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05/03/2015 | FRANCE | N°14LY02958

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 05 mars 2015, 14LY02958


Vu I, sous le n° 14LY02958, la requête, enregistrée le 26 septembre 2014, présentée pour Mme B...A..., domiciliée... ; Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1407033 du 12 septembre 2014 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet de l'Ain en date du 4 juillet 2014 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de son renvoi et, d'autre part, de l'arrêté du même préfet en date du 4 septembr

e 2014 l'assignant à résidence pour une durée maximale de quarante cinq jour...

Vu I, sous le n° 14LY02958, la requête, enregistrée le 26 septembre 2014, présentée pour Mme B...A..., domiciliée... ; Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1407033 du 12 septembre 2014 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet de l'Ain en date du 4 juillet 2014 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de son renvoi et, d'autre part, de l'arrêté du même préfet en date du 4 septembre 2014 l'assignant à résidence pour une durée maximale de quarante cinq jours renouvelable une fois ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces arrêtés du préfet de l'Ain ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au profit de son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

La requérante soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour qui la fonde ; cette dernière décision est illégale du fait de l'irrégularité de la procédure car le préfet n'a pas saisi le directeur de l'agence régionale de santé alors qu'elle était fondée à se prévaloir de circonstances humanitaires exceptionnelles en raison des violences qu'elle a subies du fait de son mari ainsi que ses enfants ; la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car le traitement dont elle a besoin n'est pas disponible au Kosovo, elle ne dispose pas des ressources nécessaires pour accéder à des soins et parce qu'un retour dans ce pays, où se trouve la source de son traumatisme aggraverait son état de santé ; c'est à tort que le magistrat délégué a considéré qu'elle ne pouvait bénéficier des prévisions de la circulaire du 28 novembre 2012 car, à la date de la décision attaquée, ses enfants justifiaient de trois années de scolarité en France ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale car la décision de refus de titre de séjour qui la fonde ne fait pas état des violences subies et dès lors des risques encourus en cas de retour au Kosovo ; le préfet s'est à tort ainsi cru lié par sa décision de refus de titre de séjour en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire français ; il n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de son renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'assignant à résidence a méconnu son droit au recours effectif car elle ne pouvait être assignée à résidence avant l'expiration du délai du recours contentieux déposé devant le tribunal administratif à l'encontre de la mesure d'éloignement prise à son encontre ; elle n'est pas fondée car elle présentait des garanties de représentation ne faisant pas craindre sa fuite et, prise sans nécessité, a méconnu sa liberté d'aller et venir ; elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant quant au choix du lieu de son assignation car son fils Armand, âgé de quatorze ans est demeuré seul toute la semaine au camping de Bourg-en-Bresse ;

Vu les arrêtés et le jugement attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 10 novembre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 3 décembre 2014 à 16 heures 30, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2014, présenté par le préfet de l'Ain, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les moyens invoqués par Mme A...dans sa requête ne sont pas fondés ;

Vu l'ordonnance en date du 28 novembre 2014 reportant la clôture de l'instruction du 3 décembre 2014 au 15 décembre 2014 à 16 heures 30, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 décembre 2014, présenté pour Mme B...A... ; elle persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ; elle informe la Cour que le défenseur des droits a demandé au préfet de surseoir à l'exécution de la mesure d'éloignement en cause car l'un de ses enfants, Ariam, n'était pas concerné par l'exécution de cette mesure ;

Vu l'ordonnance en date du 16 décembre 2014 ré-ouvrant l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel), en date du 5 novembre 2014, accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme B...A... ;

Vu II, sous le n° 14LY02959, la requête, enregistrée le 26 septembre 2014, présentée pour Mme B...A..., domiciliée... ; Mme A... demande à la Cour :

1°) de surseoir à l'exécution de la " mesure d'éloignement " sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au profit de son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient qu'elle justifie de l'urgence et de moyens sérieux au sens de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ; que ces moyens sont ceux exposés dans le cadre de sa requête n° 14LY02958, déposée le même jour ;

Vu l'ordonnance en date du 10 novembre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 3 décembre 2014 à 16 heures 30, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2014, présenté par le préfet de l'Ain, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête de Mme A...est sans objet ; qu'il informe la Cour que Mme A...ne s'est pas présentée à l'embarquement le 29 septembre dernier ; qu'il s'en rapporte à ses écritures en défense présentées dans le cadre de la requête n° 14LY02958 ;

Vu l'ordonnance en date du 28 novembre 2014 reportant l'instruction du 3 décembre 2014 au 15 décembre 2014 à 16 heures 30, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 décembre 2014, présenté pour Mme B...A... ; elle persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ; elle informe la Cour que le défenseur des droits a demandé au préfet de surseoir à l'exécution de la mesure d'éloignement en cause car l'un de ses enfants, Arian, n'était pas concerné par l'exécution de cette mesure ;

Vu l'ordonnance en date du 16 décembre 2014 ré-ouvrant l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel), en date du 5 novembre 2014, accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme B...A... ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application des articles L.732-1 et R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2015 :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;

- et les observations de Maître Proust, avocat de MmeA... ;

1. Considérant que les requêtes susvisées de Mme A...sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

2. Considérant que Mme B...A..., ressortissante kosovare, née le 25 octobre 1966, est, selon ses déclarations, entrée en France le 28 février 2011, en compagnie de ses trois enfants ; que sa demande d'asile a été rejetée le 31 octobre 2012 par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 20 février 2014 ; que sa demande de réexamen de sa demande d'asile a également été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, saisi dans le cadre de la procédure prioritaire ; que par un arrêté du 4 juillet 2014, le préfet de l'Ain a rejeté sa demande de titre de séjour présentée au titre de l'asile et en qualité d'étranger malade, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi ; que, par un arrêté en date du 4 septembre 2014, le préfet de l'Ain l'a assignée à résidence dans un hôtel sis à Montluel, dans le département de l'Ain, durant une durée de 45 jours renouvelable une fois ; que, Mme A...relève appel du jugement du 12 septembre 2014 du magistrat délégué du Tribunal administratif de Lyon en tant que ce jugement a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ; qu'en invoquant les dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, elle doit être regardée comme demandant également qu'il soit aussi sursis à l'exécution de ce jugement ;

Sur la requête n° 14LY02958 tendant à l'annulation du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

S'agissant du moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la décision portant refus de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis (...). Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé.

Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. "

4. Considérant que Mme A...soutient avoir subi ainsi que ses enfants des violences de son ex-mari, dont la réalité a été reconnue par décisions du Tribunal communal de Pristina en date des 15 décembre 2009 et 24 juin 2010 ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces violences commises en 2009, soit antérieurement à son divorce intervenu le 31 mars 2010, auraient revêtu le caractère de circonstances humanitaires exceptionnelles à la date l'arrêté attaqué ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'à défaut pour le préfet d'avoir sollicité l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé sur ces circonstances, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour serait entachée d'un vice de procédure ;

5. Considérant qu'il ressort de l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé le 29 avril 2014 que si l'état de santé de Mme A...nécessite une prise en charge médicale d'une durée de douze mois, un défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque ; qu'à supposer même qu'un défaut de prise en charge médicale serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ressort des pièces produites par le préfet de l'Ain en appel que Mme A...pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo ; qu'elle ne peut utilement faire valoir qu'elle ne disposerait pas des ressources nécessaires pour accéder à ce traitement ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'ainsi qu'elle le fait valoir, ses troubles psychiques seraient liés aux violences familiales dont elle fait état et, qu'ainsi, un retour dans son pays d'origine aggraverait son état de santé ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour méconnaîtrait les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'en dehors des cas où il satisfait aux conditions fixées par la loi, ou par un engagement international, pour la délivrance d'un titre de séjour, un étranger ne saurait se prévaloir d'un droit à l'obtention d'un tel titre ; que s'il peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que la décision du préfet, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ; que, par suite, Mme A...ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté ;

S'agissant des autres moyens relatifs à la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III " ;

9. Considérant que le préfet de l'Ain a, dans un même arrêté, refusé à Mme A...la délivrance d'un titre de séjour et fait obligation à cette dernière de quitter le territoire français ; que, d'une part, la décision de refus de séjour dont cette mesure d'éloignement découle nécessairement est régulièrement motivée alors même qu'elle ne fait pas état des violences conjugales subies par la requérante et ses enfants ; que, d'autre part, l'arrêté contesté vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que Mme A...n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour prévu par ce code, ce qui justifie l'application à l'intéressée des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 qui autorisent le préfet à assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation tant de la décision portant refus de titre de séjour que de la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige doit être écarté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Ain a effectivement procédé à un examen particulier de la situation de Mme A...et ne s'est pas cru lié en prenant la décision d'éloignement par la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui la fonde ;

11. Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus par le jugement attaqué, qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter, les moyens invoqués par Mme A...tirés de ce que la décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale doivent être écartés ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

13. Considérant que MmeA..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile et la demande de réexamen de sa demande d'asile a été à nouveau rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soutient qu'elle-même et ses enfants encourent des risques en cas de retour au Kosovo du fait de son ex-mari ; que, toutefois, elle n'établit pas par les pièces jointes au dossier, la réalité des risques auxquels elle serait, ainsi que ses enfants, directement et personnellement exposés en cas de retour au Kosovo plus de quatre ans après son divorce ; que si elle produit une déclaration faite par son père le 23 décembre 2013 auprès de la police du Kosovo faisant état de plusieurs agressions de son ex-gendre, il n'est pas établi que cette déclaration aurait donné lieu à des poursuites ni que ces faits seraient liés à son divorce ; que, dès lors, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de son renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

15. Considérant que, par arrêté du 4 septembre 2014, le préfet de l'Ain assigné Mme A...à résidence, dans un hôtel sis à Montluel dans le département de l'Ain, pour une durée maximale de quarante cinq jours renouvelable une fois ; qu'il n'est pas contesté, qu'à la date de la notification de cet arrêté, Mme A...résidait avec ses trois enfants dans un camping sis à Bourg-en-Bresse à cinquante kilomètres du lieu de son assignation à résidence ; que si ses deux plus grands enfants étaient scolarisés en internat dans des établissements sis à Ambérieux-en-Bugey et à Bourg-en-Bresse, il n'est pas contesté que son plus jeune enfant, âgé de quatorze ans, scolarisé à Bourg-en-Bresse, demeurait éloigné de sa mère et isolé dans ledit camping alors qu'il était mineur ; que, dans ces conditions, cet arrêté a méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant et ainsi méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'il doit, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués à son encontre être annulé ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

16. Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A...n'appelle pas de mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme au conseil de Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la requête n° 14LY02959 tendant au sursis à exécution du jugement attaqué :

18. Considérant que le présent arrêt statue sur la requête à fin d'annulation du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 12 septembre 2014 ; que, dès lors, la requête de Mme A...tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer ; que ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Ain, être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du préfet de l'Ain en date du 4 septembre 2014 assignant Mme A...à résidence est annulé.

Article 2 : Le jugement n° 1407033 du magistrat délégué du Tribunal administratif de Lyon en date du 12 septembre 2014 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme A...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ain du 4 septembre 2014 l'assignant à résidence.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 14LY02959 de MmeA....

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de Mme A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 5 février 2015 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

M. Meillier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 mars 2015.

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N°14LY02958 et N° 14LY02959


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02958
Date de la décision : 05/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : SELARL BERNARDI ESQUERRE MONTEIRO PROUST

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-03-05;14ly02958 ?
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