Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2014, présentée pour Mme E...F..., domiciliée... ;
Mme F...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1303563-1304953 du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2013 par lequel le maire de Bourgoin-Jallieu a retiré la délégation de fonctions qui lui avait été accordée dans le domaine économique et a mis fin au versement de l'indemnité liée à l'exercice de ladite délégation et de la délibération du 24 juin 2013 par laquelle le conseil municipal de Bourgoin-Jallieu s'est prononcé sur le maintien de sa qualité d'adjoint, à la condamnation de la commune de Bourgoin-Jallieu à lui verser une somme de 8 351,11 euros en réparation de son préjudice, à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commune de Bourgoin-Jallieu a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et enfin à ce que soit enjoint à ladite commune de lui accorder ladite protection ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2013, la délibération du 24 juin 2013 et la décision implicite susmentionnés ;
3°) d'enjoindre à la commune de Bourgoin-Jallieu de lui accorder la protection fonctionnelle dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de condamner la commune de Bourgoin-Jallieu à lui régler la somme de 8 351,11 euros susmentionnée ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Bourgoin-Jallieu une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- l'arrêté du maire portant retrait de ses délégations en qualité d'adjoint, pris à la suite de la candidature de M. D...aux élections municipales de 2014, repose sur un motif politique, sans lien avec l'intérêt général et communal ;
- le conseil municipal s'étant prononcé, par délibération du 24 juin 2013, sur le maintien de ses fonctions d'adjoint, le maire était tenu, en application de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, de retirer les délégations attribuées aux conseillers municipaux et de lui conférer une nouvelle délégation ;
- l'arrêté en litige, pris pour un motif exclusivement politique, est par suite entaché de détournement de pouvoir ;
- elle est fondée à exciper de l'illégalité de l'arrêté portant retrait de délégation, pour demander l'annulation de la délibération du 24 juin 2013 du conseil municipal de Bourgoin-Jallieu prise à sa suite ; cette délibération doit être annulée en conséquence de l'illégalité de l'arrêté susmentionné ;
- la décision implicite de refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle sur le fondement des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales est entachée d'illégalité dès lors que l'arrêté de retrait de délégation, pris pour un motif politique, est assimilable à une attaque directe contre un élu et porte atteinte à sa dignité, son indépendance et son droit de conscience ;
- l'illégalité du retrait de délégation entraîne un préjudice économique qui correspond au montant des indemnités perçues à ce titre ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2014, présenté pour la commune de Bourgoin-Jallieu, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme F...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- la décision de retirer les délégations de la requérante n'est pas étrangère au bon fonctionnement de l'administration communale dès lors que la relation de confiance entre le maire et son adjoint était rompue par une prise de position publique de cette dernière en sa défaveur ;
- cette décision n'est pas entachée de détournement de pouvoir ;
- la délibération du conseil municipal du 24 juin 2013 prise sur le fondement de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales à la suite de l'arrêté du 10 juin 2013 n'est entachée d'aucune illégalité ;
- les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales qui ouvrent droit à la protection fonctionnelle n'ont pas été méconnues ;
- les demandes indemnitaires de la requête doivent être rejetées : en l'absence de délégation, seules les charges effectives ouvrent droit à indemnités ; l'intéressée ne peut donc invoquer un préjudice économique ; en tout état de cause, elle n'a commis aucune faute, l'arrêté attaqué n'étant entaché d'aucune illégalité ;
Vu les pièces dont il résulte que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la délibération du conseil municipal du 24 juin 2013 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du17 février 2015 :
- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;
- et les observations de MeC..., représentant MmeF... et de Me G..., substituant MeB..., représentant la commune de Bourgoin-Jallieu ;
1. Considérant que Mme F...fait appel du jugement du 19 décembre 2013, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2013 par lequel le maire de Bourgoin-Jallieu lui a retiré les délégations qu'il lui avait précédemment consenties en tant qu'adjointe, ainsi que de la délibération du 24 juin 2013 par laquelle le conseil municipal de Bourgoin-Jallieu s'est prononcé sur le maintien de sa qualité d'adjoint, à la condamnation de ladite commune à lui verser une somme de 8 351,11 euros en réparation de son préjudice et enfin, à l'annulation de la décision implicite par laquelle cette commune a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et à ce que soit enjoint à cette dernière de lui accorder ladite protection ;
Sur la légalité de l'arrêté du 10 juin 2013 de retrait de délégation de fonctions :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation à des membres du conseil municipal. (...) Lorsque le maire a retiré les délégations qu'il avait données à un adjoint, le conseil municipal doit se prononcer sur le maintien de celui-ci dans ses fonctions. " ; que l'article L. 2122-20 du même code dispose : " Les délégations données par le maire en application des articles L. 2122-18 et L. 2122-19 subsistent tant qu'elles n'ont pas été rapportées. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le maire peut, à tout moment, mettre fin aux délégations qu'il a accordées, sous réserve que sa décision, qui n'a pas le caractère d'une sanction, ne soit pas inspirée par des motifs étrangers à la bonne marche de l'administration communale ;
3. Considérant que par un arrêté du 10 juin 2013, le maire de Bourgoin-Jallieu a retiré la délégation de fonctions qu'il avait consentie à MmeF..., deuxième adjointe, au motif qu'elle s'était ralliée à la candidature d'un conseiller municipal, M. D..., tête de liste pour les élections municipales de 2014, alors qu'au mois d'avril précédent, le maire avait apporté son soutien à M. A..., également adjoint, qui avait annoncé sa candidature pour ces mêmes élections, sa liste étant composée principalement d'élus de la majorité sortante et son programme se situant dans la continuité de l'action municipale ; que le candidat que Mme F...soutenait, décidé à faire " cavalier seul " et à établir un programme visant à " remettre les Berjalliens au centre de la vie à Bourgoin-Jallieu ", avait constitué une équipe composée principalement d'élus de la majorité municipale ainsi que d'un élu de l'opposition, et de colistiers en charge de dossiers importants ; que dans ces conditions, le maire a considéré que la requérante se plaçait en rupture avec la majorité municipale ; que cette dissension, survenue au sein de la majorité municipale plusieurs mois avant les élections, caractérise une rupture du lien de confiance dont le maire était fondé à considérer qu'elle ne pourrait rester sans conséquence sur le bon fonctionnement de l'administration communale ; que, par suite, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant été inspirée par des motifs étrangers à la bonne marche de l'administration communale ;
4. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, la décision en litige n'est pas entachée de détournement de pouvoir ;
5. Considérant que les conditions dans lesquelles le maire a dû satisfaire aux obligations découlant des dispositions de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, ne peuvent qu'être sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;
Sur la légalité de la délibération du 24 juin 2013 :
6. Considérant que, conformément aux dispositions de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, le maire de Bourgoin-Jallieu a convoqué le conseil municipal afin qu'il se prononce sur le maintien en fonction de l'adjoint concerné ; que par une délibération du 24 juin 2013, le conseil municipal s'est prononcé pour ce maintien ; que compte tenu de ce qui a été dit au point 3, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 10 juin 2013, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
Sur la légalité de la décision implicite de refus d'accorder la protection fonctionnelle :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. " ; qu'aux termes de l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales : " Le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la commune conformément aux règles fixées par le code pénal, les lois spéciales et le présent code. / La commune est tenue de protéger le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion ou du fait de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. " ;
8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard à son objet, la décision de retrait de délégation puisse être qualifiée de menace, violence, voie de fait, injure, diffamation ou outrage dont il incomberait à la commune de Bourgoin-Jallieu de protéger, conformément aux dispositions précitées, MmeF... ; qu'en conséquence, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la décision implicite par laquelle le maire a rejeté sa demande de protection fonctionnelle aurait méconnu les dispositions précitées ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Bourgoin-Jallieu n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en retirant la délégation de fonctions litigieuse ; que les conclusions présentées par Mme F...tendant à la condamnation de la commune à réparer le préjudice économique qui résulterait de la privation consécutive de ses indemnités doivent, en tout état de cause, être rejetées ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté l'ensemble de ses demandes ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bourgoin-Jallieu, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme F...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F...une somme au titre des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Bourgoin-Jallieu tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F...et à la commune de Bourgoin-Jallieu.
Délibéré après l'audience du 17 février 2015 à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Courret, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 mars 2015.
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N° 14LY00129