303572-1304957 du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2013 par lequel le maire de Bourgoin-Jallieu a retiré la délégation de fonctions qui lui avait été accordée dans le domaine économique, de la police des funérailles et des lieux de sépulture et a mis fin au versement de l'indemnité liée à l'exercice de l

adite délégation, à la condamnation de la commune de Bourgoin-Jallieu à lui verser u...

Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2014, présentée pour M. D...Laporte, domicilié... ;

M. Laporte demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303572-1304957 du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2013 par lequel le maire de Bourgoin-Jallieu a retiré la délégation de fonctions qui lui avait été accordée dans le domaine économique, de la police des funérailles et des lieux de sépulture et a mis fin au versement de l'indemnité liée à l'exercice de ladite délégation, à la condamnation de la commune de Bourgoin-Jallieu à lui verser une somme de 8 351,11 euros en réparation de son préjudice, enfin à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commune de Bourgoin-Jallieu a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et à ce que soit enjoint à la commune de Bourgoin-Jallieu de lui accorder ladite protection ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2013 et la décision implicite susmentionnés ;

3°) d'enjoindre à la commune de Bourgoin-Jallieu de lui accorder la protection fonctionnelle dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la commune de Bourgoin-Jallieu à lui régler la somme de 8 351,11 euros susmentionnée ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Bourgoin-Jallieu une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'arrêté du maire portant retrait de ses délégations en qualité de conseiller municipal, pris à la suite de la candidature de M. E...aux élections municipales de 2014, repose sur un motif politique, sans lien avec l'intérêt général et communal ;

- l'arrêté en litige, pris pour un motif exclusivement politique, est par suite entaché de détournement de pouvoir ;

- la décision implicite de refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle sur le fondement des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales est entachée d'illégalité dès lors que l'arrêté de retrait de délégation, pris pour un motif politique, est assimilable à une attaque directe contre un élu et porte atteinte à sa dignité, son indépendance et son droit de conscience ;

- l'illégalité du retrait de délégation entraîne un préjudice économique qui correspond au montant des indemnités perçues à ce titre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2014, présenté pour la commune de Bourgoin-Jallieu, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. Laporte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la décision de retirer les délégations du requérant n'est pas étrangère au bon fonctionnement de l'administration communale dès lors que la relation de confiance entre le maire et son conseiller municipal était rompue par une prise de position publique de ce dernier en sa défaveur ;

- cette décision n'est pas entachée de détournement de pouvoir ;

- les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales qui ouvrent droit à la protection fonctionnelle n'ont pas été méconnues ;

- les demandes indemnitaires de la requête doivent être rejetées : en l'absence de délégation seules les charges effectives ouvrent droit à indemnités ; l'intéressé ne peut donc invoquer un préjudice économique ; en tout état de cause, elle n'a commis aucune faute, l'arrêté attaqué n'étant entaché d'aucune illégalité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2015 :

- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., représentant M. Laporte et de Me F..., substituant MeB..., représentant la commune de Bourgoin-Jallieu ;

1. Considérant que M. Laporte fait appel du jugement du 19 décembre 2013, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2013 par lequel le maire de Bourgoin-Jallieu lui a retiré les délégations qu'il lui avait précédemment consenties en tant que conseiller municipal, à la condamnation de la commune de Bourgoin-Jallieu à lui verser une somme de 8 351,11 euros en réparation de son préjudice, à l'annulation de la décision implicite par laquelle ladite commune a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et enfin à ce que soit enjoint à cette dernière de lui accorder ladite protection ;

Sur la légalité de l'arrêté du 10 juin 2013 de retrait de délégation de fonctions :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation à des membres du conseil municipal. (...) Lorsque le maire a retiré les délégations qu'il avait données à un adjoint, le conseil municipal doit se prononcer sur le maintien de celui-ci dans ses fonctions. " ; que l'article L. 2122-20 du même code dispose : " Les délégations données par le maire en application des articles L. 2122-18 et L. 2122-19 subsistent tant qu'elles n'ont pas été rapportées. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le maire peut, à tout moment, mettre fin aux délégations qu'il a accordées, sous réserve que sa décision, qui n'a pas le caractère d'une sanction, ne soit pas inspirée par des motifs étrangers à la bonne marche de l'administration communale ;

3. Considérant que par un arrêté du 10 juin 2013, le maire de la commune de Bourgoin-Jallieu a retiré la délégation de fonctions qu'il avait consentie à M. Laporte, conseiller municipal, au motif qu'il s'était rallié à la candidature d'un autre conseiller municipal, M. E..., tête de liste pour les élections municipales de 2014, alors qu'au mois d'avril précédent, le maire avait apporté son soutien à M. A..., adjoint, qui avait annoncé sa candidature pour ces mêmes élections, sa liste étant composée principalement d'élus de la majorité sortante et son programme se situant dans la continuité de l'action municipale ; que le candidat que M. Laporte soutenait, décidé à faire " cavalier seul " et à établir un programme visant à " remettre les Berjalliens au centre de la vie à Bourgoin-Jallieu ", avait constitué une équipe composée principalement d'élus de la majorité municipale ainsi que d'un élu de l'opposition et de colistiers en charge de dossiers importants ; que dans ces conditions, le maire a considéré que le requérant se plaçait en rupture avec la majorité municipale ; que cette dissension, survenue au sein de la majorité municipale plusieurs mois avant les élections, caractérise une rupture du lien de confiance dont le maire était fondé à considérer qu'elle ne pourrait rester sans conséquence sur le bon fonctionnement de l'administration communale ; que, par suite, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant été inspirée par des motifs étrangers à la bonne marche de l'administration communale ;

4. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, la décision en litige n'est pas entachée de détournement de pouvoir ;

Sur la légalité de la décision implicite de refus d'accorder la protection fonctionnelle :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. " ; qu'aux termes de l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales : " Le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la commune conformément aux règles fixées par le code pénal, les lois spéciales et le présent code. / La commune est tenue de protéger le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion ou du fait de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. " ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, eu égard à son objet, la décision de retrait de délégation puisse être qualifiée de menace, violence, voie de fait, injure, diffamation ou outrage dont il incomberait à la commune de Bourgoin-Jallieu de protéger, conformément aux dispositions précitées, M. Laporte ; qu'en conséquence, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que la décision implicite par laquelle le maire a rejeté sa demande de protection fonctionnelle aurait méconnu les dispositions précitées ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Bourgoin-Jallieu n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en retirant la délégation de fonctions litigieuse ; que les conclusions présentées par M. Laporte tendant à la condamnation de la commune à réparer le préjudice économique qui résulterait de la privation consécutive de ses indemnités doivent, en tout état de cause, être rejetées ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Laporte n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté l'ensemble de ses demandes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bourgoin-Jallieu, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. Laporte au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. Laporte une somme au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Laporte est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Bourgoin-Jallieu tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...Laporte et à la commune de Bourgoin-Jallieu.

Délibéré après l'audience du 17 février 2015 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

MmeDèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mars 2015.

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N° 14LY00259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00259
Date de la décision : 10/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

135-02-01-02-02-03-04 Collectivités territoriales. Commune. Organisation de la commune. Organes de la commune. Maire et adjoints. Pouvoirs du maire. Délégation des pouvoirs du maire.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SELALS LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-03-10;14ly00259 ?
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